C’était prévisible. Amnesty International a repris à son compte le terme d’apartheid pour qualifier Israël. Dans un rapport publié le 1er février dernier et intitulé L’apartheid israélien envers le peuple palestinien, un système cruel de domination et un crime contre l’humanité, Amnesty International entend démontrer que les autorités israéliennes traitent les Palestiniens comme un groupe racial inférieur défini par son statut arabe non-juif et que cette discrimination raciale s’opère tant dans les territoires palestiniens occupés de Cisjordanie qu’à l’intérieur d’Israël. « L’ensemble du régime de lois, politiques et pratiques décrites par Amnesty International démontre qu’Israël a instauré et perpétué un régime institutionnalisé d’oppression et de domination contre la population palestinienne, mis en œuvre au profit de la population juive israélienne – un système d’apartheid – sur tous les territoires où le pays exerce un contrôle sur la vie des Palestiniens depuis 1948 », peut-on lire dans ce rapport. « Amnesty International conclut que l’Etat d’Israël considère et traite la population palestinienne comme un groupe racial “non juif” inférieur. La ségrégation est mise en œuvre de manière systématique et fortement institutionnalisée, au moyen de lois, politiques et pratiques, dont l’ensemble vise à empêcher la population palestinienne de revendiquer les mêmes droits que les juives et juifs israéliens, et d’en bénéficier, en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés ; autant de mesures dont l’objet est par conséquent d’opprimer et de dominer le peuple palestinien ».
Un élément saute aux yeux : la ligne verte, séparant l’Etat d’Israël souverain et reconnu par la Communauté internationale des territoires palestiniens de Cisjordanie qu’il occupe depuis juin 1967, est effacée. Qu’importe qu’à l’intérieur même d’Israël les droits civils et politiques sont accordés à tout citoyen, qu’il soit juif ou arabe. Curieux régime d’apartheid qui accepte que des députés arabes siègent au parlement, votent les lois, et que des partis arabes, islamistes de surcroît, siègent dans une coalition au gouvernementale comme c’est le cas aujourd’hui. Et comment expliquer qu’un juge arabe musulman vient d’être nommé à la Cour suprême israélienne. Cette juridiction qui avait clairement souligné dans un arrêt rendu le 8 mars 2000 que le principe d’égalité interdit à l’Etat d’Israël de faire la moindre distinction entre ses citoyens sur la base de la religion ou de la nationalité. Cette décision historique avait d’ailleurs été accueillie favorablement par Adalah (Justice en arabe), le Centre juridique pour les droits de la minorité arabe en Israël, une ONG peu suspect de tresser des lauriers aux autorités israéliennes : « En tant que précédent, cette victoire individuelle consolide le principe d’égalité civile et interdit la discrimination ouverte et cachée sur la base de la race ou de la religion au niveau individuel ».
La suppression de toute distinction entre Israël et les territoires palestiniens occupés a une autre conséquence grave dont Amnesty International n’a pas pris la mesure : elle conforte les défenseurs inconditionnels de la droite et l’extrême droite israéliennes pour qui Israël est souverain de la Méditerranée au Jourdain. Même si pour Amnesty International, c’est bien la preuve que l’apartheid est en vigueur dans les territoires contrôlés par Israël, dans les deux cas, la solution des deux Etats n’est plus une option. Curieux compagnonnage !
Le contexte du conflit complètement évacué
Ce nouveau rapport dépeint surtout la création même d’Israël comme raciste et immorale. Une telle caractérisation haineuse non seulement délégitime l’entreprise étatique israélienne et le droit des Juifs à l’autodétermination dans leur patrie historique, mais elle ignore complètement une solution mutuellement négociée au conflit israélo-palestinien qui apportera dignité et autodétermination aux Palestiniens. Loin de porter un regard froid et précis sur les violations des droits de l’homme par Israël dans les territoires palestiniens occupés, Amnesty International se borne à présenter Israël comme une création raciste par essence. Aucune prise en considération du contexte historique ni géopolitique ne ressort de ce rapport. « La domination et l’oppression exercées par Israël à l’encontre des Palestiniens sont essentialisées », déplore Ilan Rozenkier, porte-parole de La Paix maintenant en France. « Le contexte de guerre et de conflit national entre les deux peuples est évacué. Ce serait par nature, parce qu’il est ce qu’il est que l’Israélien opprimerait, occuperait et discriminerait le Palestinien. Certes, le conflit qui oppose les deux peuples ne saurait ni excuser ni justifier ce qui n’a pas vocation à l’être. Mais ce n’est pas une raison pour donner à croire que c’est parce qu’il y aurait vision inégalitaire à l’égard de l’autre, négation de son entière humanité qu’un dispositif discriminatoire aurait été mis en place ».
On pourra expliquer longuement que les Palestiniens d’Israël sont des citoyens à part entière et que la discrimination indéniable institutionnalisée sous des régimes divers en Cisjordanie procède d’une occupation militaire et non pas d’une doctrine de la supériorité de la race débouchant sur une séparation institutionnelle qui réservait aux Juifs tous les privilèges, rien n’y fera, Le mot « apartheid » est désormais lâché. Dès lors qu’une ONG aussi réputée qu’Amnesty international le prononce, l’opinion publique ne va pas commencer à décrypter cette affirmation en vérifiant toutes les dispositions légales concernant la situation de la minorité arabe à l’intérieur d’Israël. C’est donc à l’Afrique du Sud raciste qu’Israël sera associé. Dans c cas, la seule conséquence à en tirer est de soumettre Israël aux mêmes campagnes de condamnation qui ont visé l’Afrique du Sud jusqu’en 1991. C’est contre cet amalgame que les Juifs attachés à Israël et critiques envers l’occupation et la colonisation des territoires palestiniens entendent réagir. Car dans ce rapport d’Amnesty International, ce n’est pas de l’occupation dont il est question mais bien de la nature et des fondements d’Israël.
L’analogie de l’apartheid sud-africain
Même si Amnesty International explique qu’elle s’appuie sur la définition juridique internationale de l’apartheid qui a été établie en 1998 dans le cadre du Statut de Rome et ne dit pas qu’Israël maintient le même régime juridique que celui qui a caractérisé l’apartheid sud-africain, ce terme est trop chargé symboliquement et historiquement pour évacuer le cas sud-africain. « L’apartheid sud-africain était perçu comme le dernier vestige du nazisme encore présent après 1945. C’est pourquoi l’apartheid était l’ennemi de tous », rappelle Danny Trom, sociologue, chargé de recherches au CNRS et rédacteur en chef adjoint de K. « Le régime sud-africain avait l’unanimité contre lui. Les organisations de soutien à la Palestine ont bien compris qu’ils devaient mettre en œuvre cette stratégie de lutte contre le racisme et abandonner celle des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes. Et ça marche. Ils scandent “apartheid” et lutte contre le racisme, nous répondons droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
« L’apartheid sud-africain était perçu comme le dernier vestige du nazisme encore présent après 1945. C’est pourquoi l’apartheid était l’ennemi de tous »
Danny Trom, sociologue, chargé de recherches au CNRS et rédacteur en chef adjoint de K.
Mais c’est leur slogan outrancier qui l’emporte car il plus simple aujourd’hui d’enrôler l’opinion publique internationale dans la lutte contre le racisme que de proposer des explications plus complexes relatives à deux nationalismes qui s’opposent et qui revendiquent la même terre. Et la solution nationale préconisée par le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes s’insère de plus en plus mal dans un monde post national où la nation est devenue synonyme d’intolérance et de guerre. En revanche, la lutte antiraciste s’inscrit bien dans l’air du temps. Ce n’est plus un conflit territorial et politique entre deux peuples mais un conflit entre antiracistes et racistes ».
En présentant Israël de cette manière, Amnesty International jette aussi l’opprobre sur ceux qui soutiennent un Etat juif et démocratique, dont l’immense majorité des Juifs à travers le monde, et crée un terrain fertile pour un discours hostile et parfois antisémite. Cette atmosphère guère propice à l’optimisme ne décourage pas pour autant les Juifs qui croient encore en la solution des deux Etats à agir. « La publication de ce rapport nous permet de réaffirmer nos positions », estime Anny Dayan-Rosenman, maître de conférence en littérature à l’Université Paris 7 Denis Diderot et membre active de La Paix Maintenant. « Nous sommes nombreux à avoir été sensibilisés à des violations des droits de l’homme grâce à Amnesty International. C’est donc une organisation qui représente quelque chose d’important dans nos parcours militants respectifs. Et parce que nous avons toujours affiché clairement notre solidarité critique envers Israël et que nous avons toujours pris soin de condamner l’occupation des territoires palestiniens, nous sommes très bien placés pour souligner la légèreté avec laquelle Amnesty International use et abuse de certains termes dans son dernier rapport pour décrire Israël ». Critiquer ce rapport ne signifie donc pas s’aligner sur les prises de position excessives du gouvernement israélien qui s’abstient de mettre fin à l’occupation. Bien au contraire, cette critique doit être l’occasion de rappeler qu’il y a deux dates politiquement distinctes : la création légitime d’Israël en 1948 et le début de l’occupation illégitime de la Cisjordanie en 1967.
“Non seulement ce rapport délégitime Israël dans ses frontières d’avant 1967 mais il fait de l’immense majorité des Juifs de diaspora attachés à ce pays des soutiens à régime raciste à éradiquer.” Il n’y a pas lieu de s’indigner de ces deux points. Peut-être juste, pour cette “immense majorité”, enfin se poser des questions ? Ce serait dur. Peu de chance que cela se fasse. Vous n’y contribuerez toujours pas.
Le fait de dire que la démocratie israélienne est un régime d’apartheid est de l’antisémitisme. Les nazis ont massacré six millions de Juifs durant la Shoah, plusieurs milliers de Juifs étaient gazés quotidiennement à Auschwitz et aucun pays n’a accepté de bombarder les chambres à gaz. Aujourd’hui , très nombreux sont ceux qui propagent l’antisémitisme et à nouveau , quasi tout le monde regarde ailleurs ou bien on propose des mesurettes qui ont montré leur inefficacité depuis 2000 ans. Si on veut lutter efficacement contre l’antisémitisme , il faut sanctionner de peines de prison ferme des allégations comme les vôtres ,en commençant surtout par les influenceurs : journalistes, politiciens , enseignants, artistes,… qui attisent la haine envers les Juifs en propageant des fausses informations et en usant du double standard contre Israël.