Le coup d’Etat des Officiers libres en juillet 1952 et l’instauration de la République inquiètent la communauté juive. Elle va pourtant connaître deux ans de répit. Le nouveau chef de l’Etat, le général Mohammad Naguib, multiplie les gestes rassurants, notamment en se rendant à la grande synagogue du Caire à l’occasion de Yom Kippour. Mais l’arrivée au pouvoir en 1954 de Gamal Abdel Nasser met fin à cette période de calme. Suite à la nationalisation du canal de Suez par Nasser le 26 juillet 1956 et à l’expédition menée par les forces franco-britanniques appuyées par une attaque d’Israël dans le Sinaï entre le 29 octobre et le 7 novembre 1956, une campagne de répression et d’expulsions sans précédent vise les Juifs d’Egypte.
Cela commence le 3 novembre 1956 par l’expropriation et la nationalisation automatique de toute propriété anglaise et française dans le pays. Deux jours plus tard, ce décret est étendu à toute personne de confession juive résidant en Egypte ainsi qu’à toute personne dite « suspecte », ou soupçonnée d’avoir été mêlée à des « activités mettant en cause la sécurité nationale ». Cette mesure est suivie de nombreuses arrestations arbitraires de Juifs et de séquestrations de leurs biens. Parmi les 486 personnes expropriées dans la semaine suivant l’application du décret, au moins 95 % sont juives. On estime ainsi à plus de 500 le nombre de sociétés et entreprises juives mises sous séquestre entre novembre 1956 et mars 1957.
Mais c’est surtout la déclaration du ministère des Affaires religieuses lue le 23 novembre dans toutes les mosquées qui scelle le sort des Juifs d’Egypte. « Tous les Juifs sont des sionistes et des ennemis de l’Etat », affirme cette déclaration qui promet également leur expulsion prochaine.
De novembre 1956 à juin 1957, quelque 25.000 Juifs quittent l’Egypte en y abandonnant la plus grande partie de leurs biens. Ils émigrent vers l’Europe, les Etats-Unis, l’Amérique du Sud et Israël après avoir signé sous la contrainte ou la menace une déclaration mentionnant qu’ils quittent le pays volontairement et acceptent la confiscation de leurs avoirs. Le message adressé aux Juifs est clair : l’abandon de leurs biens et leur départ immédiat d’Egypte est la seule issue possible s’ils veulent échapper aux violences que les autorités égyptiennes n’empêchent ni ne répriment. La défaite de l’Egypte lors de la guerre des Six Jours, en 1967, provoquera le départ des quelques milliers de Juifs restés dans ce pays et anéantira la plus vieille communauté juive du monde en dehors d’Israël.