Nos Pilifs a perdu sa maman

Géraldine Kamps
Nelly Filipson nous a quittés ce mardi 5 juin 2012, laissant derrière elle une asbl épanouie et en constant développement. Un combat réussi pour l’intégration quotidienne, scolaire et professionnelle des personnes handicapées dans une société qui ne s'en soucie pas assez.
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La Ferme Nos Pilifs est sans doute la plus connue des différentes asbl nées de ce qui est devenu pour Nelly Filipson un projet de vie : la prise en charge et l’intégration du handicap, à tout âge. Son directeur, Benoit Ceysens, évoque avec beaucoup de tendresse ce petit bout de femme qui, avec son chignon blanc et son expérience, parvenait à ouvrir bien des portes…

« Nous avons rassemblé le personnel de la Ferme ce matin pour lui annoncer son décès et cela a été pour eux comme un coup de poing à l’estomac », racontait-il. « Certains parents connaissaient Nelly Filipson depuis 45 ans, depuis la découverte du handicap de leur enfant qui, devenu adulte, travaille aujourd’hui chez nous. Chacune de ses venues était un petit événement, elle les connaissait et leur faisait la bise. Ils ont désormais perdu un repère ».

Le combat d’une vie

Née le 19 septembre 1926 à Bruxelles, Nelly Filipson rêve toute jeune de se consacrer aux enfants malades, depuis qu’elle s’est retrouvée placée à la mer dans un home pour enfants handicapés afin de se remettre d’une maladie infantile.

Elle suivra ensuite des études d’infirmière, à la recherche constante de la meilleure manière d’aborder les différents handicaps. Nelly et son mari Martin Filipson auront trois fils, Norbert, Daniel et Marc. A la naissance du troisième, leur fils aîné, âgé alors de sept ans, développe un handicap physique et comportemental. Il mourra vingt ans plus tard. Une épreuve qui fera réaliser à Nelly Filipson toutes les étapes qu’endurent les parents d’enfants mentalement handicapés.

Comme logopède, elle travaillera bénévolement pendant une dizaine d’années dans les écoles bruxelloises, avant que plusieurs parents d’enfants handicapés mentaux viennent frapper à sa porte. Nelly Filipson se lance alors avec toute son énergie dans ce combat qui orientera le reste de sa vie.

A force de volonté et de persuasion, finalement soutenue par le Fonds pour l’Intégration Sociale des personnes handicapées et des dons privés, elle fonde en 1971 le Centre de réadaptation pour enfants handicapés mentaux, avenue des Pagodes à Laeken, lequel accueille toujours au même endroit quelque 50 enfants jusque 13 ans. Le nom « Nos Pilifs » sera idéalement choisi, alliant douceur et gentillesse, selon sa fondatrice, tout en étant l’anagramme de Filipson.

De la naissance à l’âge adulte

Les enfants grandissant, Nelly Filipson pense à créer un club de loisirs, qui sera suivi en 1984 de la Ferme Nos Pilifs, les adolescents devenant adultes. « La question du travail pour ces jeunes handicapés commençait à se poser », se souvient Benoit Ceysens qui y débute sa collaboration comme objecteur de conscience. En 1984, il n’existe aucun atelier protégé dans le nord de Bruxelles, raison pour laquelle il suggère cette idée d’ouvrir une ferme multifonctionnelle. L’entreprise de travail adapté emploie aujourd’hui 160 personnes, dont 130 personnes handicapées.

En 1985 nait un service d’accompagnement « La Maison des Pilifs », ensemble de logements supervisés situé à proximité de la Ferme pour permettre à ces jeunes adultes de vivre leur autonomie, tandis qu’en 1989, le centre de jour Le Potelier est ouvert par une des ergothérapeutes à l’attention de ceux qui n’ont pas l’autonomie suffisante pour pouvoir travailler.

Dans l’entretemps, le Centre de réadaptation fondé en 1971 a ouvert une école d’enseignement primaire spécialisé pour autistes, et une école secondaire similaire est sur les rails depuis deux ans.

« Nelly Filipson a toujours eu l’audace de proposer ces nouveaux challenges en interne, aux personnes qui avaient déjà l’expérience, pour ne pas devoir tout reprendre à zéro », apprécie Benoit Ceysens, qui confie que tout n’a pas pour autant été facile. « Le manque d’infrastructures adaptées se manifeste souvent spontanément, mais après il faut que la machine se mette en route, il faut convaincre les politiques, les pouvoirs publics… La force de Nelly Filipson ces dernières années était son appui dans la réflexion constante pour améliorer les choses ». Avec reconnaissance, il souligne: « C’est une femme qui a su donner sa chance à tout le monde, aux personnes handicapées, mais à moi aussi en me faisant confiance pour démarrer la ferme. Elle a aussi fait en sorte que toutes les asbl qu’elle a lancées deviennent autonomes, en restant toujours active et de bons conseils. C’est le plus beau cadeau qu’elle pouvait nous faire ».

Et les projets ne manquent pas, puisqu’un nouveau chantier est prévu fin 2012. Il permettra d’héberger une vingtaine de personnes issues du centre de jour Le Potelier. D’ici là, Les Amis des Pilifs, qui fédère l’ensemble des asbl et maintenant leur unité philosophique, sera au cœur d’une soirée caritative organisée par la Librairie Filigranes. Encore une belle idée de Marc, le fils cadet, qui a fondé cette librairie devenue incontournable à Bruxelles. A croire que c’est de famille.

Suite au décès de Nelly Seiler-Filipson, le conseil d’administration, toute l’équipe du CCLJ et la Rédaction de Regards présentent leurs plus sincères condoléances à Martin Filipson, son mari, à Marc et Daniel, leurs enfants, à leurs petits-enfants, ainsi qu’à toute leur famille et aux nombreux amis des Pilifs. 

Voir la vidéo de Nelly Filipson (annonce de la soirée caritative de Filigranes au profit de Nos Pilifs, 24/11/2011)

http://www.filigranes.tv/tv/2011/10/soir%C3%A9e-caritiative-nos-pilifs-du-24-novembre-2011.html 

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