On n’entre pas aussitôt dans ce roman. Je veux dire : s’il est d’une parfaite et fluide lisibilité, on ne perçoit pas d’emblée son enjeu romanesque, son intrigue. Une femme, la quarantaine, est mutée par sa société israélienne aux Etats-Unis, dont elle est la seule femme. De temps en temps elle est invitée par un collègue, David, à participer à une partie de chasse aux cerfs et à s’exercer au tir sur un terrain lui appartenant. Le maniement des armes lui est familier : elle a fait l’Armée. Et puis, insensiblement les choses se dégradent, tremblotent un peu. Son supérieur en Israël lui laisse entendre que son poste aux États-Unis est menacé et la société envoie un négociateur pour lui annoncer qu’elle serait rapatriée en Israël. Elle n’entend pas se laisser faire et continue cependant d’aller à la chasse aux cerfs avec David, dont elle connait peu de choses au fond (et nous pas davantage), sinon que sa femme, Myriam, semble malade et doit souvent s’absenter. La narratrice et son collègue roulent longtemps en pick-up sur l’autoroute entre deux tempêtes, s’arrêtent parfois dans des motels, et au retour, rapportent des bêtes sanguinolentes que David, à la maison, va découper, et dépouiller, le tout sans émotions particulières, sans sentiments chez lui ou chez elle. On dirait bien deux androïdes qui accomplissent des gestes mécaniques…

Au total, un récit mystérieux, ciselé, glacé (de nombreux paysages de neige), sans effusion sentimentale (cela rappelle un peu le Nouveau Roman français des années soixante, ce qu’on a appelé l’Ecole du Regard). Même les scènes « érotiques » sont bizarrement dénuées de sensualité. Cette froideur, du récit, comme du climat, n’ont d’égale que la rigueur de ce roman, aussi glacé qu’un théorème. On en a froid dans le dos. Un ton nouveau dans la foisonnante littérature israélienne.






