Test adn : et si vous étiez (vraiment) juif?

Géraldine Kamps
Savoir d’où l’on vient pour savoir qui l’on est, un questionnement qui a depuis toujours hanté l’être humain et qui s’est transformé avec le temps en un véritable business. Depuis une dizaine d’années aux Etats-Unis, plus récemment en Europe, les recherches généalogiques classiques ont fait place à un nouveau venu, le test génétique. Rapide et efficace, il peut vous apporter certaines réponses, mais aussi vous révéler des surprises.
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Qui n’a jamais voulu en savoir plus sur ses ancêtres ? Sur ses origines ? Sur sa famille ? En savoir plus sur soi pour mieux se connaître et se comprendre, pour pouvoir aussi transmettre son histoire à ceux qui nous suivront. Mais beaucoup se découragent en réalisant l’ampleur de la tâche : reconstituer son arbre généalogique demande en effet du temps et de la patience. Un vrai marché s’est donc développé outre Atlantique depuis le début des années 2000, en devenant même très à la mode en moins de dix ans, avec le lancement de produits variés, magazines, généalogie de stars… « De nombreuses sociétés privées ont vu le jour pour donner accès à des archives et des bases de données, avant de se demander comment elles pouvaient offrir plus », explique Marie Cappart, généalogiste. « C’est dans ce cadre qu’est apparue la recherche génétique, apportant de nouvelles possibilités, en remontant sur plusieurs générations et en permettant de retrouver des cousins proches ou lointains, mais aussi des parents biologiques, des demi-frères et sœurs, parfois à l’autre bout du monde ».

Réalisés à domicile grâce à un simple prélèvement de salive, ces tests ont deux objectifs : ils permettent d’obtenir, d’une part, une estimation d’ethnicité, soit les origines géographiques de notre génome (ensemble du matériel génétique), comparées avec des génomes prélevés sur un échantillon représentatif des populations du monde ; de l’autre, d’établir des correspondances avec d’autres personnes inscrites dans la base de données choisie, qui possèdent un pourcentage de chromosomes communs avec votre génome.

Cinq grosses sociétés se partagent aujourd’hui le marché mondial, une israélienne (MyHeritage), une anglaise (Living DNA), et trois américaines (FamilyTree DNA, 23andme, Ancestry DNA), sans parler de toutes les autres naissantes. De quoi faire son choix ou s’y perdre, chaque test ayant ses spécificités, entre le matrilinéaire, le patrilinéaire, et l’autosomal (sans distinction), avec possibilité de triangulation pour consulter les autres bases de données et élargir son échantillon.

 

Question éthique

Historienne, auteure du Guide de la généalogie en Belgique (éd. Jourdan, 2017), à l’initiative du blog « Histoires de familles », Marie Cappart travaille comme généalogiste depuis une dizaine d’années. Très sceptique au départ, elle n’a pas tout de suite voulu suivre la tendance, préférant la vigilance. « Ces tests peuvent poser question au niveau éthique, puisque ce sont en plus des sociétés privées qui s’en chargent. Je voulais donc savoir où je mettais les pieds avant de les proposer ». Marie Cappart a repris des cours de biologie, de génétique, et s’est largement documentée sur l’ensemble des tests existants, avant d’en expérimenter une série personnellement. Elle comprend les appréhensions qui demeurent, en restant convaincue que la crainte principale est liée à l’ignorance. « Certains peuvent se demander ce qu’il advient des tests une fois effectués », admet-elle. « Les laboratoires d’analyse sont en principe tout à fait distincts des sociétés qui interprètent les résultats, et les utilisateurs sont enregistrés par des codes chiffrés. Il faut bien entendu choisir une société qui ne revend pas ses données à des tiers, qui détruit les échantillons après utilisation, en bref, qui veille à la protection de la vie privée ».

Consciente des limites de la recherche généalogique classique, Marie Cappart voit dans le test génétique un apport complémentaire à ne pas négliger, sans pour autant la remplacer. « Certaines personnes calent dans leurs recherches et les tests génétiques peuvent permettre d’affiner leurs résultats », constate-t-elle. « Mais je suggère toujours de ne pas partir de rien, de connaître déjà des noms de famille, des ancêtres communs, pour pouvoir être plus efficace ». Tout en précisant : « L’idée de participer à ces tests est aussi de faire grandir les bases de données, sans garantie de trouver des correspondances. Peut-être qu’un jour, quelqu’un sur la planète réagira et vous recevrez une alerte sur un lien de parenté… ».

 

Salomon, vous êtes juif ?

Parmi les nombreux tests vendus sur le marché, certains distributeurs ne se sont pas fait attendre pour proposer à leurs clients d’en savoir plus sur… leur judéité. C’est l’un des slogans du test de iGENEA qui pourra « déterminer, selon vos caractéristiques génétiques spécifiques, si vous êtes d’origine juive, à quelle lignée appartient votre origine juive et même dans quelle proportion vous êtes juif ». En insistant cependant : « Nul test ne peut vous donner une preuve. Néanmoins, un test ADN généalogique peut confirmer une provenance juive ».

« Il faut être prudent, ce n’est pas le test qui fait la judéité », souligne Marie Cappart. « Vos résultats géographiques vous donneront juste une idée de votre ascendance juive, si vous en avez, à un moment donné. A vous ensuite de la creuser ou non »Le test ADN lancé en 2003 par MyHeritage (quelque 96 millions d’utilisateurs du site), dont le fondateur Gilad Japhet et actuel CEO est israélien, semble pouvoir apporter une analyse relativement fine pour définir de quelle population juive (ashkénaze, séfarade, mizrachi, éthiopienne, yéménite) votre génome est le plus proche, « grâce à de nombreux utilisateurs originaires des pays de l’Est et des Etats-Unis », relève Marie Cappart. « On note d’ailleurs un intérêt particulier pour les tests génétiques parmi les membres de la communauté juive, qui ressentent peut-être plus le besoin de connaître leurs racines, de résoudre des mystères dans leur histoire familiale, de retrouver des proches dont ils auraient été séparés ».

Un test qu’a d’ailleurs expérimenté Sylvain D’Hornoy, après le décès de sa mère. « Les tests génétiques sont interdits en France, je suis donc passé par un laboratoire américain pour le faire. Mon arrière-grand-mère maternelle a été adoptée et il y avait beaucoup de non-dits dans la famille. J’avais l’intuition d’avoir des origines juives, et cela s’est confirmé avec le test puisque c’est mon deuxième groupe ethnique avec presque 10% d’origine juive ashkénaze. Le “hasard” fait qu’en tant qu’auteur et illustrateur, je travaille depuis un an sur les lettres hébraïques… Cette synchronicité m’a invité à être plus curieux encore et à suivre des cours de judaïsme ».

Le rabbin David Meyer, ancien rabbin de la Communauté libérale de Bruxelles, est catégorique sur la validité qu’il donne aux tests génétiques. « La définition de la judéité est halakhique et ne peut être scientifique », affirme-t-il. « Quand un doute sur la judéité existe, il est levé par l’existence d’une ketouba (acte de mariage) des parents ou par des témoignages devant le tribunal rabbinique. On juge par ce que les yeux voient. La validité du test ADN est donc nulle à cet égard. Au-delà des règles halakhiques, la question de la judéité n’est pas une question de preuves. Il s’agit d’une conviction personnelle, d’un engagement, d’un mode de vie. Ce sont les leçons transmises qui forgent mon identité juive, ce que la sortie d’Egypte, par exemple, a pu nous enseigner. La sortie d’Egypte qui se voit d’ailleurs infirmée par la science ».

 

L’accompagnement, nécessaire

Joël Kotek a reçu un test génétique 23andme en cadeau d’anniversaire. « C’était pour ma famille, à travers l’un de ses membres, une manière de faire le point », confie celui qui admet s’être pris au jeu. « Les résultats ont été à la hauteur de mes espérances, indiquant que je suis ashkénaze à 98,5%, avec 1% sépharade et italien, même si je définis ma judéité par le fait de vouloir avoir des enfants juifs et non d’avoir une mère juive… J’ai découvert que le fondateur de Google, juif russe, était un proche cousin, et que mon ADN était plus proche d’autres Juifs et de Cohanim que des populations qui avaient vécu dans les mêmes régions que ma famille ».

Si la majorité des utilisateurs espèrent se découvrir de nouveaux liens de parenté, tous n’ont pas toujours les connaissances nécessaires pour être à même d’interpréter et d’exploiter leurs résultats, avec parfois à la clé de grosses déceptions. D’où l’intérêt de se faire accompagner par un généalogiste.

Le succès des tests grandissant s’explique incontestablement par leur facilité d’accès et leur coût (à partir de 70 euros), avec de nombreux colloques consacrés à la généalogie, « où ils s’arrachent comme des petits pains ! », témoigne Marie Cappart. « En Belgique, on a constaté un réel boum avec “l’affaire Delphine Boël. Les gens ont découvert qu’ils pouvaient facilement faire ces tests et se sont rués dessusMais beaucoup ne pensent pas forcément aux conséquences », prévient la généalogiste. « Il faut être prêt à apprendre des nouvelles auxquelles on ne s’attendait pas. Il y a de belles histoires, mais ce qu’on découvrira peut avoir un impact sur le reste de sa vie. Ces données restent donc à manipuler avec précaution ».

 

Du positif ?

« Cela m’a amusé de réaliser que j’avais du sang néanderthalien ! », tempère Joël Kotek. « On est finalement tous les produits de Cro-Magnon et le fruit de métissages ! » Des observations qui rejoignent celles de Sylvain D’Hornoy : « Ce genre de tests peut remuer beaucoup de choses, mais peut permettre aussi de supprimer des barrières et de rapprocher les gens, en réalisant qu’on n’est pas si différent ». « Certains Juifs qui se croyaient “purs” m’ont interpellé en se disant choqués par leurs résultats, beaucoup plus nuancés. D’autres, très radicaux par rapport à Israël, se sont vus attribuer des liens avec des populations arabes… », mentionne le rabbin Meyer, qui admet que « la claque peut ouvrir une réflexion trop enfermée ». Il conclut cependant : « Beaucoup de gens se prêtent à ces tests parce qu’ils recherchent la certitude. Dans le judaïsme, on est toujours confronté à la limite de sa propre définition, cela fait partie du jeu de la diversité juive qu’il faut assumer. Le “En vérité, je vous le dis”, comme l’envisagent les tests génétiques, reste un concept assez étranger au cadre juif ».

Quand on sait que bientôt des enveloppes vont pouvoir être testées, on comprend que les avancées de la science n’ont pas dit leur dernier mot. 

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Jessica duparc
Jessica duparc
2 années il y a

Comment on peut savoir qu’on est juif

Meehsen
Meehsen
2 années il y a

Ma néphrologue m’a signalé que mon nom de famille est d’origine juive.
Pouvez vous m’aider.
Merci.
B. Meehsen

Glachant
Glachant
1 année il y a

Mes arrières grand parents sont arriver de Pologne en 39 en France et ils ont coupé leurs nom de famille . Je souhaite savoir si j’ai des origines juives .

Gamracy
Gamracy
1 année il y a

bonjour excxusez moi de vous déranger mais recemment j’ai appris que j’avais de potentielle origine Juive, j’aimerais donc savoir si cela est vrai

Kate
Kate
7 mois il y a

Bonjour, je fais actuellement des recherches sur mes origines, et je ne trouve absolument rien sur ma grand-mère du coté de ma mère, j’ai fais des recherche avec son nom de famille orthographier de plusieurs façon différente. De plus je n’ai aucune information sur cette partie de ma famille, c’est le silence total.
Elle habitait dans le 01, nom à consonance allemande

Merci d’avance

JordiS Palomo
JordiS Palomo
5 mois il y a

A l’âge de 24 ans, en lisant l’Encyclopédie Judaïca, j’ai acquis l’intime conviction que j’avais des origines juives, bien qu’élevé dans la religion catholique, je me suis toujours senti très proche de la culture juive et d’Israël. Au cours de ces 20 derniers années, j’ai effectué deux tests ADN, qui ont démontré des origines juives, et plus précisément askhénazes. Provenant d’Espagne, j’ai également observé que les patronymes de mes ancêtres se retrouvent dans des lignées de familles juives. Comment procéder pour pouvoir officialiser mes origines ?

Mpoyi Marie-Cecile
Mpoyi Marie-Cecile
5 mois il y a

Bonsoir ,je voudrais que l’on me dise ,je n’ai jamais fait un test ADN mais je me pose des questions .Car dans un arbre genealogique ,j’ai vu des noms d’origine juifs!Alors je vous redemande le nom de famille ,MAURICE ,et un autre nom de famille FOLTIER .Merci par avance .

Chico
Chico
1 mois il y a

Bonjour , je viens de faire mes tests ADN et je découvre que j’ai du 6.3% des gènes juifs Askenaze…une question Les Askenazes sont ils sémites ?

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