“UNORTHODOX”

Florence Lopes Cardozo
Sortie sur Netflix le 26 mars 2020, en plein confinement, la nouvelle série « Unorthodox » traite de la fuite d’une jeune femme de sa communauté hassidique. Contre toute attente, ces quatre épisodes en yiddish se sont hissés au top 10 de la plateforme cinéma.
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Librement adapté du best-seller autobiographique de Deborah Feldman, cette mini-série allemande entérine les récits de celles et ceux qui ont quitté leur carcan ultra-orthodoxe pour se reconstruire ailleurs. Et qui ont réussi. Mus par leur curiosité, par leur soif de savoirs, les « déserteurs » Shalom Auslander, Leah Vincent, Shulem Deen ou encore Anouk Markovits -auteurs, respectivement de La Lamentation du prépuce ; Libérez-moi ; Celui qui va vers elle ne revient pas et Je suis interdite– en sont devenus des figures de proue.

Mais revenons à notre série Netflix : Esty Shapiro grandit dans une communauté hassidique (Satmar) à Williamsburg, quartier de Brooklyn. Elevée par sa grand-mère, elle se voit mariée à 17 ans à Yanky. Leur union est loin d’être heureuse, le poids de sa belle-famille n’y est pas étranger. Esty ne tombe pas enceinte et seul le statut de mère peut lui apporter une légitimité… Marginalisée du fait de ne pas avoir été élevée par ses parents, dotée d’une intelligence vive et d’un désir d’épanouissement personnel, elle décide de quitter les siens, direction Berlin. Livrée à une nouvelle civilisation, la jeune femme découvre la vie sous un ciel nouveau. Son regard intercepte des gestes, des libertés inconnues ; elle découvre des lieux et se lie avec un groupe d’étudiants musiciens qui va accélérer son intégration façon « United Colors of Benetton + LGBT ». Mais à Williamsburg, un conseil de famille décide d’envoyer Yanky, l’époux délaissé, avec son cousin Moïshe, la récupérer…

De la tradition à l’émancipation

La dynamique de la série tient de ses contrastes :  Brooklyn versus Berlin. A la vie « un modèle, une taille, une couleur pour tous » s’oppose un carrefour de possibles. Face à la vie collective sécurisée s’opposent les grandeurs et les douleurs de la solitude, doublées du choc des cultures. L’actrice Shira Haas investit ces deux mondes tout en nuances et en sensibilité. Tour à tour, défiée, humiliée, encouragée, fragilisée, considérée, l’actrice frêle et chétive insuffle son énergie à son personnage, lui prête la vérité de son corps et de son visage nu. Ses regards dépeignent la souffrance, la détermination, l’observation et l’appétit de la vie. On ne peut que s’incliner devant l’investissement de l’actrice dans ce rôle. Un autre personnage qui aurait pu passer insignifiant et qui se révèle éminemment présent est Yanky, son mari. Il incarne l’innocence de ces enfants « à payess » qu’on balance dans le mariage, la sexualité et la vie « adulte », sans mode d’emploi. Ses grands yeux puérils traduisent une naïveté mâtinée de désarroi. Amit Rahav, dont c’est l’un des premiers rôles, s’y révèle touchant : les duos qu’il forme tant avec Shira Haas (Esty, sa femme) qu’avec l’excellent Jeff Wilbusch (Moïshe) « matchent ». Tous les acteurs, dont les figures pittoresques de la fresque ultra-orthodoxe, ont bénéficié des conseils avisés d’Eli Rosen, tant pour l’authenticité et la représentation des coutumes Satmar que pour la rondeur du yiddish. Ce dernier apparaît également dans le film.

De Williamsburg à Berlin

De facture très classique, la série alterne présent et flash-back. Et si la réalisatrice Anna Winger se défend d’avoir réalisé une enquête anthropologique sur les Satmar, sa caméra donne à découvrir des rituels spectaculaires. Quant à la partie fictive berlinoise, elle trahit quelques facilités et invraisemblances tout en illustrant de belles et fortes symboliques, le retour sur les pages sombres de l’Histoire, la mémoire des déportés ou encore l’installation effective de Juifs et d’Israéliens à Berlin. Mais le succès de la série repose probablement sur le cran d’une femme démunie qui vient de « loin » et qui en veut. La série nous permet aussi d’entrevoir ou de rêver à une société qui, dans son administration comme dans sa culture, ouvre ses portes aux « étrangers » (à la nuance près qu’elle dispose d’un passeport allemand), et qui leur donne l’opportunité d’une insertion, voire d’une réussite. Deborah Feldman -au-delà de ses déboires et difficultés édulcorés dans cette adaptation- en est un exemple vibrant. Une saison 2 serait en pourparlers.

UNORTHODOX de Alexa Karolinski et Anna Winger. Librement adapté de « Unorthodox : The Scandalous Rejection of My Hasidic Roots » de Deborah Feldman (2012). Création originale de Netflix, en yiddish: 4 épisodes + le « making of » sur les coulisses du tournage. Vous voulez découvrir Netflix ? Demandez à vos enfants ou petits-enfants de vous l’installer ! D’autres films à thème juif sont également en ligne.
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