Une Palestinienne marche parmi les oliviers dont les olives ont été volées par des colons juifs pendant la saison des récoltes. ©Reuters
Écrit par : Daniel Rodenstein
02/12/2025
Regards n°1121

Les vrais crimes d’Israël

Il n’y a pas et il n’y a pas eu de génocide à Gaza. Le dire est simplement rappeler une vérité. En revanche, il y a et il y a eu des crimes en Israël et en Cisjordanie, mais pas ces crimes dont la presse parle de façon quotidienne en Europe ou en Amérique.

 Historiquement, un génocide est la destruction physique d’un groupe humain causée par l’action voulue d’un autre groupe. Il s’agit de la disparition réelle, l’assassinat, de tous les membres du groupe victime de génocide qui tombent dans les mains du groupe génocidaire. Tous, bébés, vieillards, femmes, hommes, sans aucune exception. C’est brutal et violent, c’est un cataclysme. Là où il y avait une nombreuse communauté établie de longue date, il n’y a plus rien. Les survivants d’un génocide doivent leur salut au fait de n’être pas tombés dans les mains des génocidaires. Un génocide n’est pas un massacre, ni une guerre, quoiqu’il puisse se dérouler pendant une guerre. C’est une décision suivie d’une planification, mise en œuvre par une institution étatique ou quasi-étatique ayant le pouvoir d’agir.

Rien de tout ceci n’a eu cours à Gaza. À Gaza se déroule une guerre entre le Hamas et Israël. Cette guerre comporte son lot de morts involontaires. Des morts collatéraux, morts non pas parce qu’ils étaient visés mais parce qu’ils étaient dans le voisinage de quelqu’un qui, lui, était visé légitimement. Il y en a dans toute guerre. C’est une tragédie, mais c’est inévitable. Pour la seule bataille de Normandie en 1944 on estime que 20.000 civils ont péri. Le bombardement de Tokyo, mené dans la nuit du 9 au 10 mars 1945 par les Américains, a causé 100.000 morts civils. Si à Gaza on a l’impression qu’il y a eu autant de morts civils en deux ans de guerre, c’est d’une part parce que nous croyons qu’il ne s’agit que de civils, et d’autre part parce que tous ces morts sont présents à nos yeux jour après jour. Non pas que ces morts n’aient pas de valeur, non pas qu’ils ne soient une perte ni une tragédie. Mais la différence entre les morts à Gaza et ceux au Darfour, qu’on le veuille ou pas, ne réside pas dans la valeur intrinsèque de chaque humain mort ni dans le fait que les uns sont noirs de peau et les autres pas. Non. Leur différence réside dans le fait que la presse, la télévision, les réseaux sociaux nous montrent les uns et pas les autres. Nous n’avons pas nécessairement une sensibilité plus grande pour les morts de Gaza que pour ceux de El Fasher, simplement on ne nous montre que les uns, nous ne voyons qu’eux.

S’il y avait eu l’intention de vider Gaza de ses habitants en les exterminant, alors cela aurait été fait. Alors il n’y aurait plus d’humains à Gaza en dehors de l’armée israélienne. Les Israéliens en avaient la possibilité, les moyens et le temps. Mais ce n’est pas arrivé. Simplement parce qu’il n’y a jamais eu, parmi les décisionnaires, c’est-à-dire les membres du cabinet de guerre, d’intention génocidaire. Israël n’était pas en guerre contre les Palestiniens de Gaza mais contre le Hamas. C’est le Hamas qui a fait en sorte qu’il y ait autant de morts collatéraux en se cachant parmi la population civile. Une frappe contre le Hamas entrainait ainsi inévitablement des morts civils. Ce choix du Hamas n’en fait pas un génocide de la part d’Israël.

Crime contre la démocratie

Mais qu’il n’y ait pas eu de génocide à Gaza ne signifie pas qu’il n’y ait pas eu des crimes en Israël. Il y en a eu, il y en a, et leur nombre et gravité ne font que croitre et s’accumuler. Le premier en importance et qui projette son ombre sur tous les autres est le crime contre la démocratie perpétré par le gouvernement démocratique d’Israël. Après les élections de novembre 2022 une coalition entre le parti de Netanyahou et des formations d’extrême droite religieuses et racistes formées par des fous de dieu convaincus que dieu a promis aux Juifs et à eux seuls toute la terre d’Israël voit le jour. Il souhaite établir un pouvoir absolu ne gardant de la démocratie que le résultat des élections en gommant les mécanismes de contrôle, les contrepouvoirs, les garanties d’un état de droit. Il s’agit de bâillonner la Cour suprême, seul pouvoir à même de brider l’exécutif ; de soumettre à son pouvoir tous les organes de l’État aussi bien que la presse ; d’étendre les colonies en Cisjordanie en ayant recours à la violence ; d’empêcher la création d’une Palestine étatique avec l’espoir inavoué et démentiel de vider la Cisjordanie de ses habitants palestiniens.

Les tentatives pour bâillonner la Cour suprême lancées dès l’installation du gouvernement ont entraîné en réaction des manifestations massives en défense de la démocratie se déroulant chaque semaine et réunissant jusqu’à plus d’un demi-million de personnes. La mise sur pause à cause du 7 octobre 2023 et ses suites n’empêchent pas le gouvernement de reprendre ces intentions dès que l’occasion se présente. Ces tentatives suivent leur cours actuellement. Le chef du Shin Bet (le service de renseignement intérieur) Ronen Bar a été contraint à la démission en pleine guerre après que des enquêtes aient été initiées par le Shin Bet sur de possibles faits pénaux dans l’entourage du Premier ministre. Netanyahou avait essayé de limoger Ronen Bar, ce qui avait été empêché par la Cour suprême pour cause de conflit d’intérêt. La Procureure générale avait également fait état d’un conflit d’intérêt de la part de Netanyahou. Le gouvernement se propose d’approuver une loi pour modifier le statut et le rôle de la Procureure générale de façon à la priver de tout pouvoir réel d’enquêter ou d’interférer avec les décisions du gouvernement.

Une procureure générale emprisonnée

En pleine guerre de Gaza, des Palestiniens suspectés d’être des miliciens du Hamas sont détenus dans une base militaire près de la bande de Gaza, la base de Sde Teiman. Le 5 juillet 2025 un des détenus palestiniens est hospitalisé avec des côtes cassées, un poumon perforé et une déchirure rectale. Il aurait été torturé par cinq soldats réservistes israéliens, gardiens des détenus dans cette base. Après l’enquête policière, des soldats sont arrêtés et conduits dans une autre base où siège un tribunal militaire. De centaines de sympathisants d’extrême droite en ce y compris des députés et un ministre se rendent à Sde Teiman, y pénètrent de force (dans une base militaire en pleine guerre !) et, ne trouvant pas les détenus accusés de torture se dirigent vers le tribunal militaire essayant de faire libérer ceux qu’ils qualifient de « héros ». Des violences éclatent avec les soldats de garde qui empêchent l’intrusion. S’ensuivent de virulentes attaques de la part de Netanyahou et de ses ministres contre la Procureure générale de l’armée accusée de persécuter des soldats israéliens et de défendre des terroristes du Hamas. Quelques jours plus tard une vidéo du déroulement des sévices est projetée dans une chaine de TV israélienne. Un scandale éclate. Loin de pointer les tortures, le gouvernement fait front contre la diffusion de la vidéo. La Procureure générale est suspectée d’avoir fait filtrer la séquence, ce qu’elle nie dans un premier temps, pour finalement le reconnaître en présentant sa lettre de démission. Elle est depuis lors emprisonnée et accusée de complot contre l’État et l’armée. On ne parle plus des faits de tortures et on exige la fin du procès contre les soldats auteurs des sévices. D’autre part, il n’y a pas de poursuites contre les auteurs des incursions dans les bases militaires. Quant au détenu palestinien abusé, il a été libéré et renvoyé à Gaza.

Le gouvernement étudie un projet de loi pour instaurer la peine de mort obligatoire pour des auteurs d’actes terroristes ayant causé la mort. En revanche, il n’ose pas légiférer au sujet des religieux ultraorthodoxes qui refusent de servir dans l’armée laissant aux seuls non orthodoxes le soin de risquer leur vie, de répondre lors des rappels qui mettent entre parenthèses la vie de leurs familles et leur vie tout court pendant de longs mois.

Des colons installés dans des implantations en Cisjordanie mènent régulièrement des attaques contre des villages palestiniens, en brûlant des voitures et des maisons, en abattant des arbres, en terrorisant les habitants, allant depuis les bastonnades jusqu’au meurtre. Les autorités israéliennes interviennent rarement, tard, et n’arrêtent quasiment jamais les agresseurs, qui sont alors rapidement libérés. Lors de la récolte des olives par les paysans palestiniens, les colons israéliens empêchent les Palestiniens de récolter les fruits des oliviers, chassent les habitants de leurs terrains, agressent les hommes et les femmes, le tout sous le regard distrait des soldats israéliens.

S’il s’agit de crimes contre les Palestiniens de Cisjordanie, ce sont aussi des crimes contre Israël, contre la démocratie israélienne, contre l’histoire de ce pays et contre ses habitants. Ce sont des comportements criminels qu’on impose aux soldats israéliens qui au lieu de défendre leur pays sont contraints d’agir en armée d’occupation, de fermer les yeux sur des attitudes qu’ils ne toléreraient pas chez eux, d’agir comme s’il y avait des droits et des non droits. Et tout cela à un âge où il est criminel de déformer la vision des jeunes.

Benjamin Netanyahou, le frère (envieux ?) du héros d’Entebbe, est en train de menacer l’essence de son pays. Pour conserver le pouvoir, il est prêt à iraniser Israël, au risque de faire de ce pays un émule du pays des mollahs. 

Écrit par : Daniel Rodenstein

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