La science au service de la tradition juive

Nicolas Zomersztajn
En déposant le mois dernier un projet d’ordonnance visant à interdire l’abattage rituel sans étourdissement en région bruxelloise, comme c’est déjà le cas en Wallonie et en Flandre, le Ministre bruxellois du Bien-être animal a ouvert la voie vers une interdiction généralisée de cette pratique d’abattage en Belgique même si le gouvernement bruxellois a renvoyé le dossier au Parlement pour en débattre.
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Bien que l’immense majorité des Juifs bruxellois ne soit pas pratiquante et qu’il n’existe plus de boucherie casher à Bruxelles depuis longtemps, cette nouvelle orientation légale ne les laisse pas pour autant indifférents. Ils ne peuvent s’empêcher de penser à leurs coreligionnaires pratiquants contraints d’acheter bientôt de la viande casher importée. Mais surtout, le manque de cohérence du législateur ne leur a pas échappé. En abordant la question du bien-être animal exclusivement sous l’angle de l’abattage rituel, le législateur belge, wallon ou flamand, a oublié que la mise à mort n’est qu’une étape, certes importante, dans la filière dite « animale ». La souffrance animale est omniprésente lorsque des bêtes sont maltraités dans des élevages intensifs. Elles souffrent également lorsqu’elles sont transportées dans des conditions déplorables vers les abattoirs où des cas de maltraitance ont souvent défrayé la chronique.

Le législateur interdit une pratique d’abattage dont les prescriptions talmudiques très précises (mais perfectibles compte tenu des progrès technologiques) visent précisément à limiter la souffrance animale. En revanche, ce même législateur se garde bien d’interdire la chasse ! Par un formidable tour de passe-passe, ce « sport » cruel ne causant que des souffrances à un animal traqué est alors considéré comme une noble tradition. Alors que les chasseurs deviennent des « amoureux de la nature » et de véritables « acteurs de la ruralité », les Juifs pratiquants sont dépeints sous les traits d’anachroniques barbares empêchant l’Europe civilisée d’améliorer la condition animale.

Que nos concitoyens non-juifs soient rassurés. Les Juifs respecteront la loi et n’égorgeront pas clandestinement de bêtes dans leurs baignoires. Depuis des siècles de condition minoritaire en diaspora, ils respectent scrupuleusement le précepte Dina malkhouta dina (la loi du pays est la loi) selon lequel la loi de la Cité l’emporte sur la loi juive. A plusieurs reprises dans leur histoire, les Juifs ont également abrogé de leur propre volonté certaines traditions jugées archaïques (polygamie) ou certaines pratiques (inhumation sans cercueil le jour du décès) contraires aux lois nationales en vigueur. Plutôt que de compromettre la présence juive en Europe, les autorités rabbiniques ont toujours choisi d’adapter, tant faire se peut, la lettre de la loi juive à certaines exigences de la société européenne.

Si le monde rabbinique européen ne cherche pas à adapter les règles de l’abattage rituel aux exigences actuelles du bien-être animal, il n’y a plus que le progrès scientifique qui puisse aider les Juifs pratiquants. En Israël, des start up se sont spécialisées dans la viande fabriquée in vitro, c’est-à-dire produite à partir de culture cellulaires d’animaux. Cette viande cultivée permet de produire de la viande à partir de cellules souches sans jamais sacrifier un seul animal mais aussi de d’assouvir les besoins en consommation de viande d’une population sans recourir à l’agriculture intensive. Que demander de plus ? Une technologie susceptible de satisfaire tant les omnivores que les végétariens qui retrouveront enfin le vrai goût de la viande. Une technologie également satisfaisante pour nos rabbins qui ne peuvent ignorer que nos Sages du Talmud s’étaient déjà penchés sur le cas d’une « viande miraculeuse » créée artificiellement et casher, c’est-à-dire dépourvue du nerf sciatique de l’animal et vidé de son sang.

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