L’épopée de huit réfugiés juifs allemands dans l’Europe occupée décrit la longue enquête de l’auteur à la recherche de ces victimes de la Shoah, et des circonstances dans lesquelles deux familles bruxelloises, les Jonnart et les Breuer, leur viennent en aide. Richement illustré, le livre de Dubuisson tient de l’enquête familiale, car ces deux familles de Justes font partie de sa généalogie. Au fil de sa recherche, l’auteur nous transporte à Cologne, Francfort, Berlin, Theresienstadt, Auschwitz… Le cœur de l’action se situe à Bruxelles : collège Saint-Michel, musées royaux d’art et d’histoire au Cinquantenaire, rue Jean Linden, squares Vergote et Marie-José, des lieux proches, que relient les pérégrinations du jeune Ralph Mayer, grand protagoniste du récit.
Avant d’évoquer la période de la guerre et de l’occupation, Jean-Christophe Dubuisson retrace les longues démarches qu’entreprend dès 1932 l’industriel juif allemand Erich Mayer auprès des autorités belges pour résider dans notre pays. Après la Nuit de Cristal, Erich et sa femme Edith parviennent enfin à rejoindre Bruxelles où vit leur fils Ralph, élève au collège Saint-Michel, depuis septembre 1935. Durant l’été 1939, les Mayer accueillent à leur domicile du square Vergote une famille juive de Francfort : le médecin Arthur Bloch, sa femme Else, leur fils Peter et leur servante. Débusqués par le « gros Jacques », Erich, Edith et Arthur Bloch sont arrêtés le 13 juillet 1943 à leur domicile. La Gestapo se présente aussi rue Linden chez l’avocat Albert Jonnart pour arrêter Ralph, mais celui-ci parvient à s’échapper, aidé par Pierre Jonnart, son camarade de classe au collège. Arrêté et envoyé sur un chantier du mur de l’Atlantique au camp de Watten, Albert Jonnart ne reviendra pas de déportation. Caché aux musées royaux d’art et d’histoire par l’archéologue Jacques Breuer, Ralph y survit avec la complicité du concierge, Jef Note. Malheureusement, ses parents, Erich et Edith, seront assassinés à Auschwitz-Birkenau. Arthur Bloch se suicidera après son arrestation.
La petite histoire dans la grande
Situant la petite histoire dans la grande, Jean-Christophe Dubuisson évoque aussi le contexte historique de sa passionnante « (en)quête familiale » : le mitraillage de la Gestapo, avenue Louise, par l’aviateur Jean de Selys Longchamps, l’attaque du 20e convoi… Il résume la genèse du livre : « Mon premier livre raconte le parcours de résistant de mon grand-père, Louis Dubuisson, qui avait rencontré ma grand-mère, Colette Breuer, à la Libération. En mars 2018, alors que je venais de terminer mon livre, une journaliste du Washington Post est venue interviewer Colette pour qu’elle lui raconte comment son père avait caché Ralph. J’ai assisté à leur entretien et entendu cette histoire pour la première fois ! ».
Jean-Christophe Dubuisson tente alors de retracer l’histoire de Ralph et des sept autres juifs allemands réfugiés à Bruxelles, dont il nous conte l’histoire dans un récit passionnant.
Albert et Simone Jonnart sont reconnus Justes parmi les Nations en 2013. « Olivier van der Wilt, conservateur du Mémorial de Breendonk, a retrouvé les minutes du procès d’après-guerre du dénonciateur de mes grands-parents et une déposition de Ralph Mayer déclarant qu’il avait été hébergé pendant plus d’un an chez mes grands-parents, rue Linden », explique Bénédicte, leur petite-fille. « Ralph Mayer a pu continuer sa scolarité grâce à leur fils Pierre qui lui apportait ses leçons et devoirs du collège Saint-Michel. Ma tante a épousé un oncle de Jean-Christophe Dubuisson. À la suite de ses recherches, nous avons réalisé que nos familles étaient aussi liées par l’histoire de ses arrière-grands-parents : Jef Note et Jacques et Germaine Breuer ont été tous reconnus Justes parmi les Nations fin 2023 »
Je vous remercie de votre intérêt pour cette longue et émouvante enquête sur les traces des disparus.
Jean-Christophe Dubuisson