James Bond est-il antisémite ?

Ouri Wesoly
Alors qu’il fête ses 50 ans et que Skyfall, son 23e film, triomphe sur les écrans, le temps n’est-il pas venu d’aborder avec les plus paranoïaques d’entre nous la complexe question des rapports entre 007 et le judaïsme laïque (voire religieux) ?
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Un point au moins est établi : en dépit d’un tropisme vers les shiksès* blondes, James Bond n’est pas juif : il fume tous les jours, même le samedi; il n’est pas porté sur la discussion, y compris non talmudique et, s’il plaisante souvent, il ignore l’autodérision.

Pas de chance pour lui. Mais 007 est-il antisémite pour autant ? Avec un matricule pareil ? Le premier kabbaliste venu vous dira qu’il suffit de feuilleter « Le Livre de la Splendeur »** pour savoir que le 7 est un chiffre sacré chez nous.

Tout de même. Dans son premier livre, Casino Royale (1953), Ian Fleming décrit l’adversaire de Bond, « Le Chiffre », comme suit : « Cheveux roux coiffés en brosse. Fausses dents coûteuses. Oreilles petites aux larges lobes, décelant la présence de sang juif ».

Ou l’autre méchant, Goldfinger (1959) : il est gras, roux et triche aux cartes. Il est obsédé par l’or dont il fait trafic ou qu’il vole. Et lui aussi apprécie les blondes, surtout recouvertes de peinture dorée.

Sans parler de l’ennemi récurrent (il apparait dans pas moins de 7 films) de 007 : Ernst Stavro Blofeld, le chef de SPECTRE : encore le nom juif, encore l’obsession pour l’argent et toujours ces « larges lobes » dont les antisémites font une caractéristique juive.

Et comment ne pas se focaliser sur un point fondamental : James Bond couche avec tout ce qui porte jupon, blonde, brune, grande, petite, blanche, noire, jaune… Sauf  des Juives. Et bien voilà qui est clair : James Bond-Adolf Hitler, même combat.

Euh, minute, minute, amis paranoïaques. Il faut lire les livres avant de les critiquer. On découvre alors qu’à deux reprises au moins, Ian Fleming précise dans le roman du même nom que Goldfinger est d’origine balte.

Idem pour Blofeld. Dans Au service secret de Sa Majesté (1963), on apprend qu’il a été baptisé à l’église et qu’il n’a même pas de lobes aux oreilles ! Encore plus révélateur : dès 62, Fleming est devenu copain comme cochon avec l’un des deux producteurs des films de Bond.

Non, pas l’italo-américain Albert R. Broccoli. Le très juif Harry (Herschel) Saltzman. Et enfin, les Juives. Vous apprendrez avec plaisir que, de 1956 à sa mort en 1964, Ian Fleming a entretenu une liaison passionnée avec la très belle Blanche Lindo, Juive sépharade de la Jamaïque.

Et puis après ? Benito Mussolini aussi a eu comme maîtresse de 1918 à 1934, Margherita Sarfatti, une  Juive vénitienne. Cela ne l’a pas empêché d’avoir de mauvaises fréquentations par la suite.

Goldfinger est balte ? Et on peut pas être juif en même temps ? Quand aux lobes de Blofeld, il se les est fait ôter par chirurgie. Et en ce qui concerne Le Chiffre… Brisons là : on n’y arrivera jamais. Par contre, il y a un point indiscutable : les films de Bond sont philosémites.

Quand Woody Allen jouait Jimmy Bond…

Tous les 23. On a déjà évoqué le producteur Harry Saltzman, mais qui a écrit les scénarios des James Bond de 1962 à 1989 ? Le scénariste Richard Maibaum, voilà qui. L’auteur du célébrissime « James Bond thème » qu’on entend au début de chaque film ?

Le Britannique Monty Norman, né de parents juifs lettons. Et celui de la première chanson d’un générique de James Bond (Bonsbaisers de Russie) s’appelait Lionel Bart, mais le nom de son papa tailleur était Beglieter…

Quant au chef décorateur des six premiers films, c’était l’Honorable Sir Kenneth Adam, OBE, d’origine juive allemande. Et on ne vous dit pas les « méchants » de tous ces films. Bon, il est exact que cela avait mal commencé : Goldfinger était interprété par  un acteur allemand, Gert Fröb,e qui avait été membre du parti nazi. Le film fut interdit en Israël jusqu’à ce qu’un Juif autrichien vienne témoigner que Fröbe avait sauvé sa famille durant la guerre…

Ce genre de problèmes n’allait plus se poser : le Dr No ? Joseph Wiseman, un acteur juif canadien. Le Dr Kanaga (Vivre et laisser mourir) ? Yaphet Kotto. Pour faire bonne mesure, le personnage de Solitaire dans le même film était interprété par Jane Seymour.

Et qui joue le très énervé Général Orlov dans Octopussy (1983) sinon Leslie Steven Berks (Berkoff) ? Sans oublier la sublime -et traîtresse- Vesper de Casino Royale (2006) interprétée par Eva Green, une des filles de Marlène Jobert.

Une pensée au passage pour l’autre et très parodique « Casino Royale » de 1967, écrit dans le délire par Ben Hecht, Joseph Heller et Billy Wilder et interprété avec folie par Peter Sellers, David Niven et Woody Allen dans le rôle de Jimmy Bond, le neveu de l’autre…

Un mot pour ceux qui s’inquièteraient de l’arrivée de Daniel Craig : c’est vrai qu’il est blond comme un nazi bon teint, mais son passé plaide pour lui : il a fait partie des partisans juifs russes dans les années 1940 (Les insurgés. 2008) et a été agent du Mossad (Munich. 2005).   

Pour la rubrique people, Craig a aussi épousé en 2e noces la très sympathique actrice Rachel Weisz. Si on ajoute que c’est Samuel Mendez (appelez-moi « Sam ») qui a réalisé Skyfall, même les plus paranoïaques d’entre nous devraient être rassurés quant à l’antisémitisme de Bond, James Bond. Une bonne chose de faite.

Dans un prochain article, nous nous intéresserons aux origines juives de Conan le Barbare, interprété au cinéma par Arnold -Terminator- Schwarzenegger, d’origine autrichienne. Oui, oui, comme Hitler…

*Shiksè : femme non juive. Châtiment infligé aux mamans qui cherchent le meilleur pour leur fils.

** Le Livre de la Splendeur (« Sefer Ha Zohar ») est un des ouvrages majeurs de la Kabbale.

Cet article se base en partie sur une série parue dans l’hebdomadaire new-yorkais  Forward qui parait en anglais et en yiddish

http://forward.com/articles/165218/on-her-majesty-s-semitic-service/?p=1

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