Le chien, meilleur ami du juif ?

Ouri Wesoly
On ne va pas se mentir : les relations judéo- canines ont longtemps été détestables. Si la faute en revient surtout aux (maîtres des) seconds, les Juifs et leurs préjugés ne sont pas non plus blanc-bleu dans cette histoire.
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Ce n’est pas pour critiquer mais si vous êtes juif  et que vous aimez les chiens, sachez que vous êtes en rupture avec une tradition de rejet trimillénaire : la Torah évoque 30 fois ces aimables quadrupèdes… dont 28 négatives.

Notons qu’il n’y a pas qu’elle. Le Nouveau Testament ne déborde pas d’enthousiasme à leur égard. Et si en islam, on encourage les croyants à être bons envers eux, il y a tout de même un hadith* qui affirme catégoriquement : « Les anges n’entrent pas dans une maison où se trouve un chien ou une idole ».

 En fait, ce n’est pas seulement une question de religion. Dans la plupart des civilisations, et bien au-delà du Moyen Orient, être comparé à un chien n’a jamais vraiment été un compliment.

Avec, chez les Juifs, cette circonstance aggravante que les chiens ont, de tous temps, été une arme des Goyim (non-Juifs). Depuis les nobles d’Europe centrale ou de l’Est aux nazis, ils ont servi à terrifier, blesser ou  tuer les Juifs.

Sans parler de l’assimilation entre eux : Les affichettes « Interdit aux chiens et aux Juifs » ont longtemps été apposées non seulement dans l’Allemagne de Hitler mais aussi dans nombre de pays de par le monde, y compris en Amérique du Nord.

On en trouvait encore à l’entrée des plages canadiennes au milieu des années 1950. Et de toutes façon, qu’il y a-t-il de si bien chez les chiens,  se sont longtemps demandé les Juifs. Qui se répondaient : pas grand-chose. Déjà, qu’il est dangereux avec ses dents comme des couteaux.

Sale aussi. Et hypocrite toujours à lécher la main qui le bat. Sans parler de ses mœurs : regardez donc cette chienne en chaleur entourée  par une douzaine de mâles surexcités, si on ne dirait pas la kourvèh (« putain » en yiddish) du dessus.

Et coûteux avec ça, surtout au temps du shtetl** : à l’époque, quand un Juif mangeait un poulet, c’est qu’un des deux était malade, qui aurait eu envie de jeter une cuisse dorée à point à cet animal (ou alors pour qu’il crève avec les esquilles d’os) ?  

En plus, elle aboie en permanence, la sale bête alors que vous avez déjà votre belle-mère à la maison, qui a besoin d’un chien ? Dernier point et non des moindres: bien qu’il ne rumine pas et qu’il ne possède pas de sabot fendu, le chien est un animal impur.

Au pied, Nasser, au pied ! 

Mieux vaut le savoir si vous voyagez. En Corée par exemple où la soupe de chien est toujours considérée comme un régal. D’autre part, ce plat est réputé renforcer la virilité. Bref, cela demande réflexion.

Si déjà, on précisera avec regret qu’il n’est même pas nécessaire d’aller aussi loin. Il suffit de se rendre dans les cantons suisses d’Appenzell ou de Saint-Gall pour y déguster des charcuteries (excellentes, dit-on) à base de chien.

Et ce n’est même pas illégal. La très démocratique Confédération estime que ce n’est pas à l’Etat de légiférer sur les habitudes alimentaires des citoyens***… Reste que le monde change et les relations judéo-canines aussi.  

Par exemple, en Israël où longtemps posséder un chien était considéré comme une manie exotique, voire vaguement suspecte.  Raison pour laquelle, leurs propriétaires tentaient souvent de se dédouaner en donnant à la pauvre bête le nom d’un ennemi.

Bien sûr, personne n’aurait eu l’idée de l’appeler Hitler ou même Wagner. Mais, à l’époque, il n’y avait rien de tel que de pouvoir crier « Au pied, Nasser, au pied ! » pour montrer qu’on était malgré tout un bon Israélien et un pas mauvais Juif.  

Jusqu’à ce qu’en 1969, l’ancien Chef d’Etat Major, Mordechai « Motta » Gur, publie trois livres illustrés sur les aventures de « Azit, chienne parachutiste », un berger … allemand dont les histoires eurent tant de succès qu’on en tira un jeu de société et un film.

Accessoirement, il devint aussi licite puis normal pour un Israélien de posséder un meilleur ami de l’homme.  L’évolution a été similaire chez le Juif en diaspora, même si rien ne pourra jamais empêcher sa grand-mère de lui jeter un regard soupçonneux.

A l’animal veut-on dire. Quoique…  

*Hadith : Paroles attribuées à Mahomet.  

*Shetl (yid.): village à majorité juive

***24heures.ch

___

La plupart des informations de ce texte proviennent d’une série d’articles signés Benjamin Ivra et paru dans le toujours intéressant Jewish Daily Forward* et qui traitaient d’un livre titré : « Le meilleur ami du Juif ? L’image du chien à travers l’histoire juive».         

Un recueil d’essais réunis par Phillip Ackerman-Lieberman et Rakefet Zalashik  et paru aux éditions Sussex Academy Press en février 2013 qu’on ne saurait trop vous n’est conseiller si vous lisez l’anglais         

Dans la foulée, vous pourriez aussi vous se procurer (sur Amazon) : «

How to raise à jewish dog » (« Comment élever un chien juif ») de Barbara Davilman et Ellis Weiner paru en 2007. Votre ami canin vous en aura un gré infini.

*forward.com

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