Il est ennuyeux que le temps éditorial oblige le chroniqueur à respecter des délais dont la séquence des événements n’a rien à faire. En l’occurrence, je rédige ces lignes au début d’une semaine que tous les observateurs s’accordent à considérer comme l’une des plus fatidiques de l’histoire d’Israël. Cette semaine, en effet, avant que la Knesset mette fin à la session d’hiver de ses travaux, la majorité va tenter de forcer l’adoption en deuxième et troisième lectures d’un texte discuté en commission, essentiel pour en finir avec l’indépendance du pouvoir judiciaire : l’amendement à la Loi fondamentale sur la justice qui confèrera au gouvernement la haute main sur la commission de sélection des juges. Cette semaine, aussi, doit être promulguée une loi interdisant à la Cour suprême le droit de regard sur la nomination des ministres, une loi personnelle destinée à permettre à Arye Dery, le chef du parti ultra-orthodoxe séfarade Shas, de réintégrer le cabinet malgré ses multiples condamnations en justice pour corruption, l’une d’entre elles assortie d’une peine de prison. Une autre proposition de loi devra sans doute attendre la rentrée parlementaire du printemps : la loi autorisant le multimillionnaire Netanyahou à bénéficier de dons privés afin de financer son procès. Mais la semaine dernière déjà, une loi a été adoptée mettant le Premier ministre à l’abri de toute tentative judiciaire de le déclarer inapte à exercer sa charge. Rien ne semble pouvoir arrêter le train fou qui fonce sans freins dans la nuit, vers le précipice des régimes dictatoriaux.
Voire. Le samedi 25 mars a déferlé à travers le pays la douzième et plus haute vague de manifestations qu’Israël ait connue depuis ce 4 janvier où le ministre de la Justice Yariv Levin a dévoilé son plan de « réformes ». Pays réel contre pays légal, la formule théorisée par Charles Maurras trouve en Israël sa parfaite illustration, mais à l’envers : le « pays réel », c’est la masse énorme des citoyens attachés à la démocratie contre un « pays légal » enivré de son pouvoir et enfermé dans une bulle qui a coupé les amarres avec la réalité. Comme Poutine, comme Trump, comme Bolsonaro, « Bibi » subit la loi d’airain du pouvoir absolu : paranoïaque, entouré de flagorneurs, le chef est incapable d’apprécier les rapports de force, ne sait pas prévoir les réactions de ses adversaires, voit des ennemis partout et se condamne à une fuite en avant autodestructrice. Quel que soit le régime au sein duquel il opère, il ignore le principe de réalité. Et, comme la réalité lui explose au visage, il cherche des explications à ses échecs : l’« Etat profond », les élites, les traîtres de tout acabit, l’étranger maléfique. Dans le cas de Netanyahou, l’appareil judiciaire qui a juré sa perte, la presse assassine aux ordres d’une « gauche » mythifiée, les ONG stipendiées par des puissances étrangères occultes, les administrations démocrates américaines successives qui, de Clinton à Biden en passant par Obama, n’ont cessé de travailler à sa chute. N’oublions pas la CIA, qui, si l’on en croit son inénarrable fils, n’a rien de mieux à faire que de financer les manifestations de ses opposants.
S’ajoute pour lui une difficulté supplémentaire, inédite, et, probablement insurmontable. Partout ailleurs en territoire illibéral, le chef a su se gagner les grâces d’une partie des élites du pays. De puissants lobbys économiques, des pans de la hiérarchie militaire et policière, des intellectuels dits « conservateurs », mais révolutionnaires de droite en fait, ont trouvé intérêt à soutenir le régime. Or, en dehors du noyau dur des « bibistes », des ultra-orthodoxes et des messianiques, Netanyahou est virtuellement seul. Mais on ne gouverne pas un pays moderne avec la plèbe et des zélotes, contre toutes ses forces vives, économiques, sécuritaires et intellectuelles. Voilà pourquoi il ne peut pas gagner ce bras de fer. Et voilà pourquoi le legs qu’il laissera derrière lui sera une marque d’infamie.
Que s’est-il donc passé ? Grossièrement résumée, l’histoire de la démocratie libérale israélienne pourrait s’écrire ainsi : sortie plutôt malformée des forges ben-gourioniennes – absence de constitution écrite, autonomie ultra-orthodoxe, coercition religieuse –, puis handicapée par l’occupation des Territoires palestiniens, elle était assez vigoureuse tout de même pour permettre à l’ours libéral d’hiberner gentiment, heureux de ce qu’il avait plutôt que d’exiger ce que d’évidence il n’avait pas. Alors, pourquoi se gêner ? Fatale erreur, et ce d’autant plus qu’on prétendu faire en quelques mois ce que sous d’autres cieux on a mis des années à accomplir. Ce dernier coup fut le coup de trop. L’ours libéral s’éveilla, et il menace d’emporter dans sa fureur les apprentis sorciers qui ont fini par troubler son repos. Mieux, il est fort possible, probable même, que, même victorieux, il ne se contentera pas de retourner dans sa grotte. Il voudra modifier les règles du jeu, afin qu’une mésaventure de ce genre ne puisse plus se produire. Il voudra une constitution en bonne et due forme, un nouveau contrat social fondé sur l’égalité de tous et de toutes, peut-être même, qui sait, la fin de l’occupation, dont beaucoup comprennent désormais que c’est elle qui a enfanté des monstres comme les kahanistes et les messianiques que Netanyahou a installés au cœur du pouvoir. C’est tout cela qui pointe désormais derrière l’exigence de « dé-mo-kra-tya » hurlée lors des manifestations.
Nous verrons bien, En attendant, la seule question qui vaille est combien de temps Netanyahou pourra s’accrocher au pouvoir et quels dégâts il aura fait subir aux fondements économiques et sécuritaires de la résilience d’Israël. A cette question, il n’y a pas de réponse satisfaisante. Beaucoup dépend de l’attitude des chefs du Likoud. Un seul pour l’instant s’est clairement prononcé pour l’arrêt du processus législatif, et pas le moindre : Yoav Gallant, le ministre de la Défense. D’autres font entendre des bêlements timides, mais sans aller jusqu’à prendre clairement position. Cependant, si ledit processus législatif va à son terme, il est probable que les lois adoptées, ou du moins une partie d’entre elles, vont être censurées par la Cour suprême. Netanyahou et ses acolytes ayant déjà fait savoir qu’ils n’obéiront pas aux arrêts de la Cour, nous affronterons dès lors une crise constitutionnelle sans précédent. Or, les chefs de la police et des services, entre autres, se sont prononcés sans ambiguïté : sommés de choisir entre le gouvernement et la loi, ils opteront pour la loi. A partir de là, nous serons en territoire inconnu.
P.S. Je m’apprêtais à évoquer d’autres joyeusetés, comme le pogrom de Hawara, par exemple, ou les hauts faits de Smotrich et Ben-Gvir, respectivement ministres des Finances et de la Sécurité nationale (sic), ou encore ce maire d’une ville ultra-orthodoxe qui a interdit aux Arabes l’usage des autobus dans son agglomération.
Heureusement, l’espace me manque. J’en profite pour finir sur une note plus aimable : le bonheur. Comme tous les ans, le World Happiness Report, émanation du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies, vient de publier son palmarès. Sans surprise, trois pays nordiques – Finlande, Danemark et Islande – se trouvent en tête du classement. En en quatrième position ? Israël, pardi. Elle n’est pas belle, la vie ?
Parler d’occupation sans dire que les Palestiniens ont refusé ou pas répondu à Olmert qui a proposé de donner aux Palestiniens +- 95% des territoires disputés dont une partie de Jérusalem plus 5% supplémentaire en échange des +- 5% où se trouvent essentiellement les grosses implantations, c’est plus qu’une faute, c’est plus que de la désinformation, c’est inconsciemment alimenter l’antisémitisme. Pour le reste, le célèbre Professeur et juriste Dershowitz , démocrate de surcroît, estime que l’adoption de cette réforme judiciaire rendra Israël plus démocratique. Aucune Cour suprême au monde n’a autant de pouvoir que la Cour israélienne qui peut même retoquer des lois sur base du critère de raisonnabilité..
L auteur de l article ne comprend rien à la politique israélien il est enfermé dans sa logique gauchiste s il avait compris qq chose il aurait fait une carrière politique plus brillante que son passage éclair rue Rabelais à Paris