Suite à la publication des articles de Regards et de Paris-Match sur le monument dédié aux SS lettons de Zedelgem, des étudiants de l’Union des étudiants juifs de Belgique (UEJB) étaient décidés à se mobiliser pour dénoncer l’existence de la « ruche » de Zedelgem, ce monument à la gloire de 16.000 SS lettons érigés au rang de « combattants de la liberté ». L’occasion de mener une action s’est présentée cet été lors du makhane (camp) d’été du mouvement de jeunesse juif sioniste Hashomer Hatzaïr (Belgique) dans la région de Bruges, non loin de Zedelgem.
Cela a commencé par une activité de discussion-débat. « En tant que boger de l’Hashomer, j’ai organisé avec les madrikhim (moniteurs) et la kvoutza (groupe) des haverim (membres) les plus âgés une activité sur la mémoire de la Shoah et les différentes manières dont on se souvient des victimes mais aussi des bourreaux », explique Terence Mauchard-Dumont, étudiant, membre de l’UEJB et boger (ancien) de l’Hashomer Hatzaïr. « Nous avons discuté des monuments à la gloire d’Hitler qui ont été démantelés. Ensuite, même si ce n’est pas comparable à la Shoah, nous avons aussi abordé la question des statues de Léopold II et des atrocités commises au Congo belge. Enfin, nous avons évoqué le monument de Zedelgem et la question de la collaboration des Lettons avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment en soulignant les difficultés qu’ont les Lettons à se confronter à cette histoire ».
Suite à cette activité, ces jeunes ont souhaité mené une action militante car ils étaient à la fois surpris et révoltés par l’existence de ce monument en mémoire de combattants SS. « Nous ne pouvions pas nous en tenir à cette activité de débat. Il n’est pas normal que ce monument puisse exister sans que personne n’en parle. Nous devions agir car sommes avant tout un mouvement de jeunesse activiste », fait remarquer Eve Kandiyoti, madrikha de l’Hashomer Hatzaïr.
Comme ils étaient proche de Zedelgem, c’était justement l’occasion de marquer le coup en menant une action concrète. Les madrikhim ont décidé de confectionner une bannière sur laquelle sont inscrits des noms de Juifs ayant été exterminés par des SS ayant appartenu à la Légion lettonne. « Il s’agissait de montrer que l’assimilation des SS à des combattants de la liberté, comme le suggère le monument, est un véritable travestissement de l’histoire et une insulte à la mémoire des victimes de ces SS », souligne Terence Mauchard-Dumont.
Mobilisation mûrement conçue
Les madrikhim et les deux kvoutzot les plus âgées se sont rendus à Zedelgem devant le monument pour y poser la bannière et expliquer les raisons de leur présence. Une fois la bannière déployée, ils ont lu des noms de victimes juives des SS lettons. « Comme il existe suffisamment d’archives et de documentations disponibles sur la liquidation des ghettos, nous avons choisi le ghetto de Slousk (Biélorussie) où 3.000 Juifs ont été assassinés en février 1943 par des SS de la Légion lettone et nous avons retenu dix noms de victimes dont nous avons lu les noms devant le monument », précise Terence Mauchard-Dumont. Cette mobilisation mûrement conçue n’a laissé aucun détail au hasard. Pour ce faire, les étudiants de l’UEJB ont agi en coordination avec leurs homologues de l’Union des étudiants juifs de Lettonie. « Ils nous ont apporté leur soutien et nous ont encouragés à mener cette mobilisation », se souvient Terence Mauchard-Dumont. « Ils nous ont également aidés à rédiger le texte en letton qui figure sur la bannière. Par ailleurs, leur président, Dan Baumann, nous a communiqués de nombreuses informations sur la problématique mémorielle des SS lettons ».
Même si cette mobilisation n’a pas entraîné le démantèlement du monument, ces jeunes de l’Hashomer Hatzaïr ont malgré tout contribué à sensibiliser l’opinion grâce à la vidéo* qu’ils ont réalisée. Sa diffusion sur internet a même permis à la presse israélienne d’en parler. Mais l’essentiel réside surtout dans la conscientisation et à la mobilisation de la jeunesse juive face à des enjeux politiques et mémoriels. « Nous avons conscience d’avoir accompli quelque chose d’important mais aussi de voir les choses d’un autre regard. Désormais, lorsque nous sommes face à un monument, nous sommes amenés à nous interroger sur ce qu’il honore et le contexte historique auquel il se rattache », assure Yanael Grundland, madrikha de l’Hashomer Hatzaïr. Ce qui signifie que cette prise de conscience a favorisé chez ces jeunes une capacité d’action et une attitude citoyenne dont les adultes pourraient sûrement s’inspirer.