L’inutilité des forces onusiennes de maintien de la paix

Daniel Rodenstein
Opinion de Daniel Rodenstein
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Le Sinaï 1956-1967 (FUNUI), le Rwanda 1993-1996 (MINUAR), le Congo 1999-2024 (MONUSC – MONUSCO) et le Liban 1978-2024 (FINUL). Quatre lieux, huit dates, entre autres. Des échecs monumentaux suivis de catastrophes.

Dans les quatre cas, les Nations Unies ont voté la création d’une force militaire de maintien de la paix. Elle consiste en une force armée hétéroclite, formée par des unités venant de pays considérés comme neutres ou bienveillants, avec parfois une piètre formation, et aux moyens militaires très limités puisqu’en principe, ces forces armées n’ont pas pour vocation de livrer combat. Il s’agit de déployer un simulacre d’armée qui s’interpose entre deux ou plusieurs belligérants, afin de prévenir des combats ou des exactions et de maintenir la tranquillité dans une région en guerre ou à risque de guerre. Les budgets destinés à ces simulacres d’armée sont loin d’être des simulacres de budget. La FUNU I a coûté au total plus de 200 millions de dollars. La MINUAR avait un budget de 270 millions de dollars par an. La MONUSCO compte un budget annuel de plus d’un milliard de dollars, tandis que la FINUL a un budget annuel de 500 millions de dollars. Cet argent est destiné à payer, en principe, les soldats, leur équipement et leur infrastructure. Dans certains cas, les soldats reçoivent un complément de leurs pays respectifs, dans d’autres, la solde est amputée d’une « commission » prélevée par les dirigeants des pays pourvoyeurs.

On peut se demander ce qu’on achète avec tout cet argent. La réponse est assez simple dans les quatre exemples cités (et dans beaucoup d’autres) : rien. La FUNU I a été créée en 1956 à la fin de la guerre de Suez afin d’assurer la tranquillité et la paix à la frontière israélo-égyptienne. À tout moment, l’Égypte pouvait demander le retrait de cette FUNU I. Jusqu’en 1966 la frontière connut une période de tranquillité. Cette année-là l’Égypte et la Syrie signèrent une alliance militaire. Des incidents se multipliant à la frontière syrienne, et l’alliance égypto-syrienne se préparant à la guerre, Nasser demanda le retrait de la FUNU I le 16 mai 1967. Le 18 mai le Secrétaire général des Nations Unies obtempéra et décida de retirer la FUNU I, ce qui donna le coup d’envoi de la guerre des Six-Jours.

La MINUAR a été créée pour permettre la signature et garantir l’application des accords d’Arusha mettant fin à la guerre entre les Forces armées rwandaises et le Front populaire rwandais. Non seulement la MINUAR n’a pas prévenu le génocide des Tutsi mais elle ne l’a pas empêché, alors qu’il s’est préparé et déroulé devant elle. Huit cent mille morts sous les yeux des forces armées casquées de bleu des Nations Unies.

Le MONUC et la MONUSCO avaient pour mission de protéger la population civile dans l’Est du Congo, d’éviter les combats entre les multiples forces régulières et irrégulières en présence, et de faire rentrer au Rwanda les milices rwandaises responsables du génocide des Tutsi en 1994. Aucune de ces tâches n’a été accomplie. Ni la MONUC ni la MONUSCO n’ont évité la mort de six millions de Congolais, ni les viols innombrables ni les déplacements forcés de plus de six millions de civils. Massacres, viols, déplacements qui continuent de nos jours malgré la présence des Casques bleus de la MONUSCO.

La FINUL, quant à elle, était censée assurer que seule l’armée libanaise puisse stationner au Sud du Liban, au-delà du fleuve Litani. Elle devait également garantir qu’aucune autre force armée n’y séjourne. Le résultat de son action donne un Sud du Liban truffé de missiles, de tunnels, et des miliciens du Hezbollah que la FINUL n’a jamais aperçus à l’œuvre, comme s’ils s’étaient matérialisés subitement et par miracle le 8 octobre 2023, sans jamais y avoir mis les pieds auparavant. La FINUL ne découvre des tunnels dans cette zone qu’après que les Israéliens les leur aient indiqués, parfois à quelques dizaines de mètres des tours d’observations des Casques bleus. Depuis le 8 octobre 2023, des dizaines de milliers de missiles ont été tirés depuis le Sud du Liban vers Israël. Qu’a fait la FINUL ? Rien.

Avec ces quatre exemples, l’inutilité des Casques bleus devient patente et incontestable. Ils ne sont pas seulement inutiles, ils sont souvent les déclencheurs et les témoins par inaction coupable de catastrophes humaines parmi les plus épouvantables de ce passage entre deux siècles. Mais ce ne sont peut-être pas les Casques bleus qu’il faut blâmer. Il s’agit en fait de la faillite des Nations Unies qui n’empêchent aucune guerre, aucun massacre, aucun génocide. Tout en se fendant de déclarations grandiloquentes lors de réunions dont le seul résultat est un nouveau rapport qui répète ce qui a déjà été dit inutilement une fois et une autre fois. 

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