La discipline historique consiste à raconter des événements du passé. C’est ce que fait ici Amos Reichman, né en 1990. Mais il le fait comme un écrivain autant que comme un historien. Et avec talent. Cette vieille histoire est celle de l’homme qui assassina Jean Jaurès à la veille de la guerre de 14, un certain Raoul Villain. On le jugea quatre ans plus tard, il fut acquitté. Après bien des errements et des errances, en pleine guerre civile espagnole, il trouva refuge dans une île des baléares où il fut à son tour assassiné. La vie a mal commencé pour Villain : sa mère entend des voix et sera internée toute sa vie dans un asile. Du côté paternel, ce n’est pas mieux : la grand-mère est déclarée « délirante ». Lui-même vénère Jeanne d’Arc qui, comme on sait, eut des visions et entendit des voix. Ce n’est pas tout : tout le monde le prend pour un bon à rien. D’ailleurs il rate tout ce qu’il entreprend. Les psychiatres le diront plus tard : il y avait probablement un lien, pour Villain, entre la perte de sa mère et la perte, pour la France, de l’Alsace-Lorraine. Le nationalisme, de part et d’autre du Rhin, s’exacerbe.

Les cercles nationalistes exercent toujours davantage leur haine à l’égard du pacifiste Jaurès, député socialiste, fondateur et directeur du journal L’Humanité : on le qualifie de traitre à la France comme, quelques années plus tôt ils avaient accablé Dreyfus.
Au total, Villain est un être sans grandeur, petit-bourgeois hébété, qui va passer sa vie à fuir, à se fuir et finira par être tué, Par des combattants anarchistes, misérablement, dans un coin perdu des Baléares, comme on abat un chien.






