Tour à tour caricaturiste, illustrateur et artiste moderne, Saul Steinberg a marqué le XXe siècle par son trait ironique et poétique. De ses débuts milanais à ses collaborations avec The New Yorker, jusqu’à la monumentale fresque The Americans conçue pour l’Exposition universelle de 1958, il a su transformer le dessin de presse en véritable art visuel, mêlant humour, critique sociale et avant-garde. Les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB) exposent jusqu’au 19 octobre 2025 l’œuvre monumentale oubliée ce cet artiste inclassable.
Né en 1914 dans une famille juive en Roumanie, passionné de dessin dès l’enfance, Saul Steinberg part étudier l’architecture à Milan. Il y publie ses premiers dessins de presse. Après l’adoption des lois raciales de 1938, il parvient à émigrer aux États-Unis. Mobilisé dans l’armée américaine, il réalise des affiches et dessins de propagande. Devenu l’un des collaborateurs phares du magazine The New Yorker, il s’affirme comme dessinateur de presse, mais se définit comme « écrivain qui se sert de lignes au lieu de mots ». Son trait minimaliste se charge de symboles, d’ironie et de critique sociale. Ses expositions, au MoMA dès 1946, puis dans des galeries européennes, confirment sa réputation d’artiste novateur, respecté des peintres de l’École de New York, tels Rothko et De Kooning. Là où la plupart des caricaturistes et illustrateurs ne sont connus que d’un public de lecteurs fidèles, il impose le dessin comme une véritable forme d’art moderne. Ses « caricatures » du New Yorker, sont exposées comme des œuvres autonomes, capables de dialoguer avec l’avant-garde picturale.
Regard d'immigrant sur le mode de vie américain
Invité à collaborer au pavillon américain de l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958, Steinberg conçoit The Americans, fresque de 3 mètres de haut et 73 mètres de long, constituée de panneaux imprimés auxquels il ajoute des collages de matériaux divers (papier kraft, emballages, pages de Sunday comics), travaillant sur place en même temps que sont construits les stands du pavillon américain. The Americans porte un regard ironique sur le mode de vie américain des années 1950 et forme le décor des défilés de mode quotidiens qu’organise le magazine Vogue au cœur du pavillon. Le regard d’immigrant de l’artiste sur le mode de vie américain est humoristique et réaliste, évoquant la culture automobile triomphante d’après-guerre, le développement urbain, le conformisme de la culture d’entreprise et l’aliénation de la société de masse.

Exposition : Saul Steinberg : The Americans, jusqu’au 19 octobre 2025
Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB) ; Ma-Ve 10-17h, Sa-Di 11-18h
3 rue de la Régence, 1000 Bruxelles
Fondation Saul Steinberg https://saulsteinbergfoundation.org
À la clôture de l’Exposition, les responsables du pavillon américain tentent en vain de trouver un musée américain prêt à accueillir l’œuvre, finalement acquise par l’État belge et découpée en 84 morceaux pour pouvoir être déplacée. Faisant partie des collections des MRBAB, The Americans a rarement été exposé au public, vu son format imposant et sa fragilité. La technique de Steinberg, mêlant collages, dessins à l’encre et papiers découpés, confère à l’œuvre une texture et une richesse visuelle uniques. Seul le musée Ludwig de Cologne l’a montrée dans sa totalité en 2013.
L’exposition aux MRBAB présente trois des huit grands panneaux thématiques. Le premier panneau, Downtown–Big City figure le quartier d’affaires d’une métropole, peuplée de figures très stylisées de passants anonymes. En arrière-plan, des gratte-ciels, un pont monumental, une voie automobile et le port. Cocktail Party montre des figures féminines et leurs conversations mondaines. Main Street–Small Town, représente la rue principale d’une petite ville américaine avec des objets iconiques de la vie américaine, tels le jean et Le Journal de Mickey. Ces trois panneaux, récemment restaurés grâce au soutien de la Maison Delvaux, ont été utilisés en toile de fond lors d’une présentation de Delvaux à la Fashion Week de Paris en mars dernier.
Et si vous manquez l’occasion de découvrir ce chef-d’œuvre aux MRBAB, visitez le site Internet de la Fondation Saul Steinberg et explorez l’art incomparable de ce grand artiste du XXe siècle.





