Viviane Teitelbaum est née le 16 octobre 1955 à Anvers. Après une scolarité au Koninkelijke Lyceum Antwerpen, elle étudie le journalisme et la communication sociale à l’Université libre de Bruxelles (ULB) et une fois sa licence en poche, elle part aux Etats-Unis où elle obtiendra un master en relations internationales à l’Université de Californie du Sud. C’est pendant ses études à l’ULB, qu’elle contracte le virus du militantisme et de l’engagement. Elle devient la première femme à accéder à la présidence de l’Union des étudiants juifs de Belgique (UEJB). Dans ce cadre, elle sera très active dans le combat pour la libération des Juifs soviétiques et elle se rendra même en URSS pour apporter des livres et des Magen David aux Juifs soviétiques. A son retour, elle témoignera de son expérience lors de la seconde conférence pour les Juifs d’URSS organisée en 1976 à Bruxelles à Forest national. C’est David Susskind, alors président du CCLJ, qui lui a communiqué les adresses où elle devait se rendre pour entrer en contact avec des Juifs et des refuzniks.
Durant ses études aux Etats-Unis, elle écrit une série d’articles pour Regards. A son retour en Belgique en 1980, David Susskind lui demande tout de go si elle connait le Nouvel Obs et Jean Daniel. Après avoir répondu par l’affirmative, il lui demande alors de devenir le Jean Daniel de Bruxelles et de transformer le mensuel Regards en un hebdomadaire ! D’abord rédactrice en chef adjointe, elle devient rédactrice en chef de Regards un an après. « Son dynamisme et sa force de travail ont permis à l’équipe de Regards de passer d’un projet théorique un peu fou à sa concrétisation en faisant évoluer un mensuel vers un hebdomadaire. Elle a fait entrer Regards dans une division supérieure », assure Armand Szwarcburt, directeur de publication et éditeur responsable de Regards à cette époque.
Après avoir quitté la rédaction de Regards en 1992, elle travaille pendant un an sur l’écriture d’un livre sur l’histoire des enfants cachés (Enfants cachés. Les larmes sous le masque, éd. Luc Pire) à la demande de Sophie Rechtman, présidente de l’association L’Enfant caché. Toute la période durant laquelle elle recueille les témoignages est très prenante émotionnellement. Elle rentre souvent à la maison en larmes car certains témoins expriment pour la première fois une souffrance trop longtemps tue. Ils s’approprient leur histoire et ont enfin leur place dans la mémoire de la Shoah aux côtés des déportés et des résistants. Le livre est publié en 1994 le même jour que la sortie en salles de La liste Schindler de Spielberg. C’est ce film sur la Shoah qui conduit Viviane Teitelbaum à suivre une formation à Paris en vue de recueillir des témoignages pour la Fondation Spielberg. Elle a ensuite formé à son tour une quinzaine d’interviewers à Bruxelles dans les locaux du CCLJ. Au bout de ce processus ayant permis d’enregistrer plus de deux cents témoins, tous les interviewers se sont retrouvés à Los Angeles où ils rencontrent Steven Spielberg.
Mémoire de la Shoah et conscience politique
L’écriture de ce livre forgera sa conscience militante. Fille d’enfants cachés, Viviane Teitelbaum a été très tôt marquée par la mémoire de la Shoah mais aussi confrontée aux écumes de la Collaboration flamande dans une ville où ses héritiers de droite et d’extrême droite constituent encore aujourd’hui des forces politiques importantes. Le travail de mémoire lui donne la force incroyable pour lutter contre l’antisémitisme et le racisme mais aussi pour défendre les valeurs démocratiques.
Entretemps, Viviane Teitelbaum devient présidente de l’école Beth Aviv. Cette expérience communautaire enrichissante lui laisse un souvenir inoubliable. Au-delà de la découverte du monde de l’école et de la pédagogie active, il y a surtout la rencontre avec Ouzia Chaït, première directrice de cette école. Sous l’impulsion de cette dernière, Beth Aviv a mis en œuvre une vision pédagogique où l’identité juive est considérée comme un trésor qui permet à l’enfant de s’enrichir, d’enrichir le monde et enfin d’être enrichi par le monde extérieur. « J’ai connu Viviane et Georges, comme parents d’élèves, nous étions partenaires de la scolarité de leurs deux fils », se souvient Ouzia Chaït. « Viviane, devenant Présidente du Conseil d’administration, nous entrons donc dans une relation inédite. Un peu inquiète, mais vite apaisée : notre vision de l’éducation se croisait Sa capacité d’analyse, son aisance dans la communication allaient lui permettre de faire cohabiter nos singularités, non sans peine… mais aussi avec l’humour qui neutralisait les tensions. Sachant que la gestion d’une école par les “parents” est une mise à l’épreuve, un défi permanent mais aussi stimulant. Elle avait compris que cette responsabilité la contraignait à prendre des décisions qui n’étaient pas toujours bien acceptées par tous, elle occupait sa place, elle en portait la responsabilité. La relation Présidente/Direction respectueuse et empathique s’est mise en place très naturellement, nous pouvions partager accords et désaccords, interrogations, questionnements, doutes, en toute confiance, sans crainte de générer des rumeurs. Une de ces belles rencontres que nous réserve la vie dans le respect, la confiance, la loyauté et la fidélité ».
Sa passion militante ne faiblit pas. De 1998 à 2001, Viviane Teitelbaum devient présidente du Comité de coordination des organisations de Belgique (CCOJB). Première et seule femme à ce jour à assumer cette fonction, elle réussit à imposer son autorité à cette institution représentative encore largement dominée par des hommes plus âgés qu’elle. Dans une ambiance électrique, elle gère les conflictualités idéologiques encore vives et obtient le consensus. Elle mène notamment le combat contre l’adoption du décret Suykerbuyk visant à « l’assouplissement des conséquences sociales de la Répression » en attribuant notamment un subside à des « victimes » de la répression de la Collaboration. Elle poursuit la lutte contre l’extrême droite et la dénonciation de son entrée dans un gouvernement en Autriche et en dernière année de mandat, elle doit faire face aux retombées belges du déclenchement de la Deuxième Intifada.
Pas aux ordres mais loyale
Même si Viviane Teitelbaum n’a jamais songé à entrer dans l’arène politique car cela ne fait pas partie de ses envies ni de ses projets qui sont plutôt tournés vers le journalisme et l’écriture de livres, c’est pourtant assez naturellement qu’elle rejoint le monde politique au début des années 2000, lorsque tous les partis cherchent à mieux refléter la diversité bruxelloise. Bien qu’ayant longtemps milité au PS ixellois sous Roger Lallemand, elle décide de se présenter sur la liste libérale. En 2004, elle est élue députée au Parlement bruxellois où elle siège encore aujourd’hui après quatre campagnes électorales réussies. « Elle mène un travail courageux au Parlement bruxellois », souligne Joël Kotek, professeur à l’ULB et directeur de publication de Regards. « Sans être la voix officielle de la communauté juive au sein de cette assemblée, elle se prononce entre autres sur des problèmes auxquels sont confrontés les Juifs bruxellois. On peut ainsi se demander quelle aurait été l’issue des assises sur le racisme si elle n’avait pas été présente pour rappeler que l’antisémitisme doit aussi faire partie des préoccupations d’un plan de lutte contre le racisme. C’est la raison pour laquelle elle ennuie et dérange. Elle dit des vérités dont personne ne veut entendre parler, tant concernant l’antisémitisme que le féminisme universaliste. Ce sont des combats qu’elle mène avec cohérence. Son attitude lors du vote sur l’abattage rituel illustre bien sa capacité de concilier l’inconciliable. Elle est non seulement cohérente mais elle n’est pas non plus aux ordres. Elle fait preuve d’une loyauté irréprochable à son parti tout en conservant son quant à soi et sa liberté ».
Au Parlement bruxellois, elle fait preuve du même dynamisme et de la même force de travail qu’à Regards et dans les institutions communautaires juives. « Viviane, c’est un ouragan de travail et de convictions, de dévouement, et travaillant sans cesse à l’amélioration du sort de tous ceux qui sont en difficulté ou dans l’injustice », témoigne Henri Benkoski, cofondateur de Radio Judaïca et directeur de cabinet d’Hervé Hasquin, Ministre-Président du gouvernement de la Communauté française entre 1999 et 2003. « Pour avoir vécu de nombreuses prises de parole ou lu des écrits de sa part, c’était toujours convaincant et militant. Elle est parfois insultée ou menacée, et ce n’est pas simple à assumer, mais son courage l’emporte chaque fois. Et elle repart au front des bonnes causes ».
Très engagée sur le plan communautaire, Viviane Teitelbaum n’est pas communautariste pour autant dans ses combats politiques. Et cela se vérifie surtout dans son engagement communal à Ixelles (échevine aux finances, à la propreté publique, au commerce et à l’urbanisme entre 2012 et 2018) où sa judéité ne lui apporte rien du tout sur le plan électoral. Même au niveau régional, elle prend bien soin d’ouvrir ses perspectives. Une qualité que ne manque pas de souligner son collègue Marco Loewenstein, député bruxellois DéFi : « Voilà plus de 20 ans que nos chemins se croisent, se rejoignent puis s’éloignent, sans pour autant nous écarter de nos convictions et combats communs, de notre volonté partagée d’améliorer le quotidien des gens et de défendre un modèle de société que d’aucuns remettent en question. J’ai eu le plaisir de découvrir l’engagement de Viviane alors qu’elle était présidente du CCOJB et que j’étais président de l’UEJB, c’était il y a presque 25 ans ! Notre combat contre le racisme, l’antisémitisme et le négationnisme, contre la délégitimation d’Israël et l’importation du conflit dans nos rues s’est poursuivi ensuite, notamment au Parlement bruxellois où certes, nous évoluons dans des formations politiques aujourd’hui différentes, mais où nous avons malgré tout veillé à transcender ces logiques partisanes pour travailler, dans la confiance et le respect, sous des formes parfois différentes, et mobiliser nos forces sur l’essentiel. Nous avons également partagé une expérience commune d’échevin, entre autres de la propreté, Viviane à Ixelles, moi à Forest, ce qui nous a permis d’apporter des réponses encore plus concrètes aux préoccupations quotidiennes de la population. Viviane poursuit depuis longtemps, avec beaucoup de force et de conviction, un engagement sans faille contre les injustices et la précarité, pour les Droits des Femmes, mais aussi pour un meilleur cadre de vie pour les Bruxellois, je pense notamment à l’environnement, à la propreté ou encore à l’urbanisme ».
Femme, féministe, libre, juive, laïque, libérale
Même les personnalités politiques qui n’ont pas eu l’occasion de la fréquenter dans ses engagements communautaires ont été marquées par sa force de conviction et son souci de ne pas s’enfermer dans une case communautariste. « Viviane vit en accord avec ses convictions d’universaliste. Elle s’adresse à tous, sans distinction », fait remarquer Alexia Bertrand, secrétaire d’Etat au Budget et à la Protection des consommateurs du Gouvernement fédéral. « Femme de valeurs et de combats, elle lutte contre toute forme de discrimination : l’antisémitisme, l’homophobie, le racisme. Elle ne perd jamais une occasion de se battre pour les droits des femmes et l’égalité, pour la laïcité, pour les valeurs démocratiques. Des combats chevillés au corps, ancrés en elle, indissociables de sa personne jusqu’à l’épuisement. Femme, féministe, libre, juive, laïque, libérale, ses identités sont multiples et elle en est fière. Son regard vif et pétillant rehaussé de ses lunettes bleues caractéristiques, son authenticité, son intégrité, son sourire franc et chaleureux, ses convictions fortes et exprimées, son rire contagieux et ses interventions documentées, engagées, charismatiques et, souvent émouvantes, sont sa marque de fabrique. Viviane Teitelbaum fait partie de ces femmes dont on redoute le jour où elles quitteront les bancs du parlement. Collègue respectée, elle a fait porter sa voix dans tous les grands combats de société, sachant allier tradition et modernité avec succès. Ses valeurs combinées à son intelligence d’esprit et de cœur en font une personne exceptionnelle, une Mensch. Oui, car dans le cas de Viviane, croyez-moi, on dit bien « une » Mensch ».
Bien que le mot « Mensch » soit masculin, il va falloir le féminiser si le CCLJ souhaite qu’il soit porté par Viviane Teitelbaum, tant investie dans le combat féministe et très attachée à la féminisation des titres et qualités. Présidente du Conseil des femmes Francophones de Belgique (2010-2018), Présidente du Lobby Européen des femmes (2012-2016), et aujourd’hui Présidente Europe du Conseil International des Femmes, Viviane Teitelbaum défend un féminisme universaliste et laïque. « Féministe universaliste, militante pour l’émancipation des femmes et pour l’éradication du sexisme dans toutes les strates de notre société, Viviane Teitelbaum a non seulement travaillé d’arrache-pied dans les arènes politiques pour vaincre les réticences au féminisme qui, avant #MeToo étaient généralisées, mais a aussi réussi à assumer brillamment, en plus d’une carrière politique, de nombreux mandats tant sur le plan national qu’international pour défendre la cause des femmes », confirme Sylvie Lausberg, directrice du département Etude & Stratégie du Centre d’Action Laïque et Présidente du Conseil des Femmes Francophones de Belgique entre 2018 et 2022. « Elle reste une boussole et un soutien pour les nouvelles militantes qui défendent un féminisme laïque et émancipateur, en accord avec les valeurs fondamentales de la démocratie et de la séparation des Eglises et de l’Etat ».
Emancipation des femmes
Viviane Teitelbaum est consciente d’être une sorte d’anomalie dans ce milieu féministe très marqué à gauche où elle est arrivée avec une voix libérale progressiste. Ces différences idéologiques ne l’ont pas empêchée de réaliser des projets communs ni de rencontrer des femmes extraordinaires avec lesquelles elle a pu partager des combats et des moments extraordinaires de sororité. « Viviane est une féministe des Lumières ! », s’exclame Djemila Benhabib, militante féministe, chargée de missions au Centre d’Action Laïque et fondatrice du collectif Laïcité Yallah. « Je me souviens d’une action commune en faveur des femmes afghanes devant le Parlement européen. Viviane était là. Il pleuvait des cordes. Imperturbable, vêtue de son ciré jaune, elle saisit le micro pour nous rappeler à notre devoir de solidarité envers des femmes dont l’existence même était remise en cause par un régime d’apartheid sexuel qui ne reculait devant rien. Tout au long de sa carrière politique, la condition des femmes a constitué une préoccupation majeure, une forme de boussole pour mesurer l’état de nos démocraties. Pas question pour elle de se résigner. Elle parle, écrit, témoigne, interpelle pour rappeler la précarité de la condition humaine et partager son horizon politique : l’émancipation des femmes. Solide comme un roc, Viviane nous montre le chemin. Levez -vous ! Battez-vous ! Parlez ! Pour vous, vos mères, vos enfants, vos petits-enfants. Pour l’humanité ».
Dynamique, fonceuse et militante, Viviane Teitelbaum est devenue une femme qui compte. Grâce à sa force de caractère, elle est capable de faire face à l’adversité. Même si ses prises de position lui ont valu des insultes et des menaces de mort, elle n’a jamais craint de défendre ses idées. Il est donc important que le monde politique compte des élus de cette trempe. Combinant ses racines juives avec l’universalisme des idées, elle a fait de ses identités multiples un formidable levier pour défendre les valeurs démocratiques et les accorder tant au masculin qu’au féminin.
La ligne du temps de Viviane Teitelbaum
- Naissance le 16 octobre 1955 à Anvers
- Etudes en journalisme et communication sociale à l’Université libre de Bruxelles où elle devient la première femme présidente de l’UEJB
- Master en relations internationales à l’Université de Californie du Sud
- Publication d’un livre d’un livre sur l’histoire des enfants cachés en 1994
- Présidente de l’école Beth Aviv de 1993 à 1996
- Présidente du Comité de coordination des organisations de Belgique (CCOJB) de 1998 à 2001
- Premier pas dans le monde politique au début des années 2000
- Élue députée au Parlement bruxellois où elle siège encore aujourd’hui après quatre campagnes électorales réussies
- Échevine aux finances, à la propreté publique, au commerce et à l’urbanisme d’Ixelles entre 2012 et 2018
- Présidente du Conseil des femmes Francophones de Belgique (2010-2018), Présidente du Lobby Européen des femmes (2012-2016), et aujourd’hui Présidente Europe du Conseil International des Femmes, Viviane Teitelbaum défend un féminisme universaliste et laïque.
J’avais à l’époque proposé Monsieur Joël Rubinfeld comme Mensh de l’année au CCLJ. Cette proposition n’a pas été retenue.
C’est dommage car à mon estime il en a fait beaucoup plus pour notre communauté que Madame Teitelbaum même si je lui reconnais beaucoup de mérites. C’est un grand militant contre l’antisémitisme.
Sans doute la politique a-t-elle ses raisons dans le choix du CCLJ.
@Viviane
Après tout ce que je sais et lu de toi, je voudrais premièrement te féliciter pour ce titre “Mensh” que tu as reçu, pour moi tu es bien supérieure à ça!
merci Elie, ça me touche!
Viviane femme libre passonnée et courageuse
Merciii
Mazal tov
merci Dominique!