Inspirée du livre Vivre avec nos morts (Éditions Grasset) de Delphine Horvilleur, cette série instructive et pétillante revisite les grands chapitres de la vie à la lumière du judaïsme libéral et féminin.
Initiatique, intimiste et profondément humaine, cette série gravite autour de Léa, une jeune femme juive qui fait ses premiers pas dans le rabbinat. En huit fois trente minutes, on la suit, pas à pas, au cœur de sa famille dysfonctionnelle et à la tête de sa modeste communauté de Strasbourg, projetée dans des cas délicats que sont, la circoncision au sein d’un couple mixte, le rejet par le jeune intéressé de sa bar-mitsvah, un mariage rempli de doutes, une rupture entre des parents athées et leur fils devenu orthodoxe, un pessah familial éprouvé, une rencontre interreligieuse, un don provenant d’une spoliation, des funérailles…
A l’image de la rhétorique de Delphine Horvilleur, savant équilibre de récits, questionnements, références bibliques, liens avec l’actualité et brin d’humour, on retrouvera, dans chacun des épisodes, l’esprit de cette recette maison avec, la loi juive, comme ingrédient de base, agrémentée d’apports et d’accommodations divers. A chaque problématique, s’ensuit une réponse personnalisée amenée avec réflexion, de sorte que chacun puisse cheminer et se l’approprier.
Personnages bien campés
Les talentueux Noé Debré et Benjamin Charbit se sont entourés d’une magnifique équipe pour transposer l’esprit et la lettre du livre en une écriture télévisuelle originale, alliant dialogues spirituels et décors parlants, notes de musique espiègles et interprétations nuancées. C’est que les personnages qui entourent Léa, sont aussi bien campés que contrastés. Tenez, son père, André, sous les traits de l’excellent Eric Elmosnino : psychanalyste névrosé, athée, divorcé, dépassé, aussi aimant que cassant, empêtré dans sa vie : il peine à prendre sa fille au sérieux ; Joël (Solal Bouloudnine), le frère de Léa, trompe son ennui en jonglant avec le mensonge, les combines, son attachement familial et les filles à mater. Il a le regard tendre et le verbe taquin : un frère quoi ! Au sommet de la pyramide familiale se trouve Liliane, la grand-mère un peu partie.
D’autres figures de révèlent tout aussi attachantes : il y a celles qui n’apparaissent qu’une fois, des récurrentes et celles aussi qui se lient avec la rabbine qui les a accompagnées : le caricatural Ilan (hilarant Manu Payet) en père clinquant et maladroit, sans-gêne et généreux ; Perle (Noémie Lvovsky), esseulée et toute dévouée à la communauté ; Gross (émouvant Lionel Abelanski) dans un dilemme douloureux ; le séduisant rabbin traditionnaliste, Arié (Lionel Dray) que Léa convoque en douce, tel un superviseur. Leurs rivalités récurrentes mais aussi leurs connivences et joutes infinies quant aux interprétations des Textes sont esquissées, au passage. On retrouvera aussi à l’affiche, Michaël Zindel (Le Dernier des Juifs), orthodoxissime tout de noir vêtu ; Anouk Grinberg, Marc Citti, Marilyne Canto et tant d’autres encore…
Mais revenons à Léa (douce et ingénieuse Elsa Guedj), qui avance dans l’existence avec assurance tout en tâtonnant. C’est qu’au seuil de sa vie, elle-même en quête de sens, elle n’a pas encore traversé les épreuves que vivent les personnes qui viennent la consulter. Il nous est alors donné de voir la jeune femme lucide et fleur bleue, pleine de savoirs, de désirs et de volonté, construire sa méthode, élaborer ses premières réponses, avancer, s’égarer un peu, canaliser, reformuler, se mesurer aux responsabilités du rabbinat, en tant que guide spirituelle. Créative, peu encline aux restrictions, elle choisit d’ouvrir les champs entre tous, de bonne volonté, pour harmoniser, apaiser, réconcilier et dialoguer.
Le Sens des Choses illustre aussi l’affirmation d’une rabbine du XXIe siècle, soit autant de combats pour faire sa place, en tant que rabbin dans une famille athée, en tant que femme dans le rabbinat, en tant que libérale dans un courant traditionnel, en tant que rabbine libérale dans la société. Elsa Guedj, qui porte, avec gravité et légèreté, la série sur les épaules, a d’ailleurs remporté le Prix de la Meilleure actrice de la Compétition française à Séries Mania 2025 : une récompense méritée. Alors, en pratique, est-il nécessaire d’être Juif pour apprécier Le Sens des Choses ? Absolument pas. En revanche, vous verrez à quel point cette série lumineuse réussit à convertir les épreuves de l’existence en philosophie de vie ; elle est très amène.
Le Sens des Choses
Comédie dramatique, 8 x 30 minutes (France)
À visionner sur la plate-forme Max (HBO).






