L’équipe israélienne de bobsleigh et skeleton se bat pour décrocher une place aux Jeux Olympiques de Milan 2026. Loin des budgets des favoris, l’équipage bleu ciel et blanc, largement composé d’immigrants issus de la Diaspora et d’athlètes druzes, finance sa saison par des dons privés. Un parcours juché d’embuches et une volonté farouche : représenter Israël sur la scène sportive mondiale.
L’engin caréné trace sa route à travers une sinueuse gorge de glace. Dans ses bons jours, quand la trajectoire est parfaite et dépourvue d’erreur de pilotage, il peut atteindre 150 km/h et prendre de périlleux virages à 90 degrés. A ses commandes, un pilote au profil peu commun. Adam “AJ” Edelman, est diplômé de Yale et du MIT. Juif orthodoxe américain, ce dernier s’est pris de passion pour le bobsleigh et a tout quitté pour vivre pleinement sa passion. Et tant pis s’il fallait, pour cela, troquer une carrière toute tracée dans l’IT et devenir, un temps, chauffeur Uber. S’imbrique dans cette trajectoire aussi vertigineuse que son « bob » dévalant les pistes à toute vitesse un curieux mélange de ferveur sioniste et de fantasme olympique. En tête, un objectif : participer aux prochains JO d’hiver, à Milan, sous les couleurs d’Israël, dans les catégories bobsleigh et skeleton.
D’aucuns y verraient une lubie. Sûrement pas Edelman ! Force motrice et tête pensante du projet, le natif du Massachusetts passé par une yeshiva a fait son Alyah en 2016. Deux années plus tard, désireux de concrétiser pleinement son engagement patriotique, il devient le premier juif orthodoxe à participer aux Jeux Olympique d’hiver. C’était alors à Pyeong-Chang, en Corée du Sud. Une première étape qui lui permet de passer un cap et de troquer, au passage, une combinaison peu aérodynamique – une veste polaire achetée chez Walmart sur laquelle il dessine une étoile de David à la main – pour un équipement nettement plus professionnel. Si les débuts « on ice » s’avèrent pour le moins chaotiques, l’obstination prévaut bientôt sur la technique. Formé sur le tas et à grand renfort de tutoriels YouTube, Edelman va progresser au-delà des attentes du petit milieu. Au fil des compétitions, de la luge au bobsleigh, son projet se dessine. Une quête improbable qui n’est pas sans rappeler celle de l’équipage jamaïcain aux JO de Calgary en 1988 et popularisée par le film Rasta Rockett.
Rasta Rockett version israélienne
Sans surprise, le chemin est semé d’embuches et le pratique du bobsleigh s’avère couteuse que l’on soit jamaïcain ou israélien. Au prix exorbitant d’un bobsleigh de compétition – environ 100.000 € pour la version à deux personnes – il faut ajouter les frais de voyages transatlantiques et d’entrainement équivalents à plusieurs dizaines de milliers d’euros au bas mot. Il en va de même pour la pratique plus basique de la luge de vitesse – skeleton dans le jargon. Compter 6.000 € pour le cadre auxquels il faut ajouter plusieurs jeux de lames nécessaires pour s’adapter aux diverses conditions de glace (600 € la paire). Des coûts auxquels s’ajoute une certaine rareté des installations. On ne dénombre en effet qu’une douzaine de pistes de bobsleigh dans le monde, principalement au Canada, aux Etats-Unis et en Allemagne ce qui permet paradoxalement de niveler le niveau derrière quelques grands favoris. Pour prétendre à une qualification olympique qui se jouera entre décembre et début janvier, l’équipe israélienne fait donc avec les moyens du bord. A ce jour, avec seulement 170.000 $ récoltés grâce à une cagnotte sur le million recherché, l’objectif Milan 2026 ne tient qu’à un fil ténu. Paradoxalement, c’est le plan sportif que la situation semble la mieux engagée. Tandis que le bob à deux d’Edelman se hisse actuellement au 23e rang mondial, le skeleton de son coéquipier Firestone se classe au 39e rang. Des positions qui, si maintenues, permettraient une qualification.
Une unité bâtie autour d’un melting-pot
À ces considérations terre-à-terre, il faut ajouter une donne politique et des questions d’images devenues incontournables. À la suite des attaques du 7 octobre, cinq membres de l’équipe furent appelés dans l’armée dans le cadre du service de réserve, obligeant Edelman à faire appel à des volontaires américains en guise de remplaçants temporaires. Patissant du rejet d’image dont souffre aujourd’hui l’Etat hébreu, l’équipe qui arbore fièrement des Étoiles de David et des rubans jaunes en soutien aux otages sur ses combinaisons, a perdu trois de ses sponsors majeurs, ceux-ci craignant que le simple fait de soutenir une équipe israélienne dans le contexte actuel ne génère une controverse politique. Autant de questions extra-sportives rendant la préparation complexe. Ce qui n’empêche pas les « bobeurs » israéliens de tracer coute-que-coute leur chemin sur la glace. Il y a dans cette quête olympique une vision idéale et une certaine persistance du projet national israélien dans sa version la plus classique : peu de moyens mais beaucoup d’envie. Et une unité bâtie autour d’un melting-pot unissant Juifs de diaspora, Druzes, Sabra, religieux et laïques, tous tendus vers le même rêve.






