Petit guide du Juif errant

Noémi Garfinkel
Strabismes de Noémi Garfinkel
Partagez cette publication >

L’errance, chez les Juifs, c’est ce qui a conduit les Hébreux à suivre Moïse pendant 40 ans dans le désert, avant de s’établir dans le seul pays de la région dépourvu de pétrole et, il y a quinze ans, c’est encore elle qui a poussé des Israéliens à créer Waze, l’appli de guidage plébiscitée par 140 millions d’utilisateurs à travers le monde. En fait, avec le temps et l’expérience, on a bien compris comment transformer l’errance sans but des temps bibliques en itinérance : il suffit de faire semblant de savoir où on va, la chutzpah en étendard et le GPS en poche.

Aujourd’hui, avec la recrudescence de peste brune observée depuis le 7 octobre – dont la virulence ferait passer l’épidémie de Covid pour une vulgaire sinusite – les citoyens juifs se demandent où, finalement, il leur serait possible de vivre sans se cacher, sans subir de menaces de mort, sans croix gammée taguée sur leur immeuble, leur commerce ou dans la rue, sans que l’on tente d’incendier leur porte décorée d’une mezouza, sans agression dans les manifestations féministes, à la sortie de la synagogue, dans le train, à l’école ou à l’université, en bref, un pays, une région où il leur serait généreusement concédé de vivre peinards. Oh allez, même pas peinards : où il leur serait juste possible de vivre, sans que des crétins enragés ne les massacrent ni leur fassent le reproche mille fois éculé de posséder (les médias), contrôler (la finance), quand ce n’est pas d’empoisonner (les puits), d’assassiner (les enfants et/ou le Christ) ou bien encore, pour les plus délirants d’entre eux, de voler (les organes) ou de détourner l’énergie solaire dans le but de déclencher des feux de forêt à l’aide de lasers de l’espace pointés vers la Terre.

Si on voulait partir, contrairement au Covid, cette vilaine crise d’antisémitismite aiguë ne nous empêcherait pas de prendre l’avion. Enfin sauf si on faisait par mégarde – car qui voudrait s’y rendre de son plein gré ? – une escale au Daghestan. Entre exclusion d’emblée et régions en ballotage, on ne sait que choisir. L’Irlande du Nord ? Leur Première ministre est antisémite. L’Angleterre, qui héberge les plus grosses manifestations pro-Hamas en Europe ? L’Espagne, à la météo séduisante, mais au gouvernement aussi bas du front que le nôtre ? L’Afrique de l’Ouest ? Islamistes partout. L’Afrique du Sud ? C’est devenu compliqué. L’Afrique du Nord ? Tentant, mais attention, il y a un passif. L’Afrique de l’Est ? On a le choix entre pays ravagés par la famine et la guerre, et… l’Ouganda, qui compte une toute petite mais fantastique communauté juive. La Patagonie ? Les Argentins vont encore râler. La France ? Côté gastronomie et météo, il y a vraiment moyen de se faire plaisir. Politiquement, ça risque de chauffer en 2027. Si on quitte la Belgique à cause de l’extrême gauche rouge-verte, ce n’est pas pour se jeter dans les bras de l’extrême droite blonde platine. Restent, par élimination : les pays scandinaves (où chaque jour est une épreuve darwinienne en soi), la Suisse (si vous ne souhaitez aucune animation, ne cherchez pas plus loin), le Portugal et quand même, malgré tout, Israël.

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Découvrez des articles similaires

Le sentiment de solitude des étudiants juifs de l’ULB

Pour les étudiants juifs de l’Université libre de Bruxelles (ULB), l’année académique 2024-2025 débute comme s’est terminée l’année précédente, avec en toile de fond les actions des militants propalestiniens de l’« Université populaire de Bruxelles », ayant occupé le Bâtiment B durant six semaines. Les slogans et les mots d’ordre les plus problématiques sont devenus la norme, et le narratif du « génocide » à Gaza s’est banalisé sans le moindre questionnement. Une situation préoccupante pour les étudiants juifs.

Lire la suite »