Regards n°1110

Le Prix Nobel de la Paix 2024 hélas terni par un triste dérapage

Depuis 25 ans, je me bats contre la prolifération des armes nucléaires dans le monde. À ce titre, je ne peux que me réjouir de la décision du Comité Nobel d’attribuer le Prix Nobel de la paix 2024 à l’organisation japonaise Nihon Hidankyo « pour ses efforts en faveur d’un monde exempt d’armes nucléaires et pour avoir démontré, par des témoignages, que les armes nucléaires ne doivent plus jamais être utilisées ». Ce mouvement populaire rassemble les survivants des bombardements nucléaires effectués par les États-Unis sur Hiroshima et Nagasaki, en 1945.

En apprenant la nouvelle, Monsieur Toshiyuki Mimaki, coprésident de Nihon Hidankyo a déclaré : « On a dit que, grâce aux armements nucléaires, la paix serait maintenue à travers le monde. Mais les armes nucléaires peuvent être utilisées par des terroristes. Et, par exemple, si la Russie les utilise contre l’Ukraine, et Israël contre Gaza, cela ne s’arrêtera pas là. » Sur X, il a précisé : « À Gaza, des enfants en sang sont tenus dans les bras de leurs parents. C’est comme au Japon il y a 80 ans. »

En tenant de tels propos, Monsieur Toshiyuki Mimaki discrédite son organisation : mettre sur le même plan les menaces de Vladimir Poutine d’utiliser l’arme nucléaire dans sa guerre contre l’Ukraine avec ce qui se passe au Proche-Orient n’a aucun sens. Comparer le calvaire que subissent des civils innocents à Gaza avec ce qu’ont subi les populations d’Hiroshima et Nagazaki du fait des deux bombes nucléaires lancées par les Américains en 1945 est une absurdité.

Rappelons quelques faits. À plusieurs reprises, et récemment encore, Moscou a agité la menace nucléaire pour dissuader l’Occident d’apporter de l’aide militaire à l’Ukraine qui tente désespérément de repousser l’invasion russe. En parallèle, le 25 septembre, Vladimir Poutine a changé la doctrine russe d’emploi de l’arme nucléaire, affirmant qu’il pourrait notamment y recourir en cas de « lancement massif » d’attaques aériennes contre son pays. D’un autre côté, il est vrai que début novembre 2023, peu après l’épouvantable massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre contre des civils israéliens, un ministre ultranationaliste israélien a estimé que recourir à la bombe nucléaire contre la bande de Gaza dans la guerre en cours contre le Hamas était « une option ». Le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a promptement réagi, publiant un communiqué dénonçant des déclarations « déconnectées de la réalité ». Il a en outre suspendu la participation du ministre aux réunions du gouvernement « jusqu’à nouvel ordre ». Face au tollé qu’ont suscité ses propos, le ministre a publié un message sur X affirmant que sa « déclaration concernant l’arme atomique est métaphorique. »

Comme chacun sait, Israël pratique depuis longtemps une politique d’ambiguïté en matière d’arsenal nucléaire, en vertu de laquelle le pays ne nie ni ne confirme posséder l’arme nucléaire. Depuis des décennies Israël affirme qu’il ne sera pas « le premier à introduire des armes nucléaires au Moyen-Orient ». Dans ces conditions, il est choquant que la première réaction de Monsieur Toshiyuki Mimaki à l’annonce du Prix Nobel soit de comparer la situation à Gaza avec celle du « Japon il y a quatre-vingts ans », plutôt que de s’inquiéter des menaces russes, du développement des armes nucléaires en Corée du Nord et du programme nucléaire de l’Iran.

En ce qui concerne ce dernier, il est utile de rappeler que depuis la révolution islamique de 1979, l’Iran ne reconnaît plus l’existence de l’État d’Israël (qualifié « d’entité sioniste ») et appelle à sa destruction. Ainsi, déjà le 14 décembre 2001, à l’Université de Téhéran, l’ancien président Ali Akbar Hashemi Rafsanjani a menacé Israël d’anéantissement par le nucléaire, déclarant que « l’utilisation d’une seule bombe nucléaire en Israël détruira tout. » Et l’on sait hélas que, depuis lors, l’Iran est devenu un état au seuil du nucléaire, capable de produire une telle bombe à brève échéance.

Empêcher la prolifération des armes nucléaires dans le monde est un enjeu vital de notre époque. C’est la sixième fois que le Prix Nobel de la paix est attribué à une personne ou une institution qui se bat dans ce but[1]. Cet objectif paraît hélas plus lointain que jamais.

La priorité aujourd’hui est d’accroître les pouvoirs d’investigation des inspecteurs de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) et de renforcer le régime de non-prolifération nucléaire, et non, comme l’a fait Monsieur Toshiyuki Mimaki, de se livrer à des comparaisons douteuses et inappropriées.

Écrit par : Pierre Goldschmidt

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