La circoncision, trop coûteuse ?

Géraldine Kamps
Nos confrères du Soir l’affirment dans leur édition de ce 10 août 2012, les circoncisions coûtent 2,476 millions à la Sécurité sociale. Le nombre de circoncisions rituelles pratiquées en Belgique est même en hausse ces cinq dernières années. Etat des lieux.
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Musulmans, Juifs, et même catholiques ou laïques, ils sont nombreux chaque semaine à se retrouver dans la salle d’attente de la Clinique d’Ixelles pour faire circoncire leur enfant. Un véritable brassage intercommunautaire dans lequel chaque parent guette, quelque peu impatient, le retour en bonne forme du jeune patient précédent, âgé de quelques jours à 7 ans. Parfois plus. L’intervention se fait ici par un médecin, sous anesthésie locale, entouré du personnel hospitalier qualifié, en toute sécurité. La fête viendra après, ou pas. Au-delà des croyances religieuses ou de la tradition, il s’agit juste pour certains d’une mesure d’hygiène.

L’an dernier, l’assurance maladie-invalidité (Inami) est ainsi intervenue pour 25.286 circoncisions, pour un coût total de 2,476 millions d’euros, révèle le quotidien Le Soir (10/8/12), alors que certains s’interrogent sur la pertinence du remboursement de cet acte chirurgical. Le nombre d’interventions remboursées par l’Inami aurait augmenté de 21% entre 2006 et 2011. Si aucune statistique officielle ne permet de distinguer les circoncisions effectuées pour raisons médicales, personnelles ou rituelles -l’Inami n’impose pas au médecin de spécifier les modalités de cette circoncision-, on estime que depuis 25 ans, environ un garçon sur trois né en Belgique serait circoncis. Selon les hôpitaux wallons et bruxellois, 80 à 90 % des cas répondraient à un impératif culturel et/ou religieux.

Ils sont nombreux à revendiquer la tradition millénaire, qui justifierait alors tout aussi bien, la corrida et l’excision heureusement en voie de disparition. D’autres craignent, sans doute avec raison, que l’interdiction de la circoncision ne favorise sa réalisation en dehors de tout contrôle et de toute norme d’hygiène : 150 à 200 bébés meurent chaque année à la suite d’interventions ratées ou effectuées dans de mauvaises conditions. Certains invoquent la liberté de religion, d’autres la liberté de l’enfant et le respect de leur intégrité physique… Aucune organisation nationale ou internationale de la santé ne recommande la circoncision, et si l’OMS l’a fait, c’était dans le cadre de la lutte contre le Sida en Afrique, face à une Eglise catholique très forte qui décourage l’usage du préservatif.

Fin juin, un tribunal de Colognea estimé que la circoncision pour motifs religieux pouvait être « assimilée à une blessure corporelle », après qu’un petit garçon musulman de 4 ans juste circoncis par un médecin généraliste eut été admis aux urgences pour de graves saignements*. La décision du tribunal avait suscitél’ire des communautés juives et musulmanes locales et la décision de certains hôpitaux de ne plus pratiquer les circoncisions qui ne seraient pas médicalement motivées. Plusieurs médecins autrichiens ont suivi.

Le 30 juillet 2012, la ministre autrichienne de la Justice a finalement déclaré dans un communiqué que la circoncision pour motifs religieux « ne pouvait être passible de poursuites »**, et les autorités ont invité les médecins à agir « en accord avec leur conscience ». Très puissants en Autriche, les catholiques sont venus en renfort des juifs et des musulmans et ont appelé les pouvoirs publics à garantir explicitement ce droit.

Du côté de la ministre de la Santé belge, Laurette Onkelinx, on indique que le souci principal est que ces circoncisions « se fassent dans les meilleures conditions d’hygiène. Le fait qu’elles soient pratiquées par un médecin est en soi une garantie optimale ». Si les médecins rappellent qu’il ne s’agit pas « d’une chirurgie vitale » et qu’« aucun acte chirurgical n’est anodin », il n’est en tout cas pas question de remettre en cause la circoncision rituelle ni même son remboursement par l’Inami.

Une chose est sûre, le débat a encore de beaux jours. Des Juifs comme des musulmans se mobilisent progressivement contre cette pratique, et de plus en plus d’Israéliens refusent aujourd’hui de faire circoncire leur fils. Aux Etats-Unis, la circoncision reste toutefois pratiquée sur près de la moitié des nouveau-nés, et on estime que dans le monde, un homme sur trois est circoncis.

* Lire notre article « Allo, ne coupez pas ! »

** « Allo, on ne coupera pas ! »

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