Omnias vanitas

Roland Baumann
Le musée de la Maison d’Erasme expose l’œuvre céramique d’Eileen Cohen Sussholz. Sculptures étonnantes dont la contemporanéité favorise le dialogue avec l’univers Renaissance de ce haut-lieu de la mémoire humaniste à Bruxelles
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Ouvert en 1932 dans une des plus vieilles maisons bruxelloise, proche de la collégiale Saints-Pierre-et-Guidon et dans laquelle logea, en 1521, le célèbre auteur de l’Eloge de la folie, après avoir fondé durant son séjour à Louvain le Collège des Trois Langues (latin-grec-hébreu), la Maison d’Erasme reconstitue l’intérieur d’une demeure de la Renaissance. Elle abrite une excellente collection de peintures anciennes et une bibliothèque de renommée internationale pour la recherche sur Erasme et d’autres humanistes. Comme l’exprime Zahava Seewald, directrice des musées communaux d’Anderlecht et conservatrice de la Maison d’Erasme et du Béguinage, l’institution expose de l’art contemporain dès 1946, en particulier des sculptures dans ses jardins. Depuis 2000, le « Jardin philosophique » du musée accueille des œuvres d’art contemporain en dialogue avec la pensée d’Erasme. En 2008, l’exposition « Anatomie des Vanités » sur les cabinets de curiosités des 16e et 17e siècles, s’accompagnait entre autres, d’œuvres de Jan Fabre et Marie-Jo Lafontaine. Ont suivi d’autres expositions d’artistes contemporains, dont Pierre Alechinsky.

L’exposition Omnia Vanitas de céramiques d’Eileen Cohen Süssholz évoque le thème intemporel et universel du memento mori, « souviens-toi que tu mourras ». Erasme portait au doigt une bague sertie d’une gemme antique censée figurer Terminus, dieu antique représentant la mort ou le terme de la vie. Ce memento mori lui rappelait à chaque instant le côté éphémère de la vie humaine. Exposées dans cette maison-musée consacrée à la vie et à l’œuvre d’Érasme, les créations de Eileen Cohen Süssholz s’y trouvent en « tête à tête », tantôt avec une peinture ancienne, un meuble Renaissance, une sculpture gothique, ou encore un livre du 16e siècle, questionnant avec ironie les rapports de tout être humain aux plaisirs de la vie et à la mort. Née en Afrique du Sud et vivant en Belgique depuis 2001, diplômée de l’Académie des beaux-arts de Berchem où elle étudie actuellement la céramique, Eileen a présenté son art dans l’exposition « Cent artistes en Liberté » au Musée Juif de Belgique (2016) et exposé à la Pedrami Gallery d’Anvers.

Vanités de la Renaissance

Omnia Vanitas tire son nom des vanités de la Renaissance, représentations allégoriques de la mort, du passage du temps, de la vacuité des passions et activités humaines. Déboucheur à ventouse, botte de cowboy, pistolet jouet, tuba de plongée, sèche-cheveux, maillet, couteau… autant d’objets du quotidien que l’artiste moule pour l’associer à des objets symboliques empruntés aux peintures de vanités : crâne humain, fruits, instrument de musique. Les couleurs vives et le glacis de la céramique contrastent joyeusement avec le thème artistique d’inspiration chrétienne. Bricolages clinquants et captivants dont les objets hétéroclites qui les inspirent, moulés et transposés dans l’argile, puis unis et fondus dans la matière et la couleur, composent des œuvres à la symbolique énigmatique, où la parodie et l’ironie tiennent une place importante.

Comme l’indiquent certains titres de ses céramiques (Cinderella’s last chance, Riders on the storm…) Eileen s’inspire aussi de la culture populaire, sans pour autant donner à ses œuvres des significations précises, laissant leur interprétation à la liberté du spectateur. Elle exprime ses affinités surréalistes, son intérêt pour l’art de Broodthaers…tout comme sa fascination pour la peinture du Caravage ! Des céramiques bien singulières donc, qui questionnent le visiteur sur les enjeux actuels de « la vie » et de ses « vanités » dans les espaces chargés d’histoire de la Maison d’Érasme. Des « œuvres de potier » dont l’ingéniosité et la beauté formelle évoquent aussi la céramique de la Renaissance et ses grands artistes, tel Bernard Palissy. Comme le souligne Eileen, la céramique est un art intense, exigeant une grande maîtrise technique et dont le résultat final reste toujours une surprise. C’est pour reproduire un masque festif de sa fille, une tête de mort, qu’elle s’est lancée dans la création céramique !

Exposition Omnia Vanitas jusqu’au 26 novembre 2020  Mar. – Dim.  10.00 – 18.00 –  Musées Maison d’Érasme & Béguinage – Rue de Formanoir 31 1070 Bruxelles

www.erasmushouse.museum

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