« La situation que nous vivions en Belgique nous semblait préoccupante et il devenait urgent de réagir en nous adressant aux décideurs, aux faiseurs d’opinion, aux associations et au grand public qui œuvrent à promouvoir la diversité et la citoyenneté », souligne Djemila Benhabib. Militante laïque, désormais installée en Belgique après avoir été une figure de proue de la laïcité au Québec, la politologue, chargée de mission au CAL, dresse plusieurs constats : l’augmentation du communautarisme ethnique et religieux, la montée des partis d’extrême droite, l’augmentation du racisme et de l’antisémitisme. « Les maîtres-mots de notre Collectif sont la citoyenneté, la laïcité, l’éducation et la solidarité avec ceux qui se battent courageusement dans le monde contre les mouvements et les régimes autoritaires ou absolutistes faisant de l’islam religion d’Etat ».
Envisageant son action d’une façon indépendante des partis politiques et des groupes de pression quels qu’ils soient, le Collectif se réunit aussi pour combattre les courants « qui véhiculent la victimisation et l’infantilisation. Nous sommes des citoyens et non des victimes », insiste Djemila Benhabib. C’est bien intentionnellement que le mot « islamophobie » n’est donc jamais évoqué ici. « Un concept ambigu mis en scène dans le débat public par des courants qui cherchent à victimiser les musulmans et qui ne fait en réalité qu’ajouter de la confusion à une époque déjà confuse », soutient Djemila Benhabib. « Parler d’islamophobie met fin au débat, or nous en demandons plus ! ».
Combattre l’islam politique
A ses côtés, d’autres hommes et femmes laïques d’origine arabo-berbéro-musulmane, issus de la société civile dans laquelle ils sont déjà bien souvent engagés, tels Soade Cherifi, enseignante et coach, qui dit se retrouver face à un islam de haine, qui tend à contrôler les petites filles, bien différent de celui de ses grands-parents ; Abdel Serghini, réviseur d’entreprises, qui considère la laïcité menacée par ceux qui jouent la carte du communautarisme, mais aussi par ceux qui s’en saisissent pour faire valoir des idées d’extrême droite ; Jamila Si M’hammed, psychiatre, présidente du comité belge « Ni putes ni soumises », qui estime nécessaire un socle de valeurs communes et voit la laïcité comme une chance pour le vivre-ensemble ; ou encore Malika Akhdim, militante féministe et laïque, qui se bat depuis des années sur le terrain contre les mariages forcés au sein de sa communauté. Parmi les signataires du manifeste, il y a aussi Radouane El Baroudi, cameraman ; Hamid Benichou, militant associatif ; Yeter Celili, militante féministe et laïque ; Bahareh Dibadj, psychologue ; Hassan Jarfi, président de la fondation Ihsane Jarfi ; Fadila Maaroufi, anthropologue et éducatrice de rue ; Kaoukab Omani, éducatrice ; et bien sûr Sam Touzani, militant de la première heure.
Entre deux représentations de sa pièce Cerise sur le ghetto à l’Espace Magh, le comédien réaffirme via le Collectif ce qu’il a toujours défendu : regarder la société non pas par le prisme ethnico-religieux, mais par la force de l’échange et la citoyenneté, « des choix sur le long terme, différents trop souvent des choix politiques », assume-t-il. « Et l’on sait que nier la réalité ne profite qu’aux extrêmes ».
Revenant sur la critique des religions, Djemila Benhabib s’étonne : « On critique l’islamisme dans l’ensemble des pays musulmans, alors pourquoi pas dans les démocraties occidentales ? Le combat contre l’islam politique doit être vu comme un devoir citoyen. La solution n’est pas dans le repli identitaire et la peur, mais bien dans la liberté d’expression, avec les limites définies par la loi ».
Sans savoir encore quelle forme il prendra dans l’avenir, le Collectif Laïcité Yallah espère pouvoir travailler avec d’autres associations et personnes qui poursuivent les mêmes objectifs, et bientôt se structurer. « A l’image du CCLJ, que nous prenons comme modèle ».
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