Bernhard Weiss, l’homme qui traqua Goebbels

Ouri Wesoly
On ne se souvient plus guère d’eux, essentiellement parce qu’ils n’ont pas vaincu. Pourtant, ce furent des héros dont les combats, opiniâtres et courageux, méritent davantage qu’une note en bas de page dans les livres d’histoire. Comme ceux du Préfet de Police de Berlin, Bernhard Weiss.
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Si l’on cherchait un exemple de famille juive parfaitement intégrée dans l’Allemagne du début du XXème   siècle, les Weiss constitueraient un excellent exemple. Surtout le fils aîné, Bernhard, né à Berlin en 1880 et avocat de formation.

Avec ses deux frères, il s’engagea dès le début de la guerre 1914-18, accéda au grade de capitaine et obtint même la Croix de Fer de 1ère classe (Un de ses frères fut tué et l’autre blessé).

En 1918, il fut nommé directeur adjoint de la Kripo, la police criminelle de Berlin. Sa mission : rétablir l’odore dans une capitale allemande en proie, comme le reste du pays, à de sanglantes émeutes.

L’Allemagne avait perdu la guerre, le Kaiser était en fuite, extrême-droite et extrême gauche tentaient de s’emparer du pouvoir par les armes en renversant le fragile régime parlementaire, la « République de Weimar. ». Et bien sûr, la pègre avait alors le champ libre.

Bernhard Weiss – premier Juif non converti à accéder à un poste aussi élevé- fit merveille dans ses nouvelles fonctions et grimpa vite dans sa hiérarchie. Après avoir dirigé la Police politique, il devint chef de l’ensemble des polices de la capitale. Il fit dès le début, souffler un vent de modernité dans la lutte contre le crime.

Il introduisit les dernières avancées de la science, microscope, analyses de sang, détecteurs de mensonges, etc. Et, en quelques années, il transforma la Kripo en un instrument aussi efficace que la très renommée Scotland Yard britannique.

Mais son rôle ne se limitait pas, et de loin, à traquer les criminels. Car nombre d’Allemands rejetaient ou soutenaient du bout des lèvres le nouveau régime. Celui –ci était trop social, trop démocratique aux yeux tant des communistes que des monarchistes ou des milieux d’affaires, sans oublier bien sûr les nazis.

B. Weiss fut un des rares hauts fonctionnaires à défendre avec loyauté la République. Et lorsqu’en 1926, le parti nazi décide de s’implanter à Berlin, il entre en conflit avec Joseph Goebbels, antisémite forcené.

Jusqu’alors, en effet, le mouvement d’Hitler sévissait surtout en Bavière, dans le sud du pays. Mais l’essentiel du pouvoir se trouve dans la capitale, en Prusse, là où le parti ne compte alors que quelques centaines de membres.

40 procès contre Goebbels.

Un rude défi donc, de l’aveu de Goebbels pour qui, en dehors de Moscou, « Berlin est la ville la plus rouge d’Europe ». Sociaux-démocrates et communistes n’y ont-ils pas obtenu plus de 52% des voix lors des élections municipales de 1925. Oubliant au passage que les deux formations sont à couteaux tirés…

Quoi qu’il en soit, Goebbels arrive avec la volonté de semer la violence dans la capitale en lançant la milice nazie, les S.A. contre les communistes. Avantages : casser du Rouge, faire de la publicité à son parti et montrer la faiblesse du pouvoir.   

Mais B. Weiss ne le laisse pas faire. En 1927, il obtient l’interdiction du parti à Berlin et fait arrêter pour appartenance à une organisation illégale 500 S.A. Mais les nazis contournent la mesure en se regroupant dans diverses organisations sportives ou culturelles.

Néanmoins, cela suffit pour susciter la fureur de Goebbels qui s’en prend dès lors systématiquement à la police et surtout à Bernhard Weiss, juif et homme de gauche. Avec la « kolossalle finesse » caractéristique de l’extrême-droite, allemande ou non, il le surnomme « Isidor ».

Un prénom supposé juif qui fait hurler de rire les nazis et suscite d’innombrable textes ou chansons ordurières et insultantes. B. Weiss riposte en devenant le plus énergique opposant de Goebbels.

Il le fait condamner en justice pour diffamation. La police surveille les nazis, fouille leurs locaux, confisque tout ce qui peut servir d’armes (Elle procède au demeurant de même avec les communistes.)

Entre 1927 et 1932, Weiss attaque aussi plus de 40 fois Goebbels devant les tribunaux et gagne avec régularité. Il obtient à plusieurs reprises que la justice interdise au chef nazi de prendre la parole en public.   

Mais s’il gagne toutes ces batailles, Weiss, comme on le sait, finira par perdre la guerre : la montée du nazisme est irrésistible. Alors, en janvier 1933, quelques jours avant qu’Hitler n’arrive au pouvoir, il prend la fuite.

Son ancienne police, à présent aux mains d’Hermann Goering, le traque, Goebbels offre une récompense pour son arrestation. Mais B.Weiss parvient à gagner la Tchécoslovaquie puis l’Angleterre.

Le 25 aout 1933, le régime nazi le déchoit de sa nationalité allemande en même temps que le prestigieux journaliste Georg Bernhard et Albert Einstein, la compagnie n’est pas mauvaise. Il vivra assez longtemps pour assister à la chute du nazisme et au suicide de son éternel ennemi.

Puis, oublié de tous, il mourra d’un cancer à Londres, le 29 juillet 1951, quelques jours après que la République fédérale d’Allemagne lui ait restitué sa citoyenneté. Aujourd’hui, les parvis de deux des gares de Berlin portent son nom.

On a apposé une plaque sur la maison où il a vécu. En 2005, le cinéaste Reiner Mathias Brueckner consacra un film à ce défenseur résolu de la démocratie. Il s’intitule « L’homme qui traqua Goebbels ». Un bon résumé de la vie de Bernhard Weiss

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