Lors d’une discussion qui s’est tenue à Jérusalem le 14 février dernier, la direction du KKL a évoqué la possibilité d’acheter des terres privées palestiniennes en Cisjordanie (dans la zone C) pour permettre aux colonies de s’élargir. Bien qu’il ne s’agisse à ce stade que d’une discussion non suivie de décision, elle pourrait modifier les orientations stratégiques de cette organisation sioniste qui fête cette année son 120e anniversaire.
Fondé en 1901 pour acquérir des terres destinées à l’implantation juive en Palestine ottomane, le Keren Kayemeth LeIsrael (KKL, littéralement Fonds pour la création d’Israël), est une organisation sioniste qui possède et gère aujourd’hui plusieurs centaines de milliers d’hectares en Israël. A la création de l’Etat en 1948, le KKL est devenu une ONG officiellement reconnue d’utilité publique. Elle a alors contribué au défrichement de terres agricoles, au reboisement, à l’affo-restation et à l’aménagement de sites pour l’habitation et l’agriculture. Depuis de nombreuses années, le KKL a également relevé de nombreux défis afin d’améliorer la qualité de la vie en Israël, notamment en luttant contre la désertification, en construisant des réservoirs d’eau, en assurant la protection de l’environnement et la promotion du développement durable, etc.
Un nouveau président très marqué à droite
Même si par le passé le KKL a déjà mené discrètement des activités en Cisjordanie, au travers d’associations écrans, le débat sur l’achat de terres palestiniennes en Cisjordanie intervient suite à l’arrivée en fonction d’Abraham Duvdevani à la tête du KKL à l’automne 2020. Très marqué à droite et issu de la mouvance nationaliste religieuse, cet ancien président de l’Organisation sioniste mondiale entend changer les politiques mises en place par le passé. Sa nomination à la tête du KKL est clairement le signe de l’influence croissante de la droite au sein des grandes organisations sionistes et cette discussion sur l’achat de terres palestiniennes est un message adressé au mouvement colon.
La révélation de cette discussion a évidemment suscité de nombreuses critiques en Israël et en diaspora. Fait très éclairant, ces critiques émanent de grandes organisations dont la vocation n’est pas politique. Ainsi, le courant religieux Massorti (conservateur), dont des représentants siègent au conseil d’administration du KKL à Jérusalem, a exprimé sa désapprobation en indiquant dans un communiqué qu’une telle décision « imposerait une structure qui reflète et favorise la politique des implantations de l’extrême droite israélienne, un acte qui est incompatible avec ce qui a été un principe fondamental du KKL tout au long de son histoire ».
Aux Etats-Unis, la très influente Union pour le Judaïsme réformé s’est également jointe aux critiques. Pour son président, le rabbin Rick Jacobs, « l’amour d’Israël exige de protester contre les actions qui sapent la sûreté, la sécurité, la démocratie et le caractère moral d’Israël ». En Europe, cette question suscite également des remous. Ainsi, Ilan Rozenkier, président de La Paix Maintenant (France), a rappelé que « le KKL est un organisme qui appartient à l’ensemble du peuple juif et il est hors de question de laisser sans réaction les activistes colons prendre le contrôle de ses centres de pouvoir et les transformer en “banque» alimentée par les contributions de la diaspora pour financer l’activité douteuse d’achat de terres en territoires occupés ». Dans les communautés juives de diaspora, il existe des KKL locaux dont l’activité consiste essentiellement à récolter des fonds destinés à financer des projets du KKL en Israël. Si cette dernière polémique peut brouiller leur image consensuelle, elle n’affecte en rien leurs activités. Comme l’explique Russell Robinson, président du KKL Etats-Unis, « Notre propre destin est entre nos mains. Nous avons notre propre conseil d’administration, nous prenons nos propres décisions sur la destination de nos fonds. Et nous avons notre propre bureau en Israël pour les mettre en œuvre », déclare-t-il dans les colonnes du Times of Israel. Cette indépendance totale par rapport au KKL israélien lui permet donc de se tenir à l’écart des polémiques idéologiques et de se concentrer sur la collecte de fonds (il est en passe de récolter cent millions de dollars cette année).
En Belgique, même son de cloche. Depuis de nombreuses années, le KKL Belgique-Luxembourg fait partie du paysage communautaire juif. Contacté par Regards, son président, Jacky Benzennou a également tenu à clarifier la situation de son association. « Nous sommes tout à fait indépendants par rapport au KKL israélien », souligne d’emblée Jacky Benzennou, « Nous sommes constitués en Asbl de droit belge et les décisions prises par le conseil d’administration du KKL israélien à Jérusalem ne nous engagent pas. Ils ne sollicitent pas notre avis dans les décisions qu’ils prennent et ils n’interviennent pas dans les décisions que nous prenons en toute indépendance sur la destination des fonds que nous récoltons en Belgique et au Luxembourg ». Quant au débat sur l’acquisition de terres palestiniennes en Cisjordanie, il n’ignore pas la polarisation extrême qu’il peut susciter. « Toute décision politique, de gauche comme de droite, est susceptible de poser un problème à celui qui ne la partage pas. Quoi que le KKL israélien fasse, il y en aura toujours qui ne seront pas satisfaits. Les uns qui veulent que le KKL achète des terres en Cisjordanie, les autres qui souhaitent qu’il n’intervienne qu’à l’intérieur de la Ligne verte en Israël ». C’est la raison pour laquelle il s’en tient à l’orientation consensuelle et conforme aux fondements du KKL : « En tant que président du KKL, je ne veux pas prendre parti. Ma préoccupation est de financer des projets s’inscrivant dans les missions du KKL en préservant son esprit pionnier. C’est la raison pour laquelle le KKL Belgique-Luxembourg mène ses projets en Israël à l’intérieur même de la Ligne verte ».
« Nous choisissons les projets que nous finançons »
Cette polémique a au moins le mérite de découvrir (ou de se rappeler) que le KKL ne récolte pas des fonds pour les envoyer sur le compte du KKL israélien. « Il m’importe de souligner que les dons que nous récoltons ne sont pas envoyés au KKL israélien pour qu’il en fasse ce qu’il souhaite », précise Jacky Benzennou. « Nous choisissons les projets que nous financerons. C’est pourquoi je me rends en Israël pour vérifier la qualité et le sérieux de ces projets. Nous participons par exemple à concurrence de 100.000 euros à la création d’une nouvelle aile du Musée de la diaspora à Tel-Aviv, consacrée à l’Alyah des Juifs éthiopiens. Cette aile portera le nom de notre regretté Georges Gutelman, Juif liégeois, qui a mis à disposition sa compagnie aérienne TEA pour amener en secret les Juifs éthiopiens vers Bruxelles, lors de l’opération Moïse en 1984. Nous avons également décidé de financer à hauteur de 100.000 euros la rénovation complète de l’entrée du parc naturel Agmon Hahoula afin d’accueillir dans les meilleures conditions les nombreux visiteurs de ce site considéré comme un des plus grands lieux d’observation et de protection des oiseaux migrateurs au monde. Il est situé au nord d’Israël, au cœur de la vallée du Houla, et plus de 500 millions d’oiseaux y transitent chaque année en toute sécurité ».
Pour éviter que la question sur l’achat des terres palestiniennes perturbe l’année de son 120e anniversaire, le directeur du département du développement des ressources mondiales du KKL en Israël a publié un communiqué dans lequel il assure que « le KKL ne s’engage dans aucune activité politique, ni sur le territoire souverain de l’Etat d’Israël, ni dans les communautés situées au-delà de la ligne verte ! ». Et de conclure que « le KKL n’a aucune intention, à ce stade, d’ouvrir une nouvelle zone en Judée-Samarie. Indépendamment de cela, la politique du KKL reste que toute contribution apportée à tout projet en Israël est confirmée et coordonnée en préalable avec le donateur et conformément aux lois mises en vigueur dans le pays du donateur ».
Nostalgie du Pishke
Si le KKL veut préserver son énorme capital de sympathie auprès des communautés juives d’Europe et d’Amérique, il doit impérativement conserver son caractère apolitique et éviter de s’engager dans des projets illégaux et servant les intérêts de mouvements politiques extrémistes. Car pour les Juifs de diaspora, le KKL possède à la fois une charge émotionnelle énorme et une dimension très concrète de leur attachement à Israël. Comment ne pas évoquer sans nostalgie les pishkes, ces petites boîtes à épargne métalliques bleues que les Juifs du monde entier font circuler pour recueillir des pièces de monnaie en vue de boiser et fleurir Israël de la Galilée au Néguev. Il ne faudrait pas que des choix politiques inopportuns viennent briser cette belle tradition juive de planter un arbre, un bosquet ou une forêt en Israël, au nom d’une personne qui leur est chère.
Ce qui m’inquiète, c’est la cagnote. Avant , elle était fabriquée en métal, du solide, et maintenant, elle est en carton.
Trêve de plainsanterie, cela fait quand même pas mal d’années que l’on sait que l’on plante des arbres dans le cadre du kkl sur des terres très controversées. Seulement on en parlait pas ici. Sujet tabou.
Je pense que ci Elle est en carton ou en métal ou un Macre C’est pas la cagnotte qui compte mais ce qu’il y a dedans et puis carton est égal nature