La Boverie à Liège propose jusqu’au 19 avril 2026 une rétrospective d’envergure consacrée à Roberts Doisneau, l’un des plus grands maîtres de la photographie humaniste du XXe siècle. Près de 400 clichés allant de ses débuts dans les années 1930 jusqu’à la fin de sa carrière y sont présentés dans un parcours riche et sensible.
Curatrices de l’exposition, les filles du photographe, Annette et Francine, de l’Atelier Robert Doisneau, et Isabelle Benoit de la société Tempora, ont sélectionné 400 images sur les 450.000 clichés conservés à l’atelier de Montrouge où Doisneau travailla toute sa vie. L’exposition thématique (Enfance, Bistrots, Écrivains, Banlieues, etc.) accompagne ces œuvres de citations, de nombreux documents et d’archives audiovisuelles.
Puisant ses sujets dans la vie quotidienne des classes populaires de Paris et sa banlieue, Doisneau disait : « le photographe, comme ce qu’il emploie, doit être une surface sensible. » Photographe aux usines Renault de 1934 à 1939, il y découvre le monde ouvrier. Des rencontres orientent sa carrière. Charles Rado, Juif hongrois, photographe à Berlin, réfugié à Paris en 1933, crée l’agence de presse photographique Rapho (Rado-photo). Fédérant ses amis juifs hongrois (Ergy Landau, Nora Dumas, Ylla, Brassaï), des photographes indépendants travaillant à la commission, il rencontre Doisneau et lui propose de commercialiser ses images. La guerre provoque l’exil américain de Charles Rado, spolié par les nazis. En 1946, son ami Raymond Grosset rouvre Rapho, que rejoint Doisneau, suivi entre-autres par Willy Ronis et Sabine Weiss. Ouvrant ses photographes aux marchés de la presse anglaise et américaine, l’agence joue un rôle central dans la carrière de Doisneau : « Il considérait Rapho comme sa seconde famille », soulignent ses filles.
Résistant, photographe de la Libération de Paris, son reportage social sur les mineurs de Lens en 1945 paraît dans le magazine J. Jeune combattant. Doisneau multiplie les travaux pour la presse de gauche : Action, La Vie ouvrière… et Regards (célèbre périodique communiste). La banlieue de son enfance, où il va à « la pèche aux images », est le sujet de son livre photo La Banlieue de Paris (1949), né de sa rencontre avec Blaise Cendrars. En 1948, à New-York, la Photo League l’expose avec Brassaï, Ronis et Izis, suivie par le MoMA, dont le directeur du département de la photographie, Edward Steichen, né dans une famille juive au Luxembourg, l’intègre à sa mémorable exposition The Family of Man. Peter Pollack organise sa première exposition individuelle à l’Art Institute de Chicago (1954).
Expo 58
Une section inédite de l’exposition explore les reportages de Doisneau dans notre pays. Chargé de représenter des « Parisiens-types » pour le pavillon de Paris à l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958, Doisneau photographie le pavillon américain avec son défilé des mannequins devant la fresque de Saul Steinberg. Artiste juif, né en Hongrie, Nicolas Schöffer le charge de photographier sa Tour cybernétique, spatiodynamique et sonore, inaugurée en juin 1961, dans le parc de la Boverie, à proximité du Palais des Congrès dont la façade sert d’écran aux projections nocturnes du « spectacle luminodynamique » de sa conception. Les photographies noir et blanc et en couleurs de Doisneau illustreront le livre de 1963 sur cette œuvre hors-norme. Un reportage étonnant qu’évoque la « Mirror Room » de l’exposition. Le parcours s’achève sur le Baiser de l’Hôtel de Ville, image iconique dont l’histoire bien documentée témoigne des idées fausses du public sur la photographie et ses célébrités…
Robert Doisneau Instants Donnés jusqu’au 19 avril 2026
Centre d’expositions La Boverie
4020 Liège
www.expo-doisneau.com






