La comédienne Anouk Grinberg, née en 1963 à Uccle (Belgique), dénonce ici « cette machine à haute teneur masculine qui broie silencieusement des vies ». Nous voici prévenus. Aujourd’hui, elle ne craint plus de parler. De briser le déni, l’omerta. Elle prévoit bien les reproches qui ne manqueront pas. De mentir, d’exagérer, de salir des proches, ceux justement qui l’ont salie. Et de braver la honte, cette honte qui colle bizarrement à la victime, comme si elle avait cherché masochistement cette « servitude volontaire » dont a parlé jadis l’ami de Montaigne : Etienne de La Boétie. Il est temps que la honte change de camp, quoi qu’il en coûte. Les choses ont mal commencé pour la petite Anouk, très mal. Sa mère se voulait artiste, elle fut clouée au foyer conjugal et renonça à ses ambitions. Elle devint folle, suicidaire, alcoolique. Son père, PDG des lames Gillette et dramaturge sous le pseudo de Michel Vinaver, était du genre absent, menant sa double carrière d’homme d’affaires et d’homme de théâtre. À sept ans, le père d’une copine la viole. Elle se tait, elle veut mourir de se taire, d’avoir si honte, de porter cette meurtrissure indélébile : « Je pense à la mort comme à une nounou fantastique de douceur. » Les quatre enfants, en l’absence des parents, sont livrés à eux-mêmes. Pas de repères, pas de barrières, pas de lois. Alcool, drogue. Et sexe.

Quand Anouk a douze ans, son frère qui en a quatorze se livre sur elle à un inceste. Bien plus tard, ce fut la rencontre avec le cinéaste Bertrand Blier qui lui fait jouer des rôles de filles à qui on peut tout demander et qui se plient volontiers, naïvement, à ces demandes perverses. Mal lui en prend. La voici « sous emprise », manipulée, violée dans son âme, jour après jour, et Gérard Depardieu, au passage, en prend pour son grade. Anouk Grinberg va se reconstruire, devenir maman, nous livrer ce témoignage éprouvant.






