Sous l’égide de l’Atlantic Middle East Forum (AMEF) et de la Fondation Jean-Jaurès, l’ancien Premier ministre israélien et l’ex-ministre palestinien des Affaires étrangères relancent l’idée d’une solution à deux États.
Une lueur d’espoir dans le marasme actuel. Mi-juin, à la Fondation Jean-Jaurès, l’Atlantic Middle East Forum (AMEF), laboratoire d’idées cofondé par deux jeunes chercheurs, David Khalfa et Yasmina Asrarguis, lançait son initiative destinée à redessiner les contours du processus de paix israélo-palestinien. Au programme ? La relance de la solution à deux États et une discussion stratégique introduite par plusieurs grands témoins : l’ancien Président François Hollande, le Premier ministre Jean-Marc-Ayrault et Jack Lang, actuel président de l’Institut du Monde Arabe. À la tribune, ce sont deux hommes relativement isolés au sein de leurs camps respectifs qui jouent, de concert, une jolie partition. D’une part l’Israélien Ehoud Olmert, ancien maire de Jérusalem et Premier ministre. De l’autre, le Palestine Nasser al-Qidwa, neveu de Yasser Arafat, cadre historique du Fatah et ancien ministre des Affaires étrangères. Ensemble, les deux hommes maintiennent vaille que vaille l’espoir ténu d’un règlement négocié du conflit israélo-palestinien, au moment même où l’Iran pilonne l’Etat hébreu tandis que la guerre fait toujours rage dans la bande de Gaza. Leur enjeu ? « Préparer l’après » qui, à les entendre, pourrait arriver plus tôt qu’on ne le pense…
Leur feuille de route, si elle n’est pas inédite, n’en demeure pas moins inventive et courageuse. Dans le détail, celle-ci reprend les frontières de 1967 et inclut le retrait de l’armée israélienne de Gaza, la libération des otages israéliens et de prisonniers palestiniens, la tenue d’élections générales dans les territoires palestiniens dans un délai de 24 à 36 mois ainsi qu’un échange de territoire. Le territoire, un enjeu évidemment clé à l’heure où les questions liées aux frontières et à leur préservation enflamment plus que jamais le Proche-Orient. « Nous envisageons l’annexion par Israël d’une portion de territoire à convenir égale à 4,4 % de la Cisjordanie, en échange d’un territoire de taille égale à donner aux palestiniens qui permettrait de construire un corridor reliant la Cisjordanie et Gaza », explique Olmert. Dans le détail, Israël annexerait les principales colonies juives en Cisjordanie, notamment certaines zones autour de Jérusalem tandis qu’en contrepartie, un territoire israélien de superficie équivalente serait cédé au futur Etat palestinien. Deux heures durant, Al-Qidwa et Olmert, en architectes volontaires d’une géopolitique complexe, racontent leurs expériences respectives et leur volonté commune : « Il va falloir se résoudre à imaginer la suite ensemble ».
Avec audace et sans crainte
Du Vatican à Paris, malgré la fragilisation de la solution à deux États depuis le 7-Octobre et le conflit à Gaza qui se transforme en catastrophe humanitaire, les deux anciens ministres promeuvent leur plan de paix partout où ils le peuvent. Un numéro bien ficelé, qui fait du bien à entendre alors que les bombes pleuvent et le bilan humain s’alourdit chaque jour un peu plus. D’aucuns opposent à cet optimisme fervent des arguments réalistes : en Israel comme en Palestine, on a soif de revanche, pas de concorde. Et sur le plan international, force est de constater qu’aucun médiateur n’est parvenu à concilier les deux parties, ni les États-Unis de Trump ni l’Arabie Saoudite et le Qatar et encore moins l’Union Européenne. Pourtant, le duo assure qu’il y existe une volonté et même un chemin si tant est qu’on lui permet de s’exprimer : « Dans nos sociétés, en Israël et en Palestine, il est malheureusement trop commun d’ostraciser et de disqualifier tout politicien qui sort du consensus confortable, par des moqueries et des critiques extrêmes » déplore al-Qidwah. « En temps de guerre, le consensus se rallie autour du drapeau, et toute déviation du soutien absolu à l’effort de guerre est assimilée à une trahison. » Olmert poursuit : « Avancer dans la direction d’un changement radical de cap est perçu comme une capitulation, comme une victoire de l’autre camp. Mais la véritable épreuve du leadership n’est pas de suivre l’opinion publique, ni de guider ses paroles par des sondages, mais plutôt de déterminer la meilleure voie stratégique pour l’avenir de sa nation et de la présenter avec audace et sans crainte. Je suis la preuve vivante qu’un homme peut changer, humainement et politiquement et dire ‘‘ça suffit !’’ quand il estime que l’heure est grave et commande un autre type d’actions. » Ne reste plus qu’à mettre en pratique ce qui semble tenir sur le papier.






