Cette célèbre autrice pour la jeunesse a publié une centaine de livres. Elle nous confie ici son rapport au cochon. Enfant, elle le craignait ; il représentait l’interdit. Cette hostilité qu’on lui a inculquée lui est restée jusqu’à ce qu’on préconise en haut lieu que du tissu de cochon serait idoine pour son cœur défaillant. Il lui fallut bien en prendre son parti. Aussi a-t-elle décidé de lui écrire, au cochon. Même si, par définition, il n’est pas casher. Surtout s’il n’est pas casher, et que Dieu le réprouve comme une abomination. Dans son enfance dans le New Jersey (la famille venait d’Odessa), Susie était ambivalente à son égard. Elle adorait l’histoire des Trois Petits Cochons menacés par le loup, elle avait aussi une tirelire en forme de cochon où elle insérait des pièces de monnaie : sa piggy bank. Mais le cochon restait l’interdit, et d’abord alimentaire. Leur identité, chez eux, c’était de surtout de ne pas en manger, c’était là leur distinction, dans tous les sens du terme. Pourtant combien Susie convoitait le bacon et les lardons, alors même que ces mets, choses abominables selon le Lévitique, la conduiraient fatalement en enfer. Son défaut rédhibitoire : il a les sabots fendus, mais, malheureux, il n’est pas un ruminant. Finalement, Susie a trouvé un compromis : sa maison est casher, mais pas son estomac ! Même attirance pour l’orgie festive (et goy) de Noël. Quelle jalousie à l’égard des copines, leurs arbres de Noël, leurs festins, leurs cadeaux du Père Noël. Est-ce un hasard si son livre pour enfants qui lui valut le plus de promotions fut un livre de Noël, Noël aussi interdit que le cochon. Mais dans ce livre-ci, elle s’adresse à son ami le cochon pour lui relater sa vie conjugale e amoureuse avec un Juif français et lui expliquer les rites juifs qu’elle a scrupuleusement respectés, même si certains lui paraissaient absurdes. Et comme Susie s’adresse à nous, on se demande si ça ne serait pas nous, justement, ce petit cochon, son lecteur !






