Regards n°1109

Je lis, tu lis, ils écrivent… Adam Biro, Mes histoires juives, Éditions Philippe Rey, 390 p.

Quand ses filles étaient petites, raconte l’auteur, et que, dans leurs lits, le matin, elles ne voulaient pas ouvrir l’œil, leur père s’approchait d’elles et leur glissait à l’oreille ces quelques mots magiques : « Deux-juifs-voyagent-dans-un train. » Et ces simples mots suffisaient à les réveiller tout à fait en les faisant rire aux éclats. L’auteur est né à Budapest en 1941 et a quitté la Hongrie en 1956. Budapest, cette ville de rêve où, lors d’une gay pride en 2007, on a pu entendre hurler : « Les pédés dans le Danube, ensuite les Juifs ! » Biro fut éditeur d’art et reste un spécialiste de l’humour juif auquel il a consacré plusieurs ouvrages. Sans être pour autant anti-sépharades, il faut bien reconnaitre que ses histoires séculaires, souvent entendues mais qu’on ne se lasse pas de réécouter, sont essentiellement ashkénazes. Surtout si, précisément, cela commence par « Deux juifs voyagent dans un train ». Adam Biro ne se contente pas de nous rappeler ces innombrables vitsn qui, telle la métamorphose d’une mélodie chère à I.L. Peretz, ont sillonné toutes les routes depuis Moscou, Varsovie, Lemberg, Cracovie, Budapest, Berlin et Vienne jusqu’à New York, Buenos Aires et Tel Aviv.

 Il les commente, les raconte à sa façon, les contextualise, les rallonge à sa sauce, ne reculant, quel courage, devant aucune digression, utile ou superflue, et même la plus improbable, y mêlant de plus l’actualité la plus désespérante. C’est pourquoi Biro a pris soin d’intituler son ouvrage Mes histoires juives, car il les fait siennes. Un petit proverbe yiddish que j’aime bien, dans sa simplicité de bon sens : « La pauvreté n’est pas une honte, mais il n’y a pas de quoi s’en vanter. »

Écrit par : Henri Raczymow