Né en Bessarabie, Idel Ianchelevici (1909-1994) vient étudier la médecine à Liège, mais finit par entrer à l’Académie des Beaux-Arts où il rencontre sa femme, Elisabeth Frénay, « Betty » (1933). « Ian » expose en 1935 au Palais des Beaux-arts de Bruxelles : ses grandes statues d’argile, de facture expressionniste, évoquant la vie populaire et les luttes sociales, captivent la critique. En 1939, il crée Le plongeur et son arc pour l’Exposition Internationale de l’Eau à Liège et la commune de La Louvière lui achète L’Appel, sculpture monumentale d’un homme debout, la main tendue vers le ciel. En Belgique occupée, Ian, citoyen roumain, est inscrit au registre des Juifs. Son réseau d’amis, dont August Vermeylen, écrivain socialiste et flamingant, l’aide à survivre caché, à Maransart, puis près d’Alsemberg.
Citoyen belge en 1945, son art mémoriel s’affirme par une œuvre emblématique : le Résistant, « agenouillé mais jamais à genoux », sculpture de plus de 5 m de haut dont il fait le croquis sur un carton de bière en 1942. Louis Piérard s’enthousiasme pour cette figure symbolique de la Résistance. Le président de l’association nationale des rescapés de Breendonk propose d’en faire un monument national au prisonnier politique. Le 25 avril 1954, ce monument est inauguré par le roi, devant le fort de Breendonk. Le Mill conserve d’autres projets mémoriels : Le Souffle, créé pour le monument national à la Résistance de Liège, la maquette d’un monument aux Juifs déportés d’Anvers (1948), ainsi que les modèles en plâtre des 4 bas-reliefs du monument aux Juifs de Galicie à Haïfa (1954).
Bustes de Fela Perelman et plâtre à l’effigie de Hertz Jospa
Excellent portraitiste, Ianchelevici représente de nombreuses personnalités du monde politique, artistique et littéraire. On trouve au Mill les bustes de Fela Perelman et Yvonne Névejean et un plâtre à l’effigie de Hertz Jospa, protagonistes de la cache des enfants juifs par le CDJ. Ian affirme aussi son devoir de mémoire en créant des médailles, telles L’Entraide (1945), rééditée en 1980 par le Comité d’hommage des Juifs de Belgique à leurs héros et sauveurs, Mai célébré, médaille remise à la reine Élisabeth par le Conseil des associations juives de Belgique en 1946, ou encore une médaille commémorant l’immigration clandestine en Palestine, commande de Chaïm et Fela Perelman.
En 1954, Betty et Ian s’établissent près de Paris, à Maisons-Laffitte. La technique de taille directe pousse Ian à simplifier les formes, schématiser les visages et allonger les corps. Remarquable dessinateur, il est un maître de la ligne claire. Son style s’affirme durant ses missions au Congo (1956-1959). Suite à une commande de l’État pour le monument Stanley à Léopoldville, il crée trois statues, le pâtre, le pêcheur et le chasseur, dont les plâtres originaux et les dessins, exposés au Mill, témoignent de l’admiration du sculpteur pour le peuple congolais.
Le Musée Ianchelevici ouvre ses portes en 1987 dans l’ancien palais de justice de La Louvière. Son directeur, Benoît Goffin souligne que « Ian n’a jamais habité La Louvière mais fait partie intégrante de notre histoire artistique. La Fondation Ianchelevici crée en 1984 par Betty et Ian reste propriétaire de ses deux cents sculptures et deux mille dessins que nous conservons. Notre nouvelle exposition temporaire tire de l’oubli l’art abstrait du sculpteur Willy Anthoons, co-fondateur de la Jeune Peinture Belge qui expose à La Louvière en 1946, avec Ianchelevici. La scénographie fait dialoguer les œuvres de ces deux sculpteurs ». Le cinéaste Bernard Balteau, vice-président de la Fondation Ianchelevici, auteur d’un film et d’une monographie sur ce grand artiste du 20e siècle conclut : « Ian refusait d’être catalogué et aimait dire de lui-même je suis juif et je suis artiste, mais je ne suis pas un « artiste juif » !
Exposition : Willy Anthoons. L’esprit de la matière
Jusqu’au 14 mai 2023
MiLL – Musée Ianchelevici
Place communale 21 , 7100 La Louvière
Mardi-vendredi 11-17h, sa-di 14-18h