Des gilets jaunes aux antivax et antipass, une nouvelle variante de l’antisémitisme ? 

La Rédaction
On avait relevé quelques solides dérapages antisémites lors des manifestations des gilets jaunes, qui ont débuté dans les derniers mois de 2018. Déclenché à la suite d’une forte augmentation des carburants, le mouvement a cristallisé les nombreux mécontentements d’une bonne partie des citoyens français, avant tout des électeurs du Rassemblement national de Marine Le Pen.
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Très mobilisés, les adeptes d’Alain Soral ou de Dieudonné sont de plus en plus présents dans les défilés, au grand dam des manifestants défendant leur pouvoir d’achat, écrivait en février 2019 Tristan Berteloot dans un article intitulé « Les gilets jaunes, étouffés par la gangrène antisémite » et publié dans Libération.

Ces jours-ci on a vu se multiplier à travers toute la France des manifestations d’opposition au pass sanitaire que vient d’introduire Emmanuel Macron et qui rassemblent des dizaines de milliers de personnes de tous âges et des deux sexes. Ce mouvement a un point commun avec celui des gilets jaunes, dans la mesure où il agglomère une série de mécontentements. C’est l’opposition à l’idée même de pass sanitaire, attestant l’administration de deux doses d’un des vaccins et qui sera exigé pour de très nombreuses et diverses activités. Au-delà de ce motif premier on a vu défiler les tenants du mouvement antivax, opposés à l’idée même de la vaccination.

On trouve en réalité parmi ces opposants au vaccin contre le covid-19 des individus qui se méfient d’un vaccin diffusé selon eux sans le recul nécessaire et indispensable et pour lequel tous les Français seraient les cobayes, mais ils défilent aux côtés de membres d’un mouvement aux allures souvent sectaire et qui sont philosophiquement opposés au concept même de vaccin. On y ajoutera ceux qui croient aux thèses complotistes, comme celle qui met en garde contre les puces électroniques qu’on aurait insérées dans les vaccins, à l’instigation notamment de Bill Gates. Le sommet de ces thèses délirantes est atteint par les animateurs du site ‘Natural News’, qui édite une newsletter quotidienne et pour qui les vaccins tuent à grande échelle, avec pour objectif principal ce que l’extrême-droite français qualifie de « grand remplacement », qui consisterait à remplacer les Français de souche par les immigrés. Dans une édition récente de Natural News, il est question d’« extermination de masse ». Aux Etats-Unis il s’agirait de tuer ce qu’il est convenu outre-Atlantique d’appeler les WASPS (‘White Anglo-Saxon Protestants) pour repeupler le pays par les ‘Latinos’ ‘immigrés d’Amérique latine, surtout mexicains). Cet exemple illustre à la perfection la grande proximité des anti-vax purs et durs avec l’extrême droite la plus radicale.

"Mais qui?" symbole d'antisémitisme

C’est dans ce contexte malodorant qu’est apparu dans les manifestations américaines précitées, ce que Libération qualifie de « nouveau slogan antisémite ». C’est le très mystérieux et de prime abord incompréhensible « Qui ? ».  
Derrière ce discret slogan, expliquent Pierre Plottu et Maxime Macé, « se cache une référence antisémite rendant les Juifs responsables de la pandémie et de la politique vaccinale ». Et, ajoutent les deux journalistes, c’est là « une nouvelle forme de ces références antisémites dont la fachosphère a le secret. Une manière discrète d’afficher un slogan accusant la communauté juive d’être responsable de la pandémie et de la politique vaccinale dont elle tirerait profit ».  Tout cela avec l’aide des médias et des individus pour eux méprisables qui ont truqué les élections américaines au détriment de Donald Trump. C’est ainsi, par exemple, qu’une professeure remplaçante en France vient d’être mise à pied, pour avoir porté un slogan antisémite lors d’une des dernières manifestations contre le pass sanitaire. Le paradoxe apparent à cet égard est le parallèle ignominieux qu’établissent des manifestants en arborant l’étoile jaunes. Ce genre de mouvement agrégeant tous les mécontentements d’une partie des Français et évidemment relayé par les proches du Rassemblement national n’a en fait rien de nouveau. On parlait naguère à cet égard de poujadisme, du nom de Pierre Poujade, dirigeant d’un syndicat luttant au nom des petits commerçants et des artisans notamment contre les grandes surfaces qui commençaient à se multiplier durant l’après-guerre. Poujade, héraut du complotisme à son époque, qui avait a notamment compté Jean-Marie Le Pen dans les rangs de son mouvement et était marqué par un anti-intellectualisme prononcé, a beaucoup fait parler de lui entre 1953 et 1958, avant de finir dans les poubelles de l’Histoire, non sans avoir laissé son nom à ce type de mouvement exprimant, de façon souvent violente, un ras-le-bol absolu sans avancer la moindre proposition alternative. Il est pratiquement inutile d’ajouter que l’antisémitisme n’était jamais bien loin dans la vision complotiste de Poujade, même si le souvenir du nazisme empêchait encore peu ou prou, les antisémites de manifester trop haut leurs sentiments anti-juifs. Aujourd’hui que nos concitoyens ne savent plus à quel se vouer et qu’ils sont parfois durement frappés par les problèmes sanitaires actuels et les mesures prises contre la pandémie et par les violentes manifestations du dérèglement climatique, sans oublier bien entendu un chômage endémique et une paupérisation croissante de nos populations allant de pair avec l’explosion indécente des revenus d’un nombre, lui également en hausse, de milliardaires. Il n’est guère surprenant dans un tel contexte de voir l’éternelle quête de boucs émissaires passer à la vitesse supérieure où il n’est souvent même plus nécessaire d’utiliser ce cache-sexe de l’antisémitisme qu’est l’antisionisme.
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