03/09/2024
Regards n°1108

La question de la démocratie israélienne se pose-t-elle ?

Depuis des mois, Benjamin Netanyahou ne cesse de répéter, avec des accents très churchilliens, que « la victoire totale est notre but ». Cette victoire totale désigne précisément la destruction des capacités militaires et politiques du Hamas, ainsi que le retour des otages israéliens détenus à Gaza. Hélas, jusqu’à présent, la guerre sans fin menée par le gouvernement israélien n’a ni détruit le Hamas ni abouti à la libération des otages.

Il n’a pourtant échappé à personne que cette obsession d’une victoire totale ne sert que les intérêts du Premier ministre Benjamin Netanyahou et de ses alliés gouvernementaux. La poursuite de la guerre permet au Premier ministre d’assurer sa survie politique personnelle et aux ministres d’extrême droite religieuse d’imposer leur nationalisme raciste et messianique. Pour ces fous de Dieu, la démocratie libérale et l’État de droit ne sont pas seulement des infantilismes superflus, ce sont des instruments de goyim destinés à les empêcher d’imposer une souveraineté juive sur la totalité de la terre biblique de Judée-Samarie. Emmenés par Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, ces zélotes ont à maintes reprises montré ce dont ils sont capables.

« La démocratie a été consubstantielle au projet d’émancipation nationale défini par les pères du sionisme politique. Non que les guerres n’aient pas marqué la vie démocratique du pays ; leurs effets au contraire étaient lisibles partout. Mais elles n’ont jamais perturbé la marche régulière des institutions, les rapports entre gouvernants et gouvernés, ni sapé de quelque façon le principe de la souveraineté nationale ni ébranlé la vigueur de la vie publique israélienne, et pas davantage ralenti le processus démocratique. »

Ce qui s’est passé fin juillet à la prison de Sde Teiman l’illustre parfaitement : lorsque la police militaire est venue y arrêter des soldats soupçonnés d’avoir torturé un détenu palestinien, des militants et des députés de l’extrême droite religieuse et du Likoud (parti du Premier ministre) ont pris d’assaut cette prison pour bloquer les procédures judicaires lancées à l’encontre de ces soldats réservistes. Constatant l’absence de condamnations claires des émeutiers par les membres du gouvernement, le chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi, a dû leur rappeler les règles fondamentales de l’État de droit. Oui, ce rappel à l’ordre démocratique est le fait d’un militaire de carrière et non pas un magistrat de la Cour suprême !

Cet incident inédit pose la question de la nature démocratique d’Israël. Cet État n’a jamais connu d’autre régime que la démocratie. Comme le soulignait en 2013, dans Le Débat, l’historien spécialiste de la Révolution française et de l’histoire politique israélienne, Ran Halévi : « La démocratie a été consubstantielle au projet d’émancipation nationale défini par les pères du sionisme politique. Non que les guerres n’aient pas marqué la vie démocratique du pays ; leurs effets au contraire étaient lisibles partout. Mais elles n’ont jamais perturbé la marche régulière des institutions, les rapports entre gouvernants et gouvernés, ni sapé de quelque façon le principe de la souveraineté nationale ni ébranlé la vigueur de la vie publique israélienne, et pas davantage ralenti le processus démocratique. »

Avec la montée en puissance et la participation à la coalition gouvernementale de partis religieux ouvertement racistes et fascistes, comme Otzma Yehudit (Ben Gvir) et HaTzionut HaDatit (Smotrich), est-il encore possible d’affirmer que la démocratie israélienne soit aussi forte et solide que nous le pensions ? Malheureusement, la réponse favorable ne fuse pas. Le doute plane, car, en toute impunité, les ministres et les députés de ces partis tiennent des propos racistes et posent des actes antidémocratiques qui font froid dans le dos. Dans toute autre démocratie, cela aurait entraîné une condamnation pénale et aurait mis fin à leur carrière politique. Dans un tel contexte, il n’est même plus nécessaire de voter une réforme illibérale pour se débarrasser de la démocratie israélienne. Certes, il restera encore la Déclaration d’indépendance de 1948. Mais si les démocrates israéliens, encore majoritaires, ne se ressaisissent pas, ce magnifique texte risque devenir un jour une relique de musée, pour rappeler aux générations futures ce qu’Israël aurait pu être 
s’il n’avait pas perdu son âme démocratique en plus d’un demi-siècle d’occupation des territoires conquis en 1967.

Écrit par : Nicolas Zomersztajn
Rédacteur en chef
22 bis

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