Le narrateur a perdu son architecte de père, Moïse, avec lequel il n’entretenait pas de relations très chaleureuses. Ce père, dépressif et silencieux, né à Gabès en Tunisie en 1934, était certes un athée assumé, mais un Juif quand même, et devait bien posséder, au fond d‘un placard, quelque chose comme un talit. On le cherche, on le trouve. Mais on en trouve deux, indissociablement emmêlés. Conseil du rabbin : on enterrera Moïse dans les deux. Mais dès le lendemain de l’inhumation, Moïse apparaît à son fils, réclame que les deux talits soient dûment séparés. Le sien, et celui qui doit être celui de son propre père, dont le narrateur ignore tout. Bien sûr, il n’est pas question d’exhumer Moïse pour démêler les deux talits. Comment faire alors ? Que le fils raconte à son père la vie du grand-père, Clément. Ainsi les deux tissus se sépareront et les morts, si l’on peut dire, iront en paix. Pour ce faire, notre jeune héros mène son enquête.
Il lit et relit La statue de sel du grand Albert Memmi pour connaître des bribes du passé de ses aïeux. Et puis, tout mort qu’il est, dans ses deux talits, Moïse revient chaque nuit transmettre à son fils des bribes de souvenirs. Ce beau roman, le premier de David Naïm né en 1971, est ainsi un kaddish, dont les mots sont moins ceux de la prière traditionnelle que ceux de la littérature.