Cette mise en garde m’apparaît effectivement des plus judicieuses si l’on songe à la somme d’âneries et/ou d’infox alignés en si peu de lignes.
La thèse de l’article est, en effet, d’un simplisme absolu : Israël ne serait rien d’autre qu’un Etat colonial et ce, depuis non pas 1967 mais … 1948, date de sa création ! A le lire, un « triple malentendu » expliquerait la naissance de cet Etat incongru. Le premier, « la Grande Bretagne régnant sur la Palestine saisit l’occasion de la réparation consécutive à l’Holocauste pour remplir ses engagements vis-à-vis du Conseil Juif Mondial de créer un Etat pour les Juifs. Ce projet reçoit le soutien inconditionnel de tous les Etats coloniaux qui formaient à l’époque la majorité au sein de l’A.G. des Nations Unies ». Le deuxième, « Israël s’est construit en vendant sa propre politique sécuritaire comme essentielle à la sécurité des Occidentaux en s’alignant sur leur propre vision coloniale du Proche-Orient, du monde arabe et des Pays du Golfe ». Le troisième, « Israël, en faisant du sionisme l’unique projet fédérateur pour la communauté juive, s’engageait dans un processus qui dès le départ était en contradiction avec l’ensemble du corpus juridique autorisant sa création dans des frontières mal définies »
Quel salmigondis ! Et notre homme d’évoquer « la politique de terreur de la Haganah » (sic) et, bien évidemment l’actuelle politique israélienne de nettoyage ethnique (sic) que « certains juristes apparentent au crime de génocide ». Ben voyons ! Logiquement, Galand en appelle donc à la disparition de cet « Etat voyou … non souhaité mais imposé par la force brutale avec le soutien sans failles de l’Occident » (re-sic). Autant d’erreurs et/ou de mensonges tient de l’exploit. La vérité historique est bien différente.
C’est, en effet, en opposition à l’Empire britannique, oublieux de ses promesses de 1917, qu’Israël s’est finalement créé, non sans mal. La Grande-Bretagne était alors opposée à la création d’un Etat juif au cœur d’un Moyen-Orient qui, de l’Egypte à l’Irak, était sa chasse gardée. Sa politique antisioniste était fondée sur l’hypothèse que les Etats arabes étaient foncièrement pro-occidentaux et constitueraient, si on les traitait bien, des facteurs de stabilité dans la région face à la menace communiste alors que le sionisme signifiait l’intrusion d’un élément étranger, marxisant et désorganisateur. C’est la raison pour laquelle le gouvernement de sa Majesté en vint, en 1939, à interdire toute immigration juive en Palestine, même au plus fort de la Shoah, s’abstint ensuite, en 1947, de voter le partage de la Palestine et, enfin, devint en 1948 le principal pourvoyeur d’armes de ses principaux ennemis (Egypte, Jordanie, Irak).
La Belgique rechigna, elle aussi, à reconnaître Israël, compte-tenu de l’antisionisme rabique du Parti social-chrétien, le parti colonialiste par excellence, et des hésitations de Paul-Henri Spaak qui suivait aveuglement la politique britannique. En ce qui concerne les Etats-Unis, comment oublier que le général Marshall, alors secrétaire d’Etat, soucieux des liens économiques étroits avec l’Arabie Saoudite, menaça de démissionner en cas de soutien à la cause juive. Il en fut de même de James Forrestal, le secrétaire à la Défense. Si Truman en vint finalement à soutenir le plan de partage, il n’en promulgua pas moins un embargo total sur les ventes d’armes au Moyen-Orient, décision dramatique pour l’Etat juif.
Israël ne devra son salut qu’au soutien du bloc soviétique. Désireux de réduire l’influence britannique en Méditerranée orientale, Staline intima aux Tchèques de puiser dans leurs stocks d’armes issus de la Seconde guerre mondiale. C’est ainsi que des Messerschmitt fabriqués par les usines Skoda prirent le dessus sur des Spitfire fournis à l’Egypte par les Britanniques. D’autres éléments infirment encore la « thèse » colonialiste du Président à vie de l’ABP : le lien historique entre le peuple juif et la Terre d’Israël, caractéristique évidemment absente dans le cas des comptoirs coloniaux ; le refus des pionniers juifs d’exploiter le travail des paysans arabes et l’idéologie sioniste prônant le retour des Juifs au travail agricole et manuel ; l’absence de métropole : de quel pays Israël serait-elle la colonie ?
Personnellement, je ne sais pas si Monsieur Galand est antisémite. Ce qui est sûr en revanche, c’est sa monumentale mauvaise foi et/ou son abyssale ignorance des tenants et aboutissants d’une cause dont il se targue d’être un spécialiste et/ou son obsession délirante d’Israël que de nombreux historiens et politistes apparentent, à tort ou à raison, à de l’antisémitisme. L’hypothèse d’un antisémitisme culturel, largement inconscient, est en tout cas à retenir. L’obsession d’Israël frapperait tous ceux qui, chrétiens ou désormais laïques, ont été nourris durant leur jeunesse au catéchisme préconciliaire qui, rappelons-le, posait les Juifs en assassin du christ. Dans cette acception, l’antisionisme radical doit être compris, pour paraphraser Clausewitz, comme la continuation de l’antijudaïsme par d’autres moyens. A suivre.
PS. Pierre Galand est évidemment un fervent soutien de BDS, un mouvement qui prône la destruction de l’Etat d’Israël, notamment à travers un discours antisémite bien compris. Cette affirmation n’est pas gratuite. Elle est développée dans mon dernier ouvrage, co-écrit avec Alain Soriano, qui devrait sortir cette rentrée aux éditions la Boîte à Pandore.