07/10/2025
Regards n°1119

Un été grec au rythme des incidents anti-israéliens

Entre vandalismes antisémites, manifestations hostiles et agressions visant des touristes, l’été 2025 en Grèce a été marqué par une recrudescence d’actes dirigés contre les Juifs et les Israéliens. Alors que le Conseil central des communautés juives alerte sur la banalisation d’un climat de haine, chercheurs et témoins soulignent la persistance d’un antisémitisme enraciné, désormais attisé par la guerre à Gaza et amplifié par les réseaux sociaux.

Dans un communiqué du 19 juin, le Conseil central des communautés juives de Grèce s’inquiète face à la recrudescence d’actes de vandalisme antisémite à Larissa, Thessalonique, Volos. Le Conseil considère que « la critique du gouvernement israélien, aussi sévère soit-elle, ne constitue pas un comportement antisémite », mais dénonce les discours de haine qui font des citoyens israéliens « des meurtriers, des nazis et des personnes indésirables en Grèce », mettant ainsi en danger tous les Juifs, grecs ou étrangers, qui habitent ou visitent le pays.

Dans son enquête sur l’antisémitisme en Grèce publiée en 2024 par la revue K, Sofia Christoforidou note que « l’antisémitisme fait partie intégrante du paysage social grec ». Les enquêtes récentes révèlent en effet l’ignorance d’une majorité des Grecs sur l’histoire de la Shoah et leur méconnaissance des conflits au Moyen-Orient : beaucoup jugent que « les Israéliens se comportent comme des nazis à l’égard des Palestiniens ». Elle cite le cas de figure d’une fresque commémorant la déportation des Juifs, réalisée en 2021 à Thessalonique, et aussitôt vandalisée par des militants du parti néo-nazi de l’Aube Dorée, qui récidivent en janvier 2023. « Une fois de plus, une croix gammée est apparue, mais cette fois-ci, sans les initiales de l’Aube dorée ; au lieu de cela, c’était l’étoile de David qui était assimilée au symbole nazi. En outre, des slogans tels que ‘‘Free Gaza’’ et ‘‘Jews=Nazi’’ ont été écrits », précise-t-elle.

Le panorama des incidents de cet été grec confirme le malaise. Le 12 juillet au soir, au King David Burger, fast-food casher israélien, ouvert en mai dernier à Athènes, place Monastiraki, un groupe d’individus masqués vandalise le lieu et menace les employés. Le King David Burger rouvre aussitôt, mais les clients ne peuvent pas consommer son repas sur place. Le 22 juillet à Syros, île des Cyclades, le bateau de croisière Crown Iris, chargé de touristes israéliens, est accueilli par une manifestation contre le « génocide » à Gaza. Le capitaine du navire annule l’escale. Des manifestations visant ensuite ce même vaisseau, à Rhodes et en Crète, sont dispersées par la police et ses passagers débarquent. Le 10 août, une « Journée d’action sur les îles et les destinations touristiques » est organisée par des groupes pro-Palestine (March to Gaza Greece, BDS Greece, etc.) manifestant contre la venue en Grèce d’Israéliens « génocidaires »[3]. Le 13 août, nouvelle manifestation pour l’arrivée du Crown Iris à Volos, où la forte présence policière permet l’escale.

Local d’un groupuscule marxiste- léniniste proche des ruines du château de Volos dans la vieille ville. ©Roland Baumann

Violences

L’hostilité aux touristes israéliens s’exprime aussi par des violences. Au petit matin du 23 juillet, sur l’île de Rhodes, de jeunes Israéliens sortant d’une discothèque sont identifiés et agressés physiquement par d’autres jeunes. Le 25 juillet, sur une plage près d’Athènes, un touriste israélien, qu’accompagne sa femme, est attaqué et blessé par un syrien vociférant « Free Palestine » et « I am Hamas ». Le 14 septembre, place Syntagma à Athènes, devant le parlement et le monument au Soldat Inconnu, un Israélien de 29 ans est blessé dans une altercation avec trois jeunes Palestiniens portant des drapeaux dont ils utilisent les hampes pour le frapper.

Depuis le 7-Octobre, des militants palestiniens sont souvent présents avec drapeaux et banderoles de slogans en ce lieu de passage des manifestations politiques et attraction favorite des touristes qui viennent y voir la relève de la garde des Evzones.

Action symbolique de fin d’été, ce vendredi 19 septembre des militants du Parti communiste grec (KKE) et de sa jeunesse (KNE) déploient deux énormes banderoles du haut de la colline de l’Acropole, affichant en grec et en anglais : « Stop the genocide », « No cooperation with the murderous state of Israel » et « Free Palestine ». Site pourtant très sécurisé, l’Acropole a été le théâtre d’actions similaires, menées par le KKE et d’autres organisations, comme le 12 mai 2022 contre l’accord de défense entre la Grèce et les États-Unis. Ce même 19 septembre, rue Evripidou, l’Assemblée ouverte antisioniste (Open Anti-Zionist Assembly) manifeste devant l’hôtel Anise-Aluma, un des quatre hôtels opérés à Athènes par la chaîne Aluma, propriété du groupe Isrotel. Les activistes pro-Palestine sont bien informés, comme le confirme les propos de ce militant propalestinien : « La Grèce est depuis longtemps une destination prisée des touristes israéliens qui affluent chaque été pour passer leurs vacances sur les îles du pays. Selon les données de l’Institut de la Confédération grecque du tourisme (INSETE), quelque 621 000 Israéliens ont visité la Grèce en 2024, générant 419 millions d’euros de recettes, soit une augmentation de 55 % par rapport à 2023. »[1] L’activisme anti-israélien à Athènes a créé des tensions entre l’ambassadeur d’Israël en Grèce, Noam Katz, et le maire d’Athènes, Haris Doukas, élu du PASOK, qui a vivement critiqué la guerre d’Israël contre Gaza.

Silence des autorités locales

Les réseaux sociaux donnent un énorme écho à ces actions : après une manifestation devant l’ambassade d’Israël d’Athènes le 26 août au soir, une vidéo publiée sur Instagram, Facebook, YouTube montre un militant cagoulé tirant des feux d’artifice sur l’ambassade et un drapeau israélien brûlé. Le lendemain, l’historien grec Anastasio Karababas déclare sur i24 News que cet incident « peut être considéré comme une attaque » et dénonce le silence des autorités locales. Le local du collectif anarchiste Rouvikonas (« Rubicon »), place Exárcheia est une vitrine de l’hostilité aux « Israéliens génocidaires ». Le 1er juin, lors d’une manifestation surprise devant l’ambassade d’Israël, 57 militants de Rouvikonas sont arrêtés par la police. Le 11 juillet, le collectif annonce des « promenades palestiniennes » (Palestinian Strolls) dans des lieux très touristiques du centre d’Athènes. Les participants portent des T-shirts noirs arborant le drapeau palestinien. Aussitôt diffusée sur les réseaux et dénoncée comme antisémite par des commentateurs et responsables du gouvernement grec, cette action reste sans lendemain. Seules deux photos publiées d’un groupe de militants aux visages effacés, défilant en rue, de nuit, témoigne d’une marche sans lendemain.

« Des milliers d’Israéliens habitent la Grèce, à Athènes et dans les îles, beaucoup y travaillent » souligne Moshé, Juif israélien, originaire d’Inde, habitant Athènes avec sa famille depuis 5 ans : « Ces incidents sont le fait de groupes d’extrême-gauche fort minoritaires, mais très bien organisés, auxquels les médias prêtent trop d’attention ». Aaron, invalide de la guerre du Liban, habite le quartier délabré de la place Victoria à Athènes où les graffitis anti-israéliens sont bien présents, tout comme à Exárcheia, « le quartier des anarchistes » mais pour lui « mettre en ligne ces images, c’est faire le jeu de l’adversaire ! ». Slogans et images anti-israéliens sont peu visible à Volos, où Menahem, Juif grec, regrette la surmédiatisation des incidents locaux, comme Michalis, vice-président de cette petite communauté juive et occupé aux derniers préparatifs de son mariage, avec une Israélienne le 10 septembre à Volos. Les touristes israéliens rencontrés sont prudents. Pensionné faisant son tour d’Europe en train, Dan, nostalgique d’Israël avant 1995, exprime son opposition à la guerre contre Gaza, tout comme ce couple rencontré en promenade sur la digue à Volos, venu se ressourcer et « oublier cette guerre désastreuse », le temps d’un tour de Grèce.

Écrit par : Roland Baumann

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