William Dubin, 56 ans, est un biographe professionnel. Il travaille maintenant sur la vie de D.H. Lawrence, comme par hasard le chantre de la sexualité. C’est que Dubin est à un tournant de sa vie. Ses enfants sont grands et ont quitté la maison. Il se promène dans la campagne au nord de l’Etat de New York, non loin du Vermont, s’interrogeant sur lui-même. Et voici qu’une très jolie jeune femme, Fanny, arrête sa voiture à sa hauteur et demande son chemin. Si elle porte autour du cou un collier avec une étoile de David, en revanche, note aussitôt notre homme mûr, ne porte pas de soutien-gorge. Nous voici d’emblée en plein roman, et justement, c’est un roman, qu’on considère comme le meilleur de son auteur, Bernard Malamud (1914-1986), proche de Philip Roth, et dont on n’a pas oublié L’homme de Kiev. « Ah ! Dubin, il suffit que tu rencontres une jolie fille sur la route et te voilà prêt à lancer ton cheval à la poursuite de la jeunesse. » On l’aura compris, notre héros traverse ce qu’il convient d’appeler la crise de la cinquantaine. Et si, songe-t-il, écrivant la vie des autres, c’était une façon de ne pas vivre la sienne ? Et si, devant le spectacle de cette jeune Fanny sexy, c’était le démon de midi, chez William Dubin, qui frappait à la porte ? La vie, parfois, est bien faite. Fanny, étudiante désinvolte, va se faire embaucher comme aide-ménagère, par Kitty, Mme Dubin…
Et c’est elle, Fanny, qui la première perce à jour l’écrivain : « Vous avez l’air d’un chiot, lui dit-elle, qui ne veut pas mordre l’os qu’on lui donne. » C’était bien vu, et peut s’amorcer, dès lors, ce roman d’un amour adultère, thème récurrent dans la littérature américaine… Ah ! quel bonheur de retrouver ses lectures de jeunesse, ce grand roman (juif) américain, ample et généreux, qui vous emporte loin des miasmes mesquins de la vieille Europe « aux anciens parapets », comme disait un certain Arthur Rimbaud, et vous fait aussitôt décoller, même si nos deux amants se retrouvent à Venise !