Je pense que nous pouvons tous respirer un bon coup. Marine Le Pen à l’Elysée, c’eût été pire que Donald Trump à la Maison Blanche. Aussi dévastateur fût-il pour la démocratie américaine et pour l’ordre international, l’homme à la chevelure orange n’est jamais qu’un pitre innocent de toute idéologie. Le Pen, c’eût été l’extrême droite installée pour cinq ans au pouvoir dans l’un des deux pays qui forment l’attelage européen. Orban à la puissance dix, au moment où son compère Poutine écrase l’Ukraine sous les bombes. L’Europe unie aurait-elle résisté à ce choc ? Mieux vaut que la question reste théorique.
Il sera intéressant de savoir comment auront voté les quelque 180.000 citoyens d’Israël détenteurs d’un passeport français, l’une des plus fortes communautés françaises hors d’Europe et d’Amérique du Nord. Au premier tour, c’est Eric Zemmour qui avait emporté la première place, avec 53,59 % des voix, soit près de huit fois plus que son résultat national ! Il est vrai que seuls 10% du corps électoral s’étaient donné la peine de voter, et que Marine Le Pen, lestée de l’héritage paternel, n’avait obtenu que 3,3% des voix.
Passons aux choses sérieuses, c’est-à-dire celles qui concernent notre petit marécage. Fin mars, de Beer-Shev’a dans le sud à Hadera dans le nord en passant par Bnei-Brak et Tel-Aviv, une série d’attaques terroristes a fait quatorze victimes. A Tel-Aviv, le pays entier a pu suivre en direct le film hallucinant de centaines de policiers, pistolet au point, en train de courir d’un immeuble à l’autre rue Dizengoff à la recherche du terroriste, autour du bar où avait eu lieu l’attentat meurtrier. Celui-ci a finalement été localisé au petit matin à quelques centaines de mètres de là, sur la route de Jaffa, et abattu. Série d’opérations individuelles sans lendemain ou l’amorce d’une vague de terrorisme ? Pour l’heure, on penche plutôt pour le premier terme de l’alternative.
Cependant, c’est Jérusalem qui mobilise l’attention des autorités civiles et sécuritaires. D’autant que le malheur du calendrier a voulu que cette année, Pessah, Ramadan, et, accessoirement, les pâques chrétiennes, tombent au même moment. Comme le sait le moindre flic hiérosolomytain, c’est la meilleure recette pour faire bouillir la marmite nationaliste et religieuse. Tout le monde a en mémoire les événements tragiques de mai 2021, lorsque, le dernier jour de ramadan, des affrontements sur le mont du Temple/Haram el-Sharif ont entraîné des tirs de roquettes par le Hamas sur Jérusalem, lesquels ont déclenché à leur tour l’opération Gardien des Murailles à Gaza, qui, elle, a allumé émeutes, batailles rangées et lynchages intercommunautaires dans les villes mixtes à l’intérieur du territoire souverain d’Israël. Pour l’heure, une politique plus judicieuse, mêlant fermeté à l’encontre des émeutiers, tolérance à l’égard de la masse des fidèles et proclamations quotidiennes de respect du statu quo, a réussi à maintenir un calme tendu dans la ville trois fois sainte.
Rude tâche. Le Hamas poursuit une stratégie compliquée qui consiste à provoquer des troubles en Cisjordanie et à Jérusalem, tout en épargnant à la bande de Gaza les affres d’une nouvelle opération israélienne. De concert avec des éléments islamistes en Israël, notamment la branche nord du Mouvement islamique, il incite à la violence en agitant la menace que ferait peser Israël sur l’existence même de la mosquée Al-Aqsa. Evidemment, c’est une calomnie. Sauf que les agissements de l’extrême droite messianique, dont des « marches aux drapeaux » délibérément provocateurs, semblent la justifier. Emmenés par les kahanistes de la Knesset – la liste dite Sionisme religieux de Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir –, ces gens n’auront point de cesse qu’ils ne provoquent une guerre de religion.
C’est dire que ce calme très précaire peut être rompu à tout moment, à la faveur du moindre incident. Le mois de ramadan ne s’achève pas avant le 1er mai, après quoi on aura la Journée du Souvenir et la Fête de l’Indépendance, puis, le 28 mai, la Journée de Jérusalem, avec sa « marche des drapeaux ». Autant d’occasions pour Dieu de se manifester à travers ses séides des deux camps.
Tout cela n’empêche point la démocratie en action de garder tous ses droits. Début avril, Idit Silman a quitté la coalition au pouvoir. Si les lecteurs de Regards ignoraient jusqu’ici l’existence d’Idit Silman, ils peuvent se rassurer, ils étaient en bonne compagnie. En elle-même, Idit Silman est un de ces personnages que la politique israélienne propulse sur le devant de la scène à la faveur de manœuvres de couloir sans gloire ni lendemain. En l’occurrence, cette membre du parti Yamina du premier ministre Naftali Bennett faisait fonction de cheffe de la coalition. Ce n’était pas une sinécure. Outre l’instabilité chronique de cette improbable mosaïque faite de bric et de broc, elle et sa famille étaient soumises à un barrage incessant d’insultes et de menaces de la part de sa famille « spirituelle », l’extrême droite messianique et colonisatrice à laquelle elle appartient. Le gouvernement de Bennett-Lapid ne disposant que d’une voix de majorité à la Knesset, soit 61 sur 120, sa démission signifie qu’il est désormais minoritaire. Naguère traînée dans la boue, voici notre Idit portée aux nues par ceux-là mêmes qui la vouaient aux gémonies. Benjamin Netanyahou lui a promis une place « sûre » sur la liste du Likoud en vue des prochaines élections, ainsi que le portefeuille de la Santé dans son gouvernement. Il lui suffit, dit-il, qu’un autre dissident se présente – il y a au moins deux autres candidats, toujours au sein du maigre contingent du premier ministre – et l’affaire est pliée. La place me manque pour expliquer pourquoi il y a loin de la coupe aux lèvres et pourquoi ce gouvernement peut encore survivre. Pour combien de temps, telle est la question.
Mais au fait, pourquoi Idit Silman a-t-elle fini par jeter l’éponge en poussant un pathétique « Je n’en peux plus ! » ? Parce que Nitzan Horowitz, ministre de la Santé et chef du parti Meretz, a cru bien faire de rappeler aux directeurs des hôpitaux une décision de la Haute Cour de Justice, vieille de deux ans déjà, qui interdisait aux gardes de sécurité de leurs établissements d’inspecter les affaires des visiteurs à la recherche de produits contenant du Hametz (levure) durant la fête de Pâque. Voilà comment tombent les gouvernements en Israël. Une histoire de pita à l’hôpital. Il est vrai que Mme Silman a évoqué à ce propos la Shoah, rien de moins…
En plein Ramadan et à la veille de Pessah, une foule palestinienne a saccagé le tombeau de Joseph. Ce n’est pas la première fois que ce lieu saint, situé près de Naplouse et en principe sous contrôle de l’Autorité palestinienne, est l’objet de vandalisme. Afin d’éviter des troubles, les travaux de rénovation, coordonnées avec l’Autorité palestinienne, devaient être effectués de nuit et dans la plus grande discrétion. La presse, notamment, devait être tenue à l’écart. Ce sont du moins les instructions explicites données par le général du Commandement de la région Centre au commandant de la brigade de Samarie et responsable de la sécurité des travaux, le colonel Roy Zweig. Il s’agissait, évidemment, de ne pas mettre en danger la vie des soldats et des ouvriers.
Ces ordres, le colonel s’est assis dessus. Il a coordonné l’affaire avec les chefs des colons et convié la presse, transformant ainsi l’ensemble de l’événement en une énorme opération de relations publiques. Le briefing à l’adresse de ses troupes avant l’opération s’apparente à une exhortation messianique : « C’est ici que la Terre [d’Israël] fut promise à Abraham notre père ; comme il est dit : “Je te donnerai, et à tes descendants après toi, le pays…” Non pas comme des voleurs dans la nuit, mais comme des fils de rois […] avons-nous le privilège de restaurer l’honneur de la Terre et du peuple d’Israël. »
Le résultat fut à la hauteur de ses attentes : des centaines de Palestiniens ont afflué sur les lieux, des échauffourées s’en sont suivies avec les soldats, il y eut un mort et des dizaines de blessés. J’ignore si le colonel Zweig, coupable d’avoir désobéi à sa hiérarchie, sera sanctionné comme il devrait l’être. Ce qui est certain est que les vrais maîtres de la « Judée-Samarie », les vrais commandants sur place, ne sont pas les généraux, ni même le gouvernement de Jérusalem ; mais les chefs des colons.
Honte à vous de comparer LePen à Trump. Et que pensez vous du remplaçant de Trump? Vous devez une fière chandelle à Trump pour avoir reconnu Jerusalem comme capitale d’Israel. Peutêtre que vous n’aimez guère cela. Quant à son remplaçant il ne fait que flirter avec des terroristes qui veulent annihiler l’Etat Juif ainsi que tous les Juifss à travers le monde.