L’Humeur – Une guerre sur deux fronts

Joel Kotek
Cette nouvelle année se devine d’ores et déjà lourde de menaces et, une fois n’est pas coutume, nous allons devoir nous habituer à lutter sur deux fronts, extérieur et intérieur : contre l’antisémitisme rampant et hypocrite qui sévit en Belgique, contre l’extrémisme juif qui explose en Israël.
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D’un côté, des islamogauchistes qui, au nom du Bien, s’interdisent de condamner l’islamofascisme frériste. De l’autre, des judéofascistes qui, toujours au nom du Bien (mais « juif » cette fois-ci), s’emploient non seulement à violenter les Palestiniens, mais s’ingénient à diviser le peuple juif. Car ce qui se joue aujourd’hui au Moyen-Orient, c’est autant la survie d’Israël en tant qu’État juif et démocratique que celle même du peuple juif.

Ne nous voilons pas la face, les mesures projetées par les extrémistes et les voyous qui composent l’actuel gouvernement israélien risquent de détruire jusqu’aux fondements le bel édifice pensé par les Pères fondateurs du sionisme. Hallucinant ! L’État juif conçu par Ben Gourion, G. Meir, L. Eshkol, Y. Rabin et même A. Sharon, est désormais sous la coupe d’héritiers de Shimon Bar Gira, de Jean de Gischala, d’Éléazar Ben Hanania et, ne l’oublions pas, de Shimon Bar Kokhba. Pour ceux qui ne les connaissent pas, il s’agit de ces « fous de Dieu », originaires de Judée et de Galilée qui précipitèrent par deux fois la ruine d’Israël, en 70 et 135. Forts de leurs certitudes messianiques, ces zélotes ou sicaires s’en prirent alors autant aux infidèles qui souillaient la Terre d’Israël qu’à leurs compatriotes jugés trop timorés ou soupçonnés de collaborer avec les Romains. On retrouve aujourd’hui le même nationalisme intransigeant, primitif et agressif, le même zèle visant à hâter l’arrivée du Messie, la même haine de l’étranger, la même hubris purificatrice, si nécessaire par la violence et surtout le même optimisme suicidaire. Tout comme leurs modèles antiques, nos joyeux lurons ne doutent pas de la Providence divine. En l’an 70, Dieu n’empêcha-t-il pas in extremis Titus de détruire le Temple de Jérusalem ? Et, en 1942, ne frappa-t-il en premier les nazis tandis qu’ils s’apprêtaient à exterminer les Juifs ? On connaît la réponse, non ?

Bref, je crains pour Israël. On connaît tous ce witz qui résume le dilemme qui fut posé dès 1933 aux Juifs allemands. Fallait-il fuir cette Allemagne tant chérie ? Les pessimistes émigrent aux États-Unis pour construire Hollywood, les optimistes restent en Allemagne et finissent à Auschwitz. L’histoire en est témoin : rien n’est jamais définitivement acquis. La position d’Israël en tant que Start Up Nation est loin d’être irréversible. Pour preuve cette Espagne qui, au lendemain de la Reconquista (1492), s’oublia dans le catholicisme le plus intransigeant, au prix d’un déclin irrémédiable et ce, malgré l’odieux pillage des Amériques. L’exemple espagnol nous montre comment une société d’entrepreneurs et d’aventuriers, souvent sans foi ni loi (les conquistadors !), ouverte à la diversité religieuse (Juifs et Morisques) se métamorphosera en quelques décennies en cimetière intellectuel. Quelle fut la contribution de l’Espagne, un temps l’État le plus riche de la planète, à la modernité ? En cause, un repli fatal sur la religion qui interdira toute pensée dissidente et provoquera à terme une sanglante guerre civile. C’est ce scénario catastrophe que nous trace le « génial » Bibi et ses sbires hallucinés. Tout serait-il perdu ? Rien n’est moins sûr. Gageons que les forces vives de la Nation, celles qui contribuent à la richesse du pays, arrêteront à temps la dérive insensée que prend aujourd’hui Israël. Rien n’est jamais perdu d’avance. Tout comme Gramsci, nous nous devons d’allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté.

Répétons-le une fois encore, rien n’est jamais définitivement joué. Qui eût cru que des organisateurs belges en viendraient contre toute attente à déprogrammer un rappeur aussi populaire que Médine pour cause de propos antisémites ? On se souviendra qu’en juin dernier, fort de l’appui de militants de la FGTB, le collège communal de Verviers choisit, lui, de maintenir la venue de ce rappeur à la réputation déjà bien sulfureuse. C’est bien cet invité vedette de l’université d’été des écologistes français qui, en 2005, dans son premier album 11 septembre récit du 11e jour, accumula des propos ambigus sur Ben Laden. C’est encore lui qui, en 2014, postait sur Facebook une photo qui le montrait en train d’effectuer une quenelle, geste antisémite lancé par son pote Dieudonné. C’est toujours lui qui, l’année suivante, diffusait un titre, Don’t Laïk où il dressait une critique en règle de la laïcité à la française. « Crucifions les laïcards comme à Golgotha […] Au croisement entre le voyou et le révérend / Si j’te flingue dans mes rêves j’te demande pardon en me réveillant / En me référant toujours au saint Coran. » Dans le clip qui illustra le titre, et qui fit en quelques jours, un million de vues sur YouTube, on voyait des femmes voilées en niqab suivre un livre portant mention de « Noble coran ». Enfin, c’est toujours ce « très progressiste » rappeur havrais qui s’attira la foudre des critiques du milieu LGBT+. Dans une vidéo partagée par plusieurs associations, Médine, dans un souci de s’attaquer au concept d’assimilation, décrivit le musulman supposément souhaité par les Européens comme « un musulman light » qui fait « un peu tarlouze, etc. ». Ben Gvir et Médine démontrent chacun à leur manière que l’on peut être victime de discriminations et en même temps être homophobe, sexiste et raciste. Ici, réside sans doute la vraie définition de l’intersectionnalité en tant que cumul des dégoûts.

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