Le pari était d’organiser ce voyage pour un public divers et varié, Juifs et non Juifs, jeunes et moins jeunes, d’horizons professionnel différents, enseignant, médecin, indépendant, retraité…avec des motivations diverses, certains ayant une histoire familiale en lien avec Auschwitz-Birkenau, d’autres aucune. Chacun ayant des motivations différentes. « Visiter le pavillon belge, voir l’endroit où de nombreux membres de ma famille ont été déportés et me recueillir sur le lieu où ils ont péri. C’est une chance de faire ce voyage avec Laurence Schram, grande spécialiste du sujet », exprime Liliane. « Mes deux grands-mères ont été déportées, une n’est pas revenue », dit Marc. « C’est un lieu de mémoire que j’ai toujours désiré visiter, un lieu incontournable… pouvoir se rendre compte à quel point nous avons la chance de pouvoir vivre la vie que nous vivons », insiste David. « Cela faisait vingt ans que je voulais faire ce voyage, mais pas seule. Je pense que je dois faire ce voyage pour la mémoire des miens et des autres, même si cela sera très dur », constate Alina. « Je le vois comme une obligation morale de visiter un des lieux les plus « épouvantable/répréhensible » de notre histoire récente », témoigne Ronald.
Tous les participants avaient déjà une bonne connaissance du sujet, mais la séance préparatoire avec Laurence Schramm a permis d’éclaircir certains points et notamment la distinction entre camp de concentration et centre de mise à mort. Distinction un peu compliquée pour Auschwitz-Birkenau qui est à la fois composé de plusieurs camps de concentration et d’un centre de mise à mort. Laurence a aussi insisté sur le fait que la majorité des Juifs déportés à Auschwitz sont immédiatement amenés dans les chambres à gaz. Seule une minorité étant internée dans les camps de concentration.
Ghetto de Cracovie
Le premier jour du voyage a été consacré à la visite du ghetto de Cracovie, ghetto dont il ne reste que très peu de traces, de petits morceaux de mur, deux plaques commémoratives et une œuvre artistique, 68 chaises hautes, symbolisant les 68.000 Juifs de Cracovie et des environs passés par le ghetto et ensuite déportés. Ce quartier comptait 3.000 habitants polonais que l’on a déplacé et remplacé par 16.000 Juifs qui y vivaient entassés et ensuite déportés pour céder la place aux nouveaux arrivants.
Il est difficile d’imaginer ces familles juives à plusieurs dans un appartement avec pratiquement aucuns moyens de subsistance. Le ghetto est liquidé les 13 et 14 mars 1943. Cette visite était un exemple de l’éradication du judaïsme polonais. Un peu partout en Pologne le processus a été le même, concentration des Juifs dans des ghettos avant de les déporter.
Le lendemain était consacré à la visite guidée d’Auschwitz par une excellente guide polonaise et par Laurence Schram pour la visite du pavillon belge à la réalisation duquel elle a participé sous la houlette de Maxime Steinberg. Ensuite la visite, trop courte selon certains participants, de Birkenau. Ce qui frappe d’abord, lors de la visite de Birkenau c’est l’immensité du camp et ensuite l’espace relativement restreint qui se trouvait en dehors du camp où ont été gazés plus d’un million de Juifs et de Tziganes. Nous avons eu la chance de bénéficier des explications historiques de Laurence Schram et de la guide polonaise. Il y a eu des moments de recueillement, la récitation très émouvante du Kaddish par Marc pour sa grand-mère disparue à Birkenau, d’autres ont discrètement déposé une pierre à un endroit symbolique, en mémoire d’un membre de leur famille disparu.
Cette visite a été suivie en soirée par un échange indispensable sur le ressenti et les impressions de chacun. Certains se posent parfois la question de l’utilité ou de la nécessité de visite des lieux de mémoire et plus particulièrement à Auschwitz-Birkenau. La réponse est unanimement positive de la part des participants au voyage et cela à deux conditions : Être accompagné d’un(e) bon(ne) historien(ne) et de le faire en groupe. Ces deux conditions étaient réunies. Le témoignage d’Alain parmi d’autres : « Laurence, ta rigueur d’historienne a permis de poser un cadre pour ces trois jours, garant de ce que nous pouvions y déposer nous, pour moi c’est le cas, et de pouvoir penser, élaborer ce que nous avons vus et entendus. Ce voyage est pour moi un succès parce qu’il laisse une empreinte ».
Public diversifié
C’était effectivement un pari d’organiser ce voyage avec un public diversifié. Ce fut indéniablement un pari réussi si l’on s’en tient aux témoignages des participants. « Ce soir, nous sommes encore « groggys » émotionnellement par ce que nous avons vécus, mais nous tenons aussi à remercier chaleureusement tous les membres du groupe car, partis en ordre dispersé sans trop nous connaître, c’est un groupe bien soudé qui est revenu, chacun attentif à l’autre, mais tous marqués par cette dure expérience…ce sont de belles personnes qui sont revenues de Birkenau, certainement meilleures qu’avant…merci à vous tous…Nous remercions aussi Laurence pour son érudition, son dévouement et son humour qui a détendu l’atmosphère quand c’était nécessaire », conclut Hynda. Ce que confirme Marie lorsqu’elle souligne que « Les rencontres parmi vous tous, la gentillesse, la connaissance, la bienveillance, le respect de chacun ont fait de ce voyage un souvenir qui restera gravé dans ma mémoire et qui a apporté à celui-ci un sens tout différent, une certaine humanité dans un lieu représentant la souffrance, la destruction et la mort ».
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Un passé qui passe difficilement en Pologne
Depuis une vingtaine d’années, une nouvelle école historique sur la Shoah est née en Pologne, qui a pris pour objet, entre autres, l’étude des relations de la population polonaise non juive avec les juifs persécutés par les Allemands. Les chercheuses et les chercheurs de cette école ont créé un centre, le Centre de recherche sur la Shoah, dirigé par la professeure Barbara Engelking, sis auprès de l’Académie des sciences de Pologne, la plus haute instance scientifique de ce pays. La production de cette équipe est remarquable : en vingt ans, ils ont publié des dizaines d’ouvrages (dont certains sont traduits en français), ils ont créé une revue de niveau international et leurs travaux sont reconnus par les plus hautes instances scientifiques du monde entier. Mais, depuis l’avènement du gouvernement nationaliste en 2015, ce centre de recherche ne cesse d’être attaqué par les autorités polonaises, qui veulent promouvoir une image exclusivement héroïque de la Pologne.
Cet effort historiographique heurte souvent de front une opinion publique souvent réticente, parce qu’elle se voit forcée à “accepter que le peuple polonais n’ait pas seulement joué dans l’histoire le rôle de la victime, mais parfois aussi celui du persécuteur ».
La vie des juifs dans la Pologne de l’après-guerre est un autre chantier qui dérange, parce qu’il met en évidence l’antisémitisme du pouvoir communiste autant que celui des nationalistes. A côté d’une jeune Française, Audrey Kichelewski, qui travaille sur la place des juifs dans la société polonaise avant leur dernière expulsion, en 1968 (13 333 sur les 25 000 juifs qui restaient), Bozena Szaynok, de l’université de Wroclaw, effectue des recherches sur les pogroms de l’après-guerre, notamment ceux de Kielce (quarante-deux victimes, dont des femmes et des enfants) et de Cracovie. “Ce n’est qu’à partir des années 1990 qu’il a été possible de parler et de publier sur ces événements”, souligne-t-elle.
Récemment, au cours d’une émission sur TVN, la première chaîne privée en Pologne, consacrée au 80e anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, Barbara Engelking, interrogée sur le comportement de la population polonaise pendant l’insurrection, a signalé que les juifs enfermés s’attendaient à plus d’aide du côté polonais et que l’absence de soutien soulignait leur grande solitude. Ses paroles, pourtant mesurées, ont suscité un tollé du côté gouvernemental. Le premier ministre, le ministre de l’éducation nationale et d’autres acteurs de ce camp envisagent ni plus ni moins que d’imposer dans l’espace public une « politique historique » patriotique qui ne ferait aucune place à une recherche critique. Ils entrevoient la possibilité de sanctions professionnelles et financières à l’égard de Barbara Engelking et de son centre. Le ministre polonais de l’éducation nationale, Przemyslaw Czarnek, a prononcé cette phrase qui, en assimilant la critique historique à l’insulte, met en question la liberté d’expression : « Je réviserai mes décisions financières car je ne financerai pas à plus grande échelle un institut qui entretient ce genre d’individus qui insultent tout simplement les Polonais ».
Très bonne initiative , surtout si des non-juifs sont présents .Il faut effectivement que ce voyage se fasse en groupe avec des accompagnateurs pouvant donner des explications.
Mais je constate que malheureusement, à première vue, le parallèle n’est pas fait avec des pays ou organisations qui actuellement annoncent ouvertement qu’ils veulent détruire l’Etat juif, avec le fait que presque tous les pays du monde votent systématiquement contre Israël à l’ONU, avec le fait que seuls 5 pays ont lors d’un récent vote osé dire qu’ Israël n’est pas un pays d’apartheid.
En résumé, lors de la Shoah, les Juifs étaient très seuls et actuellement l’Etat juif est également très seul. Chaque fois qu’on parle de la Shoah, il faut parler de ce qui se passe actuellement.
Pour pleurer et parler des Juifs morts, il y a du monde mais pour soutenir les Juifs vivants, il y a très peu de candidats. Circulez, il n’y a rien à voir.