Surréalisme, pour ainsi dire… organisée à l’occasion du centenaire de la parution du Manifeste du surréalisme d’André Breton met en valeur les collections du musée de Charleroi et trace les frontières incertaines de la photographie surréaliste au 20e siècle. Directeur du musée et commissaire de l’exposition, Xavier Canonne, auteur de la remarquable exposition Histoire de ne pas rire. Le surréalisme en Belgique à Bozar en début d’année, réaffirme sa connaissance intime de l’histoire surréaliste. L’exposition fait la part belle aux clichés de surréalistes belges, Magritte, Broodthaers, Paul Nougé, Marcel Lefrancq, Marcel Mariën, etc. Elle montre aussi des revues, livres ou catalogues qui furent longtemps le principal vecteur de diffusion de la photo surréaliste.
Man Ray (1890-1976), né Emmanuel Radnitzky, grandit dans le quartier de Williamsburg, à Brooklyn. Ses parents, Melach, tailleur, et Manya, couturière, ont fui la Russie. Il adopte le nom “Man Ray” pour se réinventer en artiste moderne américain, mais, son héritage juif transparaît dans certaines œuvres, comme Tapisserie (1911), faite de chutes de tissus de l’atelier de son père, ou L’Enigme d’Isidore Ducasse (1920), machine à coudre enveloppée d’une couverture. Alfred Stieglitz, galeriste et éditeur juif allemand, l’initie à la photographie. Il découvre l’avant-garde moderne à l’Armory Show (1913), s’associe à Marcel Duchamp, dont les ready-mades réinventent l’objet artistique, puis fonde Dada à New York. Arrivé à Paris en 1921, Man Ray rencontre Tristan Tzara, Juif roumain, figure centrale de Dada à Zurich, puis à Paris. Il contribue aux spectacles et manifestations dadaïstes de Tzara, avec ses créations visuelles et films expérimentaux, tel Le Retour à la raison (1923). Proche des surréalistes, devenu photographe de mode et publicitaire, auteur d’images iconiques comme Le Violon d’Ingres (1924) et Noire et Blanche (1926), Man Ray est aussi un portraitiste mondain en vogue. Il développe la technique des photogrammes, qu’il surnomme “rayographies”, et la solarisation, procédé qu’il redécouvre avec son assistante, Lee Miller. Exilé à Hollywood en 1940, il rencontre Juliet Browner, Juive roumaine, danseuse et modèle. Mariés, ils s’établissent à Paris (1951), où Man Ray continue à produire des œuvres influentes. Son œuvre, marquée par l’expérimentation, le jeu avec les formes et les frontières, et le questionnement des identités, est indissociable de son rapport complexe au judaïsme.
Fondane, Man ray, Nathan Lyons…
Surréalisme, pour ainsi dire… montre une photo de Benjamin Fondane, poète et philosophe juif roumain, ami de Man Ray et assassiné à Auschwitz en 1944. Arrivé à Paris en 1923, Fondane rencontre Tzara et s’intègre au milieu intellectuel français, mais se démarque par sa méfiance des écoles et des idéologies. Il entretient des rapports étroits avec la photographie à travers ses liens avec le milieu surréaliste, en particulier avec Man Ray, dont les images illustrent certains de ses écrits. Parmi les auteurs plus récents, montrés dans l’exposition, Nathan Lyons (1930-2016), Juif new-yorkais, photographe de l’armée américaine dans la guerre de Corée. Conservateur, puis directeur adjoint du musée George Eastman, il fonde le Visual Studies Workshop, centre indépendant pour l’étude de la photographie et des médias visuels. Partisan d’une “littératie visuelle”, Lyons encourage de nouvelles générations de photographes à questionner la manière dont l’image peut transformer notre vision de la culture contemporaine et des conflits sociaux.
Exposition : Surréalisme, pour ainsi dire…
Musée de la Photographie Charleroi, jusqu’au 26 janvier 2025
11 avenue Paul Pastur, 6032 Mont-sur-Marchienne
Mardi-vendredi 9-17h, samedi-dimanche 10-18h
www.museephoto.be