L’occupation du bâtiment B du campus du Solbosch de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) par des activistes propalestiniens a pris fin le 25 juin. Elle aura duré 7 semaines. A la suite de l’évacuation des activistes par la police, de nombreuses dégradations ont été constatées : murs taggués, sol, plafond, mobilier et écrans endommagés. Les réparations sont estimées entre 500 et 700 000 €. Ce saccage contraste avec un mouvement présenté comme pacifique et démocratique d’étudiants indignés par les violences à Gaza.
Un mouvement étudiant spontané ?
Le récit d’une occupation spontanée, démocratique et non violente a été repris par la Ligue de l’Enseignement et de l’Éducation permanente belge qui présente sur son site l’interview d’un occupant de l’ULB :« « Le mouvement est né d’une impulsion étudiante face au génocide en cours en Palestine et à l’inaction des autorités académiques », commence à nous expliquer cet étudiant en philosophie, passionné par la pensée de Gilles Deleuze. ‘‘Bien qu’issue d’une pluralité de traditions politiques, notre moteur est la discussion : nous sommes à la recherche de la démocratie la plus horizontale’’. »
C’est aussi le récit du Parti Socialiste de Lutte, qui explique que tout a commencé par des échanges sur les réseaux sociaux entre des étudiants américains et européens : « des jeunes manifestent quelque part dans le monde et d’autres leur emboitent le pas spontanément ailleurs ».
Même son de cloche de la part de la CGSP Enseignement Recherche et de l’Union syndicale étudiante. Dans un courriel adressé le 22 mai à l’ensemble de la communauté universitaire de l’ULB, ils défendent les occupants et affirment que « ces derniers et dernières expérimentent une autre manière de vivre ensemble, inspirée par des principes de démocratie directe dont nos Autorités pourraient être fières. »
De même, le Comité de soutien de l’ULB à l’occupation étudiante écrit dans une carte blanche : « le comité de soutien à l’occupation a témoigné à plusieurs reprises de la qualité démocratique des débats organisés et de la lutte des occupant·es contre toute forme de racisme et de discrimination. »
Ces récits ne cadrent guère avec la description faite par la rectrice de l’ULB d’occupants masqués, refusant toute discussion ou compromis. Des occupants exigeant l’annulation d’une conférence sur le conflit israélo-palestinien impliquant l’historien Eli Barnavi au motif qu’il aurait été « l’ancien ambassadeur de l’entité coloniale israélienne ». Des occupants organisant des opérations de lancer de poubelles sur le rectorat de l’ULB et de taggage du restaurant universitaire. Des occupants accusant sur leur site Instagram les professeurs ayant rédigé une carte défendant la liberté académique d’être des « auteurs d’extrême droite » et des « sionistes, fascistes et racistes ».
Plus lucide concernant les occupants de son université, le recteur de l’UCLouvain affirme :
« il s’agit d’un mouvement international. Il porte le même nom quel que soit le pays. Chez nous, il y a des étudiants, mais également des externes. Ce mouvement est très bien organisé, structuré. Et donc vraisemblablement, oui, il y a un courant derrière. »
Des « personnes extérieures » qui seraient là « pour accompagner » ont également été observées à l’ULB.
Un mouvement international coordonné
A l’ULB, l’occupation a été organisée par une mystérieuse Université Populaire de Bruxelles (UP), dont on ne sait pas grand-chose si ce n’est qu’elle utilise une rhétorique marxiste et qu’elle entretient des relations avec l’organisation Samidoun. Fondée en 2011, Samidoun se présente comme un simple réseau international de solidarité avec les prisonniers palestiniens. Mais cette organisation est suspectée de soutenir la politique et les actions du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) ainsi que du mouvement islamiste Hamas, tous deux classés comme organisation terroriste en Europe. Le Hamas encourage d’ailleurs publiquement les activités de Samidoun en Belgique.
Selon l’Organe de Coordination pour l’Analyse de la Menace (OCAM), « Samidoun est un réseau extrémiste de gauche, mu par une idéologie qui ne désapprouve pas l’usage de la violence, et qui possède des liens avec des organisations terroristes » (OCAM, Insight, N°18, 2024).
L’inscription de Samidoun sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne a fait l’objet d’une question parlementaire le 18 octobre 2023. En Allemagne, les activités de Samidoun ont été interdites depuis le 2 novembre 2023 par la ministre fédérale de l’Intérieur Nancy Faeser en raison du soutien public de Samidoun au massacre du 7 octobre perpétré par le Hamas : « Avec le Hamas, j’ai aujourd’hui complètement interdit les activités d’une organisation terroriste qui vise à détruire l’État d’Israël. En tant que réseau international, Samidoun a diffusé une propagande anti-israélienne et anti-juive dans divers pays sous le couvert d’une « organisation de solidarité » pour les prisonniers. Samidoun a également soutenu et glorifié diverses organisations terroristes étrangères, dont le Hamas. L’organisation de célébrations spontanées ici en Allemagne en réponse aux terribles attaques terroristes du Hamas contre Israël montre la vision du monde antisémite et inhumaine de Samidoun d’une manière particulièrement dégoûtante ».
Les liens de l’UP avec Samidoun sont évidents. Le premier communiqué de presse de l’UP en date du 6 mai a été publié sur la plateforme de Charleroi pour la Palestine. Celle-ci a été créé en 2009 et est membre du réseau Samidoun (OCAM, Insight, N°18, 2024) dont elle relaye activement toutes les activités. L’UP a organisé dans le bâtiment occupé de l’ULB une « Conférence sur l’histoire de la résistance en Palestine » impliquant Khaled Barakat le 20 mai et une « Conférence sur l’histoire des Mouvements étudiants en Palestine » avec Mohammed Khatib le 21 mai.
Barakat est porte-parole de Samidoun pour le Canada et Khatib est coordinateur de Samidoun pour l’Europe. Barakat (cfr arrêt du 11.03.2022 du Tribunal administratif de Berlin), et Khatib sont tous deux réputés proches du FPLP et promeuvent sa politique visant à abolir par la violence l’État d’Israël. Il est donc peu probable que les cours d’histoire qui furent délivrés aux étudiants lors de ces conférences aient été impartiaux, respectueux des faits et dignes d’une université.
Le 18 juillet, l’UP a également témoigné sur son Instagram de son soutien à Samidoun et en particulier à Khatib car ce dernier est menacé de perdre son statut de réfugié en Belgique en raison de son classement comme « prédicateur de haine » par l’OCAM.
La liberté d’exprimer des points de vue et de débattre est essentielle dans une démocratie. Mais on peut s’inquiéter du fait que des acteurs étrangers promouvant des organisations terroristes comme le FPLP et le Hamas manipulent ces débats et instrumentalisent les étudiants pour servir leurs propres buts.
L’implication de Samidoun dans l’occupation des universités belges explique pourquoi les étudiants s’enflamment subitement pour Gaza alors qu’ils ne se sont pas mobilisés lors des autres conflits qui ont marqué l’actualité ces dernières années. La guerre au Tigré dans le nord de l’Éthiopie, par exemple, aurait fait depuis 2020 plus de 600 000 morts… sans susciter la moindre indignation ou mobilisation étudiante sur nos campus.
Une banalisation des discours et des actes radicaux
Durant l’occupation, l’UP a fait sans équivoque la promotion de la lutte armée. Le bâtiment occupé avait été rebaptisé du nom de « Wallid Daqqa », un terroriste condamné en Israël pour l’assassinat d’un soldat israélien. Les occupants avaient également affiché sur sa façade diverses banderoles pouvant être interprétées comme des apologies du terrorisme. L’une représentait une femme palestinienne armée d’une kalashnikov. Une autre proclamait « Glory to the martyrs », ce qui est souvent compris comme une apologie du terrorisme. Une autre encore réclamait la liberté pour Georges Ibrahim Abdallah, un terroriste libanais condamné à la perpétuité en France pour complicité dans l’assassinat de diplomates. Enfin, le slogan « Free Palestine from the river to the sea », qui peut être interprété comme un appel à la destruction de l’État d’Israël, avait été taggué sur les murs du bâtiment. Dans ce contexte, il n’est guère surprenant que plusieurs agressions à caractère antisémite aient été rapportées sur le campus.
Une lettre ouverte adressée à la rectrice de l’ULB Annemie Schaus le 27 mai, signée par 45 académiques s’inquiétant des discours radicaux des occupants et de la présence d’une organisation comme Samidoun sur le campus, est restée sans effets.
La gestion de cette occupation par les autorités académiques de l’ULB interpelle. Quel sera l’impact sur les étudiants de cette banalisation des discours incitant à la violence ? L’université peut-elle rester un lieu de formation, d’échanges et de débats intellectuels si les discours et les actions incitant à la violence y sont tolérés ?
Le contenu de la présente carte blanche a été soumis à quatre journaux belges francophones qui l’ont tous refusée. La Libre et L’Echo n’ont pas donné d’explication à leur refus. Pour Le Soir et Le Vif, les liens entre les représentants de Samidoun et les mouvements terroristes FPLP et Hamas n’étaient pas factuels. Ces liens ont pourtant été amplement documentés par la justice allemande et l’OCAM.
Collectif de signataires :
Eric Muraille, Professeur, Directeur de Recherches FNRS, Faculté de Médecine, ULB
Philippe Golstein, Professeur, Faculté de Médecine, ULB
Alexandre Peltier, Professeur, chef de service urologie Institut Jules Bordet
Alice Ferster, MD, Faculté de Médecine, ULB
Anais Mungo, Maître d’enseignement et doctorante, Faculté de médecine, ULB
Déborah Konopnicki, Maitre de Stage ULB en Médecine Interne, CHU Saint Pierre
Decio L. Eizirik, Professeur émérite, Faculté de Médecine, ULB
Denis Larsimont, Professeur, Faculté de Médecine, ULB
Elie Motulsky, Professeur, Faculté de Médecine, ULB
Françoise Weil, ex-conseillère adjointe à la Direction du Service de Psychiatrie, CHU Brugmann
Freddy Avni, Professeur émérite, Faculté de Médecine, ULB
Hugues Gregoir, Maître de Conférences, Faculté de Médecine, ULB
Isabelle Loeb, Professeur, Faculté de Médecine, ULB
Jacques Kummer, Professeur émérite, École de Santé publique, ULB
Jean-Luc Vandenbossche, Professeur émérite, Faculté de Médecine, ULB
Jérôme de Brouwer, Professeur, Faculté de Droit et de Criminologie, ULB
Joel Kotek, Professeur émérite, Faculté de Philosophie et Sciences sociales, ULB
Joëlle Margaux, Chef de Clinique Adjoint Service de Rhumatologie, Hôpital Erasme
Laurent Crenier, Professeur, Faculté de Médecine, ULB
Léon Brenig, Professeur émérite, Faculté de Sciences, ULB
Miriam Cnop, Professeur, Faculté de Médecine, ULB
Nicolas Dauby, Maitre de Conférence, Faculté de médecine, ULB
Olivier Michel, Professeur, Faculté de Médecine, ULB
Philippe Lebrun, Professeur émérite, Faculté de Médecine, ULB
Philippe Mauchard, Professeur, Faculté Solvay Brussels School, ULB
Pierre Mertens, écrivain, académicien, maître de conférences honoraire ULB
Stéphane De Wit, Chef de service honoraire Maladies Infectieuses, CHU St Pierre
Stéphane Louryan, Professeur émérite, Faculté de Médecine, ULB
Véronique Kruys, Professeur, Faculté de Sciences, ULB
Yves Carlier, Professeur émérite, Faculté de Médecine, ULB
Bravo aux signataires de cette carte blanche qui donne des informations précises.
Je reste sans voix quant au refus des journalistes de la publier.
Je suis déçue par la direction de mon ancienne université.
Un goût amer.