A l’origine

Noémi Garfinkel
Il faut avoir vu le film "My big fat greek wedding" pour pouvoir apprécier l'ethnocentrisme -pour ne pas dire la mégalomanie- qui caractérise, selon la scénariste Nia Vardalos, les Grecs de sa famille en général, et de son père en particulier.
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Une scène mémorable illustre la façon dont ce fier Héllène peut prouver que n’importe quel mot trouve son origine dans la langue d’Homère. “Arachnophobie ? Arachno, l’araignée, phobia, la peur, l’arachnophobie désigne la peur des araignées, et voilà !” Lors d’un déplacement en voiture avec des amies de sa fille, l’une d’elle, se prenant au jeu et pensant coincer le linguiste amateur avec un mot qui ne dérive pas du tout du grec initialement lui demande “Et le mot kimono ?” La jeune Toula assiste alors, médusée, à un développement sidérant, mais asséné avec tellement de conviction de la part de son père, références étymologiques à l’appui : “Kimono ?… Kimono vient du mot grec khimona qui veut dire “hiver” ; et que porte-t-on en hiver pour rester bien au chaud ? Une robe de chambre, un kimono, et voilà !”

Ce trait de caractère n’est pas réservé aux Grecs, loin de là. Avec emphase, les Siciliens se revendiquent pères de la révolution gastronomique : ce sont eux qui auraient inventé les pâtes, la crème glacée, et même le couscous. Sans les Arabes, le monde ne saurait rien des mathématiques modernes. On devrait aux Turcs les toilettes et les bains du même nom ; aux Russes, la roulette, aux Français, la viennoiserie (en fait, volée aux Autrichiens), et aux Chinois, à peu près tout sauf la fourchette. Et les Juifs dans tout ça ?

Lors de la fête d’Esther, nous avons pour coutume de nous enivrer jusqu’à ne plus pouvoir distinguer « maudit soit Haman ! » de « béni soit Mardochée ! ». Pourim est donc la fête des alcooliques. Lorsque nous célébrons la sortie d’Égypte des Hébreux guidés par Moïse, toute la famille participe à une grande traque de la moindre trace de ‘hamets dans la maison. Pessah est la fête idéale des obsessionnels souffrant de troubles compulsifs. Quand vient Shavouot, beaucoup passent la nuit à étudier, mettant les insomniaques à l’honneur. Institué par les prophètes pour déplorer la chute du premier Temple, Tisha BeAv commémore aussi une série de calamités qui frappa les Juifs (destruction du seconde Temple, persécutions par les croisés, expulsion des Juifs d’Espagne, extermination lors de la Shoah). N’avons-nous pas là une fête taillée sur mesure pour les déprimés et les mélancoliques ? Viennent ensuite Rosh Hashana pour les paranoïaques, persécutés jusqu’au jour du Pardon, Yom Kippour, pour les personnes souffrant de troubles alimentaires, Souccot pour les sans-abri, et Simkhat Torah pour les bipolaires en phase maniaque. Et on se demande encore si les Juifs ont vraiment inventé la psychologie.

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