‘I’ comme ‘Ismaël’

Dans le récit biblique, on apprend comment Sarah, la femme d’Abraham, qui ne pouvait pas avoir d’enfant, a demandé à son mari de prendre Agar, sa servante égyptienne, pour avoir un enfant en attendant la réalisation éventuelle de la Promesse. Abraham accepte la proposition de Sarah.
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Tombée enceinte, Agar méprise Sarah, qui la maltraite en retour. Agar fuit dans le désert, où un ange lui dit de rentrer, d’obéir à Sarah et d’appeler son fils Ismaël.

Sarah donne finalement un fils à Abraham, appelé Isaac. Le texte de la Bible précise que les descendants d’Ismaël (Ismaélites) formeront une grande nation, mais que l’Alliance sera poursuivie avec Isaac, le fils de Sarah.

Après qu’Ismaël se fut un jour moqué de son demi-frère Isaac, Sarah exige qu’Agar et Ismaël soient chassés de la maison d’Abraham. Contrarié par cette demande, Abraham finit par accepter, après que Dieu lui eut indiqué de toujours écouter Sarah, car l’alliance passe par Isaac. Ayant erré dans le désert de Beer-Sheva, Ismaël s’installe dans le désert de Paran, où il devient archer. Lorsqu’Abraham meurt, Isaac et Ismaël l’enterrent ensemble.

La transmission de l’Alliance au fils cadet d’Abraham entre donc en contradiction avec le droit d’ainesse. « Cette situation n’est pas unique », précise Marc Neiger, le rabbin de la synagogue Beth Hillel. « Elle se reproduira systématiquement dans le livre de la Genèse où l’on verra que le premier-né ne sera pas nécessairement l’héritier. Ainsi, Esaü, le fils aîné d’Isaac, ne lui succédera pas. Ce sera Jacob; et dans la génération suivante, Lévi à la place de Ruben ».

Quand on envisage la relation entre Ismaël et Isaac, on ne peut s’empêcher de faire le lien avec l’antagonisme entre Jacob et Esaü. Fils aîné d’Isaac, Esaü symbolise négativement la force physique dépourvue de compréhension. Sa volonté de tuer Jacob renforce cette image négative. « Si la rivalité entre Ismaël et Isaac présente certains points communs avec celle existant entre Esaü et Jacob, elle comporte aussi des différences importantes », explique Marc Neiger. « Esaü est considéré comme un personnage négatif par les Midrashim et les commentaires rabbiniques pour lesquels le Royaume d’Edom (Esaü étant considéré comme l’ancêtre des Edomites) est identifié à l’Empire romain, ce qui fait d’Esaü l’ennemi des Juifs. Ismaël, quant à lui, demeure imprégné d’une charge positive, même s’il ne porte pas l’Alliance. Une autre bénédiction lui sera donnée lorsque Dieu dit à Abraham qu’Ismaël formera une grande nation. Ismaël est certes le perdant de la rivalité qui l’oppose à Isaac, mais il ne subit pas du tout le sort manichéen d’Esaü. D’ailleurs, Ismaël demeure un prénom juif populaire, et il y a plusieurs rabbis Ismaël dans la Michnah et le Talmud, mais je ne connais aucun Esaü ».

Cette rivalité prend d’ailleurs une signification d’autant plus complexe que les musulmans tiennent Ismaël et Isaac pour deux prophètes d’une importance égale. Ils considèrent également qu’Ismaël est l’un des ancêtres des Arabes. Selon la tradition islamique, Ismaël a reconstruit avec son père Abraham la Ka’aba (c’est vers elle que se tournent les musulmans pour prier) dont il ne restait que les fondations.

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