Le 75ᵉ anniversaire de la libération des camps nazis

Roland Baumann
Les mesures de confinement ont provoqué l’annulation des commémorations du 75e anniversaire de la victoire sur le nazisme. Alors que disparaissent les derniers témoins de la barbarie nazie, comment commémorer leur histoire ? Ouvrage collectif, L’enfant sauvé retrace les luttes et l’important travail de mémoire des enfants cachés en Belgique.
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Interviewée par Don Babwin, journaliste de l’Associated Press (Haaretz 12/4/20) à propos des effets de la pandémie de coronavirus sur les survivants de la Shoah, Olga Weiss déclarait que le confinement actuel réactivait sa mémoire et ses peurs d’enfant cachée avec ses parents, en Belgique durant l’Occupation allemande. Selon Colette Avital, présidente du Centre des organisations des survivants de l’Holocauste en Israël, l’épidémie et les mesures de confinement ont un grand impact sur les survivants dont elles réveillent la mémoire des traumatismes subis pendant la Shoah.

Le 75e anniversaire de la défaite nazie devait marquer un temps fort de la transmission de la mémoire des victimes de la Shoah et du système concentrationnaire hitlérien. Suite à l’explosion de Covid-19, les commémorations de la libération d’Auschwitz organisées à Jérusalem ont été suivies de communiqués annonçant l’annulation des nombreuses activités mémorielles programmées sur les sites des anciens KZ nazis : Bergen-Belsen, Buchenwald, Dachau, Mauthausen, Sachsenhausen, etc. La libération de Dachau fut un temps fort de la représentation des camps nazis en photographie et au cinéma. Nombre de survivants juifs d’Auschwitz, rescapés des marches de la mort, furent libérés le 29 avril 1945 dans ce « camp modèle », ouvert par les nazis dès mars 1933.

Commémoration virtuelle

Au Mémorial du camp de Dachau, la cérémonie officielle du 3 mai a donc été annulée, tout comme le programme mémoriel organisé avec le Comité international de Dachau (CID), au grand regret de la directrice du Mémorial, Gabriele Hammermann : « Le 75e anniversaire de la libération a un fort pouvoir symbolique. Les anciens déportés, les libérateurs, leurs familles, les bénévoles, dignitaires, médias, le grand public au niveau national et international, ainsi que de nombreuses entreprises qui ont fait des dons généreux, éprouvaient plus que jamais le besoin de participer à cet anniversaire ».

En l’absence de cérémonie sur place, de visites et de rencontres avec les derniers témoins, comment transmettre cette histoire difficile ? L’historienne Irene Stuiber, associée au Mémorial, explique le recours à une commémoration virtuelle : « La commémoration virtuelle n’est pas un substitut aux rencontres et commémorations que nous avions initialement prévues. Mais c’est un geste, et nous espérons que de cette manière, la mémoire de la Libération et la mémoire des victimes seront mises en avant et diffusées au grand public. Nous avons donc demandé aux survivants et aux libérateurs d’écrire leurs messages du 75e anniversaire. Ces messages venus du monde entier ont été traduits et mis en ligne le 3 mai sur une page commémorative de notre Homepage, accompagnés de messages vidéos, notamment du président du Bundestag, W. Schäuble ».

L’inlassable combat

Alors que disparaissent les derniers témoins de l’horreur concentrationnaire, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) multiplie les propos négationnistes et des militants d’extrême droite viennent perturber les visites de hauts-lieux de la mémoire antinazie, tel Buchenwald, en Thuringe, où l’AfD est le deuxième parti au Parlement régional.

En Belgique, l’antisémitisme de carnaval, les velléités de réhabiliter la mémoire de « victimes de la répression d’après-guerre » ou le futur incertain du musée Kazerne Dossin incitent à réactiver la mémoire des survivants de la Shoah. Présenté au CCLJ l’an dernier, l’ouvrage collectif édité par Adolphe Nysenholc, L’enfant sauvé, témoigne des combats inlassables menés par les enfants cachés pour la mémoire de la Shoah en Belgique. Associant étroitement approches historiques et témoignages d’enfants cachés, cette publication nécessaire nous confronte aux discriminations subies pendant des décennies par les victimes juives de la Seconde Guerre mondiale en Belgique. On y trouve aussi une émouvante anthologie de récits d’enfants cachés, « paroles d’étoiles », dont les auteurs espèrent « que le rayonnement touchera encore les consciences longtemps encore après que ceux qui les ont prononcées ne seront plus là », ainsi qu’un captivant « album photo » reproduisant les documents de l’exposition itinérante de L’Enfant caché conçue par David Inowlocki. L’enfant sauvé rend hommage aux Justes, ces Belges qui, au risque de leur vie, n’hésitèrent pas à sauver des Juifs. Un livre incontournable en ce 75e anniversaire de la victoire sur le nazisme. Remarquable portrait collectif d’une association née il y a bientôt 30 ans ! Cheville ouvrière de la section enfance du Comité de Défense des Juifs (CDJ) et Juste parmi les nations, Andrée Geulen-Herscovici, notre « Mensch de l’année 2004 », aura 99 ans cette année.

– Adolphe Nysenholc (éd.), L’enfant sauvé. De la cache au statut. Didier Devillez Editeur et Institut d’études du judaïsme.

– Mémorial du camp de Dachau : www.kz-gedenkstaette-dachau.de
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