Le rêve de Harry ou la nostalgie d’Hollywood

Véronique Lemberg
En publiant son dernier roman, Le rêve de Harry (éd. Genèse), Alain Berenboom puise dans la nostalgie des salles obscures de son enfance et de son adolescence. A travers ce récit drôle où la mémoire d’un grand-oncle haut en couleur est évoquée, il nous fait partager son amour du cinéma.
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Pour Le rêve de Harry, Alain Berenboom s’est inspiré de l’histoire de son grand-oncle ayant quitté Vilna après la révolution bolchévique pour se réfugier en Allemagne où il a travaillé pour la UFA, cette célèbre société cinématographique qui a marqué l’âge d’or du cinéma allemand des années 1920. Harry s’est ensuite installé en Belgique où il est devenu propriétaire de cinémas de quartier à Bruxelles.

Dans le roman, cette histoire remonte à la surface à travers les mésaventures de Michaël Beilis, son petit neveu. Agent immobilier, il doit vendre un cinéma abandonné du centre-ville de Bruxelles que précisément son oncle Harry avait rêvé d’acquérir dans les années 1930. Ayant été bercé durant son enfance par la réussite de son oncle, il s’est dit qu’avec cette opération immobilière il pourra aller plus loin que son oncle en achetant ce cinéma pour faire revivre Le Rêve d’Harry.

Roman drôle, mélancolique et nostalgique des grands classiques du cinéma, Le Rêve de Harry pourrait être le scénario d’un film de Woody Allen. Comme de nombreux héros alleniens, Michaël Beilis est un schlemiel rêvant d’atteindre les étoiles, un maladroit plein d’ambitions mais qui n’en a pas les moyens. « Dans la plupart de mes romans, les personnages principaux ont ce profil », admet Alain Berenboom. « Ils ont tous une ambition énorme mais des moyens limités pour la réaliser. Toutefois, comme Michaël Beilis, ils ne baissent pas les bras et s’y essaient. Alors qu’ils sont conscients de leurs limites, ils se lancent. C’est une particularité juive. Même s’il n’y a que des malheurs qui s’abattent sur nous, nous ne baissons pas les bras car nous sommes convaincus que nous avons malgré tout une chance de les surmonter ».

Un personnage de Woody Allen

Ce qui aide précisément Michaël Beilis à surmonter son quotidien plutôt médiocre, c’est de l’envisager à travers les grands films qui l’ont nourri. « Les relais de ses ambitions sont précisément tous les grands classiques du cinéma, qu’ils soient américains, français ou italiens. Ces films ont alimenté tous ses rêves et ses ambitions », souligne Alain Berenboom. « A tel point que lorsqu’il est au cinéma en train de regarder un film, il se projette sur l’écran. Et lorsqu’il sort de la salle, il est encore Robert Mitchum, Gary Cooper, Carry Grant, etc. Comme s’il confondait la vie réelle avec la vie rêvée sur le grand écran. C’est ce qui l’alimente et lui donne envie d’agir ». Ce qui en fait à nouveau un personnage de Woody Allen. N’est-ce pas dans La Rose pourpre du Caire, qu’une femme passant ses soirées au cinéma pour se consoler, est interpellée par un personnage d’un film qui sort de l’écran pour l’entraîner dans une aventure aux rebondissements imprévus.

Comme le héros de son dernier roman, Alain Berenboom a aussi été bercé par le cinéma hollywoodien dans sa jeunesse. « En écrivant ce livre dont l’action se situe au 21e siècle, j’ai pu me replonger dans mes rêves de jeunesse », explique Alain Berenboom. « Comme beaucoup de jeunes Bruxellois du baby-boom, j’ai aimé fréquenter les grandes salles de cinéma (Eldorado, Métropole, Marivaux, Plazza) du centre de Bruxelles et aussi les cinémas de quartier. Tous ces cinémas étaient de beaux bâtiments construits pour la plupart dans les années 1930 dans un style moderniste qu’on ne retrouvait pas dans les autres bâtiments de Bruxelles. En entrant dans ces salles, on était déjà emporté par l’aventure et l’exotisme du film hollywoodien qui était projeté ». Il y a effectivement beaucoup de nostalgie dans ce livre. Mais elle s’exprime avec légèreté et humour. Et surtout, une envie de faire partager cet amour du cinéma de la grande époque.

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