Peu connu du grand public, le marchand d’art d’origine allemande, Heinz Berggruen (1914-2007), a tenu une galerie durant trente ans à Paris. Ce personnage romanesque et cosmopolite, ami des artistes de son temps, s’est raconté avec force anecdotes dans son autobiographie dont le titre le résume parfaitement : J’étais mon meilleur client (Éditions l’Arche). Non seulement il y évoque ses rencontres avec des hommes et des femmes qui ont influencé de manière décisive l’art du XXe siècle (Frida Kahlo, Gertrude Stein, Peggy Guggenheim, Nina Kandinsky, Matisse, Miró, Man Ray et, bien sûr, Picasso ont croisé son chemin), mais il revient sur son parcours extraordinaire.
Né dans une famille juive à Berlin en 1914, il s’exile en Californie à l’orée de la Seconde Guerre mondiale. Après avoir étudié en France, il entre pour la première fois en contact avec le monde de l’art à San Francisco. Au lendemain de la guerre, Berggruen préfère retourner sur le vieux continent, d’abord dans son pays natal en tant que journaliste, puis au siège de l’UNESCO à Paris. Lassé, il s’engouffre petit à petit dans le marché de l’art : après une première galerie Place Dauphine, il s’installe définitivement rue de l’Université, où il se spécialise notamment dans les arts graphiques des artistes modernes.
Heinz Berggruen, un marchand et sa collection
Musée de l’Orangerie, Jardin des Tuileries, Place de la Concorde (côté Seine)
75001 Paris Jusqu’au 27 janvier 2025
« J’étais mon meilleur client »
Passionné, il noue très rapidement des contacts avec la sphère culturelle parisienne et rencontre autant les artistes à exposer que les poètes, marchands, historiens, critiques et collectionneurs de l’époque. Berggruen se fait une place certaine dans la capitale et fort de son succès, il devient son « meilleur client ». En effet, guidé par ses propres goûts et affinités, il se constitue une solide collection d’œuvres du XXe siècle, autour de ses deux maîtres favoris : Pablo Picasso et Paul Klee.
Le parcours de l’exposition, entre monographies et focus thématiques, souligne avant tout les goûts particuliers et personnels de Berggruen. S’il est évident qu’il a mis en avant l’ensemble quasi exhaustif des carrières de Picasso et de Klee, tout comme les remarquables papiers collés de Matisse ou les sculptures filiformes de Giacometti, l’exposition se structure autour de lui, mettant en évidence ses choix, ses rencontres et ses affinités, qui ont présidé à la constitution de cette collection.
Cédé à l’État allemand en 2000, quelques années avant la mort du collectionneur, ce vaste ensemble trouve un écho particulier avec la collection Walter-Guillaume du Musée de l’Orangerie. La centaine de chefs-d’œuvre de Picasso, Klee, Matisse ou encore Giacometti permet de revaloriser un acteur majeur du marché de l’art parisien de la deuxième moitié du XXe siècle.