Quand ses filles étaient petites, raconte l’auteur, et que, dans leurs lits, le matin, elles ne voulaient pas ouvrir l’œil, leur père s’approchait d’elles et leur glissait à l’oreille ces quelques mots magiques : « Deux-juifs-voyagent-dans-un train. » Et ces simples mots suffisaient à les réveiller tout à fait en les faisant rire aux éclats. L’auteur est né à Budapest en 1941 et a quitté la Hongrie en 1956. Budapest, cette ville de rêve où, lors d’une gay pride en 2007, on a pu entendre hurler : « Les pédés dans le Danube, ensuite les Juifs ! » Biro fut éditeur d’art et reste un spécialiste de l’humour juif auquel il a consacré plusieurs ouvrages. Sans être pour autant anti-sépharades, il faut bien reconnaitre que ses histoires séculaires, souvent entendues mais qu’on ne se lasse pas de réécouter, sont essentiellement ashkénazes. Surtout si, précisément, cela commence par « Deux juifs voyagent dans un train ». Adam Biro ne se contente pas de nous rappeler ces innombrables vitsn qui, telle la métamorphose d’une mélodie chère à I.L. Peretz, ont sillonné toutes les routes depuis Moscou, Varsovie, Lemberg, Cracovie, Budapest, Berlin et Vienne jusqu’à New York, Buenos Aires et Tel Aviv.
Il les commente, les raconte à sa façon, les contextualise, les rallonge à sa sauce, ne reculant, quel courage, devant aucune digression, utile ou superflue, et même la plus improbable, y mêlant de plus l’actualité la plus désespérante. C’est pourquoi Biro a pris soin d’intituler son ouvrage Mes histoires juives, car il les fait siennes. Un petit proverbe yiddish que j’aime bien, dans sa simplicité de bon sens : « La pauvreté n’est pas une honte, mais il n’y a pas de quoi s’en vanter. »