Bruxelles, un matin ordinaire, un malaise devenu banal
«Tu sais que les élections pour le Congrès sioniste mondial approchent ? C’est la dernière semaine avant la clôture des inscriptions. » David, la quarantaine, laïc, humaniste, engagé dans la vie associative mais désabusé par la politique, lève les yeux de son café. « Franchement ? Je ne vois pas pourquoi je devrais voter. On vit ici, pas là-bas. Et puis, dans le climat actuel, j’ai juste envie de prendre de loooongues vacances…»
Je n’ai pas besoin qu’il m’en dise plus. Depuis le 7-octobre, nombreux d’entre nous ressentent ce malaise. Les chiffres sont sans appel : en Belgique, les actes antisémites ont presque doublé depuis le début de la guerre à Gaza. En France, ils ont quadruplé en un an. Partout en Europe, les agressions, les insultes, les menaces se multiplient, sur les réseaux comme dans la rue. Selon les dernières données européennes, 96 % des Juifs du continent disent avoir été confrontés à l’antisémitisme l’an dernier, et 76 % évitent d’afficher tout signe distinctif de leur identité juive. Ce n’est pas qu’une question de chiffres : c’est un climat, une peur diffuse, un sentiment d’isolement qui s’installe jusque dans nos familles, nos écoles, nos lieux de rencontre. On en vient presque à vouloir demander aux enfants de crier moins fort au Lag Baomer…
Entre les débats sur l’actualité, les inquiétudes pour nos familles, et un climat qui pèse sur tous, la communauté juive de Belgique fait face à de nombreux défis. Parmi eux, la montée de l’antisémitisme, mais aussi les débats sur Israël, la guerre à Gaza, et l’avenir du peuple juif. La peur s’installe, la tentation du repli grandit. La majorité d’entre nous ne se reconnaît ni dans la politique du gouvernement israélien, ni dans les discours dominants sur Israël.
Le Congrès sioniste mondial: un enjeu concret pour la vie juive en Belgique
David hausse les épaules : « Mais franchement, voter pour cette organisation désuète, qu’est-ce que ça change ? »
David a raison de poser la question. Fondée par Herzl 79 ans avant le lancement de la cassette VHS, l’Organisation sioniste mondiale peut paraître un peu rétro. Mais cette organisation, dont le Congrès est l’organe élu, n’est pas une abstraction. Ce sont des budgets très considérables, alloués chaque année à Israël et à la diaspora juive, qui financent ou orientent le soutien à des institutions majeures comme l’Agence juive, le KKL, le Keren Hayesod, ainsi qu’aux mouvements de jeunesse, aux clubs Maccabi, et à de nombreux projets éducatifs et communautaires. Dans nos pays, cet argent – récolté notamment par la collecte de fonds – finance aussi la lutte contre l’antisémitisme, la mémoire de la Shoah, et la sécurité de nos institutions.
Voter, c’est donc décider :
– Si ces ressources servent à renforcer une vie juive en Israël et dans la diaspora pluraliste, laïque, démocratique,
– Ou si elles sont captées par des courants ultra-orthodoxes ou ultra-nationalistes qui veulent imposer une vision fermée, exclusive, antidémocratique et expansionniste.
Pour une communauté belge attachée à la laïcité, à la pluralité et à la démocratie, l’enjeu est immédiat et concret : il s’agit de défendre un judaïsme à notre image, ici et maintenant. … Et honnêtement, si on a été capables de donner 20 voix à Yuval Raphael pour que la population de Tel Aviv ne soit pas la seule à applaudir Israël à l’Eurovision, on peut bien cliquer trois fois pour défendre l’avenir du judaïsme belge !
La diaspora : pas une identité de second rang, mais une force vitale
David soupire : « Je ne veux pas cautionner le gouvernement israélien, mais je ne sais pas pour qui voter actuellement. »
Mais l’abstention n’est pas une neutralité : c’est un choix qui a des conséquences. Les extrêmes – ultra-orthodoxes, ultra-nationalistes – eux, ne s’abstiendront pas. Si la majorité silencieuse ne vote pas, elle leur laisse le champ libre.
Lors du dernier mandat du Congrès sioniste mondial, des élus proches de Ben Gvir et Smotrich ont tenté de changer l’application de la Loi du retour pour appliquer une définition de la judéité qui exclut beaucoup de gens “pas assez Juifs” à leurs yeux. Ils ont également tenté de canaliser des financements importants de l’OSM vers les nouvelles colonies dans les territoires occupés. Et ils ont tenté de faire adopter une motion pour soutenir le coup d’état juridique que le gouvernement israélien tentait de faire passer.
Ne pas voter, c’est leur donner la main sur la définition du judaïsme mondial, sur la répartition des ressources, sur la voix qui sera entendue à Jérusalem comme à Bruxelles.
On peut critiquer le gouvernement israélien et rester attachés à Israël
David hésite aussi à soutenir une liste ouvertement en porte-à-faux avec le gouvernement en Israël: « Je n’ai pas envie de donner mon soutien inconditionnel à tout ce que font Netanyahou et sa clique, mais pas non plus de mettre Israël au ban des nations… »
C’est une fausse alternative. Voter, ce n’est pas donner un blanc-seing au gouvernement israélien. C’est au contraire revendiquer le droit de porter une voix critique, progressiste, européenne, attachée à la démocratie et à la paix.
Refuser toute solidarité avec Israël sous prétexte de désaccord profond avec le gouvernement Netanyahou, c’est s’enfermer dans une impasse. Il est normal – et parfois nécessaire – de critiquer, débattre, exiger mieux, tout en restant solidaires du peuple juif mondial et en revendiquant notre attachement à Israël. Et il est de plus en plus difficile de rester silencieux lorsque Israël prend un virage dangereux pour son propre avenir et pour la sécurité des Juifs partout ailleurs.
Voter, c’est défendre un judaïsme laïque, pluraliste et engagé
Ce que nous portons, à travers la liste USDL, c’est une vision claire :
– Un judaïsme ouvert, pluraliste, respectueux de la diversité et de la laïcité.
– Une diaspora forte, digne, engagée, qui refuse d’être reléguée au second plan.
– Une solidarité avec Israël, mais sans soumission aux positions de son gouvernement.
– Un engagement pour la justice sociale, la coexistence, la mémoire, la sécurité et la vitalité de la vie juive en Belgique.
Pour conclure : ne laissons pas les autres décider à notre place
David reste pensif. Il n’a pas changé d’avis en un café, mais il repart avec une question : « Si je ne vote pas, qui parlera pour moi ? »
C’est la seule vraie question. Dans ce moment de crise, s’engager, c’est résister. Voter, ce n’est pas tout accepter : c’est refuser de disparaître, c’est affirmer que – tout comme Israël – la diaspora compte pour nous, qu’elle a un avenir, et qu’elle ne laissera pas d’autres écrire son histoire à sa place.
Pour un judaïsme belge vivant, pluraliste et laïque, faites entendre votre voix aux élections du Congrès sioniste mondial.
Inscrivez-vous avant le 31 mai pour la liste USDL (rassemblant le CCLJ, l’Hashomer Hatzair, la JJL et le Meretz).





