La vague de chaleur qui s’est abattue sur l’Europe cet été aura eu bien des effets désastreux sur la pratique des loisirs d’extérieur, les cultures, et, signe ô combien pathologique pour les Juifs, sur l’appétit. Que manger par plus de 30 degrés, quand chaque effort de mastication et de digestion nous fait perdre trois litres d’eau ?
Le père d’Alain Chabat, un Oranais plein de sagesse, désignait comme collation estivale idéale la pastèque. Il l’appréciait pour un trio de raisons hautement à propos en période de canicule : « en croquant dans une tranche de pastèque, on mange à peine, on boit beaucoup, et on se lave la figure ! » Malheureusement, un tabou plus ou moins conscient pèse sur la pastèque auprès de nombreux Juifs depuis le 7 octobre 2023. Symbole exploité à outrance par la prétendue « résistance antisioniste », le fruit qui prête ses couleurs au drapeau palestinien semble s’infiltrer dans une masse infinie d’événements culturels, politiques, sociaux et familiaux.
La pastèque est partout. Du Tour de France au Brussels Jazz Weekend, des semi-marathoniens de Bruxelles aux Bikers for Palestine, de la scène du Théâtre National à celle de Bozar ; sur les bouées de plage, les serviettes et les maillots de bain (ne parlons même pas des kippot de l’UPJB ou de l’AJAB), quand ce n’est pas le drapeau palestinien qui est directement exhibé, la pastèque pullule. À certains endroits, elle n’est même plus figurée mais évoquée nominativement, comme un appel du pied destiné à un public alerte et sensible. Ainsi l’on peut lire au-dessus de certains bars belges « Free the watermelon » comme une condition à adhérer aux idées politiques de l’établissement, un avertissement avant de passer la porte, alors qu’on voulait juste boire un thé glacé, geste qu’on pensait apolitique et totalement anodin.
Jusque dans les algorithmes des réseaux sociaux, conçus pour proposer au public des trends -sorte de modes fulgurantes et éphémères- on est matraqué de vidéos tutorielles qui dévoilent les secrets de fabrication de savons-pastèque, de bougies-pastèque, d’éventails-pastèque, de vernis à ongles-pastèque, et même de déguisement pour enfant, creusé dans une pastèque -gilet, short, sandales et casque-pastèque ! Des sites de vente nous proposent aussi des poêles, casseroles et autres marmites décorées de motifs pastèque, accessoires indispensables pour participer bruyamment à une manifestation disruptive non-autorisée en centre-ville. Un jeu de société a même récemment vu le jour, qui consiste à se passer une fausse pastèque en plastique remplie d’eau glacée et pré-fendue, à la « craquer » d’un petit coup sec sur la tête en la tenant par des poignées latérales, ce qui la fait s’ouvrir progressivement à chaque joueur, jusqu’à ce qu’elle cède et arrose le perdant ainsi désigné. Au-delà du rafraîchissement passager et du rire facile, la question pratique, mais aussi existentielle que symbolique, « qui va se prendre la douche froide ? » ne pouvait trouver meilleure illustration.






